Lorsqu'on demande qui sont les groupies de Donald Trump au Congrès américain, les noms de Marjorie Taylor Greene et Lauren Boebert sont les plus fréquemment cités. «MTG» s'est fait un nom - et des initiales - avec des théories du complot fumeuses (des canons laser juifs venus de l'espace seraient à l'origine des incendies de forêt en Californie) et une apparition dans un manteau blanc kitsch avec un col en fourrure, pendant le discours sur l'état de l'Union du président Biden, en 2023.
Pendant ce temps, Lauren Boebert aime poser avec un fusil AR-15 en bandoulière et fait les gros titres parce qu'elle se laisse tripoter en public par son nouveau boyfriend.
Marjorie Taylor Greene et Lauren Boebert sont des représentantes typiques d'une classe sociale que l'on appelle de manière assez peu respectueuse les «white trash» (les déchets blancs): des Américains ayant peu d'éducation, qui gagnent assez mal leur vie, vivent dans des caravanes et à qui l'on attribue un QI inférieur à leur pointure de chaussures.
Elise Stefanik, elle, boxe dans une autre catégorie. Elle est issue d'une bonne famille et d'un quartier huppé et conservateur de l'Etat de New York. Elle est diplômée en droit de la prestigieuse université de Harvard. Aujourd'hui âgée de 39 ans, elle a gagné ses galons politiques au sein du gouvernement de George W. Bush et a longtemps été considérée comme une républicaine modérée. Elle n'a longtemps eu que du mépris pour Donald Trump, surtout après la publication des vidéos «Access Hollywood» - ces fameux enregistrements sur lesquels l'ex-président se vante d'avoir le droit, en tant que célébrité, d'«attraper les femmes par la chatte».
Entre-temps, Elise Stefanik est devenue «ultra-MAGA, et fière de l'être», comme elle le scande elle-même. Elle défend l'ancien président par tous les moyens, répète son big lie à chaque occasion possible - et impossible. Comme son idole, elle qualifie les condamnés du 6 janvier 2021 d'«otages» et compare les Biden à une «famille de criminels». Contrairement à Marjorie Taylor Greene et Lauren Boebert, elle use d'une rhétorique habile et d'un dressing de marque.
La transformation d'Elise Stefanik a commencé avec le premier impeachment de l'ex-président. A l'époque, cette juriste de formation se fait remarquer en tant qu'interrogatrice rusée lors des auditions, non seulement par les téléspectateurs, mais surtout par Trump lui-même. Le parti a «une nouvelle star», tweetait alors le milliardaire avec enthousiasme.
Les louanges de Donald Trump ont trouvé un terrain fertile. La jeune députée d'arrière-ban est rapidement devenue une femme dont la voix a du poids au sein du Grand Old Party (GOP). Lorsque Liz Cheney, contrairement à la plupart des républicains, s'est découvert une conscience et a salué un deuxième impeachment de Trump après la prise du Capitole, Elise Stefanik a saisi sa chance et a évincé la fille de l'ex-vice-président, entre-temps répudiée, de la tête du groupe parlementaire des républicains à la Chambre des représentants.
Par la suite, Stefanik est devenue une figure incontournable de Fox News, même si elle pointe aussi volontiers le bout de son nez sur le podcast d'une ponte de l'alt-right, le dangereux Steve Bannon. Son apparition la plus réussie jusqu'à présent, toutefois, a eu lieu lors d'une audition à la Chambre des représentants, il y a quelques semaines. Face à elle? Trois présidentes d'universités d'élite ont dû rendre des comptes sur leur gestion des manifestations anti-israéliennes sur leur campus.
Elise Stefanik est parvenue à les pousser si habilement dans leurs retranchements qu'elles se sont répandues dans des déclarations peu avantageuses - et c'est un euphémisme. Les images de cette audience sont devenues virales et deux des présidentes ont dû démissionner. A la grande satisfaction d'Elise Stefanik. «Je donne toujours des résultats», s'est-elle vantée, une fois l'acte accompli.
Désormais, Elise Stefanik est sérieusement pressentie comme candidate au poste de vice-président de Trump. Interrogée à ce sujet, l'intéressée se montre aussi réticente qu'une adolescente amoureuse. En fait, elle a toutes les chances d'être élue: intelligente, inconditionnellement loyale à Trump et exempte de scrupules moraux. Margaret Hoover, présentatrice de télévision qui a autrefois travaillé à ses côtés à la Maison-Blanche, la décrit dans le New York Times comme «absolument ambitieuse et totalement dénuée de principes».
Le duo Trump/Stefanik - s'il devait effectivement voir le jour - représenterait une sérieuse menace pour Biden/Harris. Les démocrates s'en inquiètent également. Le Washington Post rapporte ainsi que Barack Obama a rendu visite à son ancien vice-président à la Maison-Blanche et lui a vivement conseillé de changer de stratégie.
Les avertissements d'Obama ont eu de l'effet. Lors de sa première apparition dans la campagne électorale vendredi dernier, Joe Biden a attaqué Trump de front pour la première fois. L'ex-président est un danger pour la démocratie et n'a pas le bien-être des Américaines et des Américains en tête, mais ne cherche que «la vengeance et les représailles», a dénoncé le 46e président.
Les médias libéraux tirent également la sonnette d'alarme. Pour son premier éditorial de la nouvelle année, le New York Times adopte le même ton que le président américain.
«Ce n'est pas le moment d'attendre que quelque chose se passe. Nous devons nous engager.»