Il était une fois, en Californie, un terrain de polo. Une pelouse lumineuse, un ciel limpide, un soleil étincelant. Un prince athlétique descendant de son cheval pour embrasser sa belle, robe blanche et bijoux Chanel. Lui vient de s'illustrer au polo pour la bonne cause. Elle de lancer son commerce de confitures maison. Les équipes de tournage Netflix tourbillonnent comme des nuées d'abeilles gourmandes. Bref, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Le petit monde d'Harry et Meghan.
Rien ne semble pouvoir contrecarrer les projets du couple d'exilés royaux. Pas même un énième revers judiciaire au sujet de la sécurité du duc, ce lundi, devant la Haute Cour de Londres. Entre la production de deux nouvelles séries, un nouveau business de lifestyle pour la duchesse et moult activités caritatives, les Sussex n'ont plus une seconde pour s'apitoyer sur leur sort.
Comme pour prouver que le prince ne regrette pas sa mère-patrie, sa météo capricieuse et sa gastronomie douteuse, la décision du juge est tombée la semaine même de la publication de documents administratifs très révélateurs. C'est officiel. Depuis quelques mois, Harry est enregistré comme un fier «résident» américain.
A ne pas confondre avec «citoyen». Car pour l'heure, le Britannique à l'accent subtil n'envisage pas de devenir un véritable Américain. Comme il l'a répété récemment sur l'émission Good Morning America:
En attendant, le prince Henry Charles Albert David a élu les Etats-Unis pour pays de résidence principale, depuis le 19 avril 2023. Coïncidence? Il s'agit du jour précis où son père, le roi Charles, a prié son fils et sa bru de rendre les clés de Frogmore Cottage, leur propriété du domaine de Windsor, reçu comme cadeau de mariage. Leur dernier pied-à-terre au Royaume-Uni. Tout un symbole.
«Comme toujours avec Harry, on peut lire beaucoup de choses dans ses actions», suggère l'auteur royal Phil Dampier dans le Sun. «Etre évincé de Frogmore Cottage l’a profondément blessé. Maintenant, il montre qu'il accepte que sa vie se déroule aux Etats-Unis.»
Tout américain de cœur qu'il est, le statut officiel du prince Harry pourrait se révéler rapidement très bancal. Voilà plus d'un an que sa demande de visa déchire les camps démocrate et conservateur. Souvenez-vous. Nous sommes en janvier 2023, dans la foulée de ses mémoires brûlantes, interviews tapageuses et aveux sensationnels sur sa consommation de cannabis, ayahuasca, cocaïne et autres champignons hallucinogènes.
Autant de déclarations qui valent au prince téméraire de tomber dans le viseur d'un groupe de réflexion conservateur américain, la Heritage Foundation. Laquelle pose une question: lors de son entrée sur le sol américain, en 2020, le prince Harry a-t-il menti sur cette consommation de drogues illégales? Ou, pire, a-t-il dit la vérité et bénéficié d'un coup de pouce de l'administration Biden pour trouver refuge sur le sol américain?
Malgré les refus répétés du Département de la Sécurité intérieure (DHS) de publier la fameuse demande de visa, le groupe conservateur n'en démord pas. Cette publication, il la réclame mordicus. Quitte à porter le dossier devant un tribunal de Washington DC, où il est toujours en attente de jugement.
Entre-temps, le «visa Gate» a viré au scandale d'Etat. En particulier depuis qu'un certain Donald Trump a pris position, sans prendre soin de dissimuler ses menaces. En cas de réélection, lui président, il n'hésitera à expulser le prince de son pays d'adoption. «Harry serait seul si cela ne dépendait que de moi. Je ne le protégerai pas», a proféré l'ancien président lors d'un évènement de campagne.
Le mois dernier, au tour de l'ambassadrice américaine au Royaume-Uni de s'exprimer sur ce dossier épineux sur la chaîne GB News. Interrogée quant à une possible exclusion d'Harry des Etats-Unis, Jane Hartley a balayé l'hypothèse: «Eh bien, cela n'arrivera pas dans l'administration Biden.»
Il n'en fallait pas plus pour faire bondir la fondation Heritage. «L'ambassadrice des Etats-Unis à Londres parle directement au nom du président des Etats-Unis. Il est extraordinaire qu’elle ait choisi de commenter une affaire en cours devant un tribunal fédéral», s'étrangle son directeur, Nile Gardiner, au Daily Telegraph.
Une question qui agite jusqu'aux spécialistes royaux. «Ce que nous montre cette intervention de l’ambassadrice américaine, c’est que l’administration Biden était prête à autoriser le fils du roi à entrer dans le pays, quelles que soient les règles qu’il aurait ou non enfreintes», souligne l'autrice Lady Colin Campbell au Daily Beast.
En attendant que tranche la justice fédérale américaine, Harry ferait bien de savourer son american dream. Aux Etats-Unis, aucun étranger ne dispose d'un droit d'entrée inviolable. Et n'importe qui peut devenir persona non grata en un rien de temps. Même un preux prince en exil.