Le président russe Vladimir Poutine se rapproche un peu plus de son objectif déclaré de conquérir l'oblast de Donetsk, dans l'est de l'Ukraine. Ces derniers jours, ses troupes ont accéléré leur progression à l'est de Pokrovsk, un important nœud de communication. Elles menacent ainsi non seulement cette ville minière et industrielle d'environ 65 000 habitants, mais aussi d'importantes lignes de ravitaillement ukrainiennes. A vol d'oiseau, les Russes se trouvent à moins de 18 kilomètres de la périphérie de la ville.
Mi-février, les Russes ont conquis la ville d'Avdïivka, plus au sud-est, ainsi que son usine de charbon. Depuis, ils ont progressé le long de la ligne de chemin de fer qui relie les deux localités. Les rails serpentent tranquillement sur une colline et s'enfoncent dans l'oblast de Donetsk. La plupart du temps, ils sont bordés de part et d'autre par des parcelles de forêt dont la canopée offre un refuge à l'abri des regards pour les soldats russes. La voie ferrée entre les deux villes s'étend sur 55 kilomètres environ. Les Russes en contrôleraient désormais 31.
Les troupes du Kremlin ont orchestré des attaques aériennes constantes avec des bombes planantes pouvant parcourir de grandes distances sans propulsion propre. Pour ce faire, les chasseurs russes volent à très haute altitude et larguent les bombes à ailes déployables bien avant la ligne de front, avant de regagner tranquillement leurs bases. Il est donc presque impossible pour la défense aérienne d'abattre les avions.
Kiev attend toujours avec impatience les F-16 de combat en provenance des Pays-Bas et d'autres pays européens. De quoi contrer l'offensive ennemie, à condition que les avions soient équipés de missiles air-air à longue portée.
Selon les Ukrainiens, Moscou utilise une centaine de bombes planantes de différents calibres par jour. Et ce sur l'ensemble du front, long de plus de 1000 kilomètres. Celles-ci bombardent les colonies et les fortifications adverses jusqu'à ce que les Ukrainiens soient contraints de se retirer.
Certes, les Russes manquent de plus en plus de véhicules blindés et les pertes semblent si élevées que la situation ne pourra pas perdurer. Mais le commandement militaire ukrainien commet également de nombreuses erreurs, cherchant à conserver à tout prix ou même à reconquérir des territoires. C'est ce qui s'est passé par exemple après l'échec de l'offensive russe près de Kharkiv, où Kiev s'échine bêtement à récupérer les maigres gains de terrain des assaillants. Les soldats qui y sont engagés doivent être redéployés de toute urgence sur d'autres points chauds du front.
Car les commandants ukrainiens les plus jeunes ont développé une nouvelle stratégie. Ils ont compris qu’ils pouvaient détruire beaucoup d’ennemis et de matériel russe s’ils cédaient des parcelles de terrain en retour.
Le territoire ukrainien s'étend sur plus de 600 000 kilomètres carrés. Les Russes en ont occupé environ 7% lors de la guerre de 2014, auxquels se sont ajoutés 11% supplémentaires depuis 2022, soit environ 66 000 kilomètres. Cela correspond à environ deux fois et demie la superficie de la Suisse. Après deux ans et demi de conflit et un demi-million de morts et de blessés russes, ce résultat a de quoi décevoir.
D'un autre côté, ce calcul approximatif signifie que Kiev contrôle encore environ 82% de sa surface. Il reste donc à l'armée ukrainienne un vaste espace dans lequel livrer aux Russes des batailles afin de les affaiblir tant en termes de soldats que de matériel. L'important pour Kiev est d'être capable de ménager au maximum ses propres forces et à infliger le plus de dommages possible à l'adversaire.
Certains Ukrainiens d'obédience soviétique, comme le général Youri Sodol, destitué fin juin, ne se sont pas donné cette peine et ont épuisé les contingents dans des combats inutiles.
L'avancée russe près de Pokrovsk comporte également des risques pour le corps d'invasion de Moscou. Le long éperon que les Russes ont enfoncé le long de la ligne de chemin de fer dans le territoire dominé par les Ukrainiens doit être élargi en permanence. Sans quoi les unités de pointe risquent d'être séparées et encerclées par des contre-attaques.
Le ravitaillement des soldats de première ligne devient par ailleurs toujours plus compliqué. Avec les températures estivales qui règnent actuellement dans l'est de l'Ukraine, cela vaut aussi pour l'eau potable. Les drones de combat ukrainiens chassent les transports de ravitaillement russes derrière les lignes ennemies.
(Traduit et adapté par Valentine Zenker)