Entre un plongeon dans l'océan, un bal caritatif et un déjeuner sur la terrasse d'Oprah Winfrey, le prince Harry nourrit peut-être quelques motifs d'inquiétudes. A quelques mois de l'élection américaine, Donal Trump, grand favori dans les sondages, vient d'ores et déjà de lui adresser un avertissement. «ll a trahi la reine. C'est impardonnable. Il serait seul si cela ne dépendait que de moi», a-t-il lancé samedi, à l'occasion d'une conférence près de Washington DC.
Voilà le prince prévenu. En cas de réélection de l'ancien président, le renouvellement de son visa et son rêve américain pourraient s'avérer un poil plus précaires que prévu.
Cette attaque a priori gratuite de Donald Trump n'est pas exactement une surprise. Juste une énième démonstration de force d'une dispute qui oppose le clan Trump à celui des Sussex depuis 2016. Lorsqu'une actrice californienne encore méconnue a osé émettre sur un plateau télé ses craintes sur une possible présidence de Trump, cet homme «misogyne» et «source de division».
La suite, on la connait. Deux mois plus tard, Meghan Markle fait la connaissance d'un certain prince Harry, dans un hôtel chic de Londres. C'est le coup de foudre. Trois mois plus tard, Donald Trump accède officiellement au Bureau ovale. Le destin a un drôle de sens de l'humour, paraît-il.
Depuis, si les Sussex se sont faits discrets au sujet du 45ᵉ président - à l'exception d'un appel à voter démocrate, en 2020 - l'intéressé, lui, a gardé une rancune tenace de cet affront. On ne compte plus ses piques à l'égard du couple de royals exilés en Amérique depuis maintenant quatre ans. De la «méchante» Meghan, à son «irrespect» crasse envers la reine Elizabeth, en passant par le désir sincère de Trump d'en «découdre» avec elle, à l'occasion d'un débat télévisé.
Au milieu de ces attaques, une constante: Elizabeth II. Cette «grande, grande dame» pour laquelle Donald Trump n'éprouve qu'amour et admiration. Lui qui n'a jamais respecté rien ni personne, c'est suffisamment rare pour être noté.
Trump ne serait pas le premier. Sur les treize chefs d'Etat américains qu'Elizabeth II a rencontrés au cours de son règne, tous ont été charmés. La monarque britannique disposait d'un réel talent pour transformer l’homme d'Etat le plus puissant de la planète en un fanboy surexcité. De Dwight Eisenhower à qui elle a promis sa recette de scones, à Ronald Reagan soufflé par son talent de cavalière, en passant par Barack Obama, pourtant éternel serein, qui a admis qu'il avait eu de la peine à «garder son sang-froid» lorsqu'il s'est trouvé face à Sa Majesté.
Les rencontres entre Elizabeth et Donald Trump garderont toutefois un petit goût d'insolite supplémentaire. A commencer par leur contexte. Pour le moins... explosif. En 2018, quand le 45ᵉ président des Etats-Unis «politiquement toxique» pose le pied au Royaume-Uni pour la première fois depuis son élection, quelque 250 000 personnes défilent dans les rues de Londres pour protester contre sa venue. Cette première visite d’Etat est si sensible qu'elle est très vite rétrogradée au stade de simple «visite de travail», sans faste ni apparat.
La première audience entre Trump et Elizabeth, elle, sera non seulement marquée par l'absence royale de toute la clique des Windsor, mais aussi par une sérieuse entorse au protocole. Pendant le salut rituel aux troupes, le président commet l'impair de marcher devant la reine, laissant à Sa Majesté le loisir d'observer ses fesses. Scandalous. Internet s'emballe.
La souveraine ne lui en tiendra pas rigueur puisque, un an plus tard, Trump et toute sa famille sont conviés au palais de Buckingham pour un somptueux banquet d'Etat, comprenant agneau, flétan, tarte à la fraise et petits fours. Sans oublier tout le gratin monarchique: la reine, ses quatre enfants et leurs conjoints (ô surprise, Harry et Meghan seront les seuls indisponibles). Un dîner agrémenté, pour la forme, d'un toast enthousiaste de Donald Trump et d'une nouvelle infraction à l'éthique, cette fois-ci, en apposant la main dans le dos de Sa Majesté.
C'est peut-être à sa mère adorée, Mary Anne MacLeod Trump, que le milliardaire doit cette fascination pour la monarchie. Donald a régulièrement raconté aux journalistes et biographes l'un de ses tout premiers souvenirs d'enfance. Un certain 2 juin 1953, lorsqu'il découvre sa mère, les yeux rivés pendant des heures devant son poste de télévision, happé par le spectacle. A 5760 kilomètres de là, Elizabeth est couronnée reine d'Angleterre. Du haut de ses six ans, le jeune Donald comprend que ce sacre doré a touché une corde sensible chez Mary, une immigrée écossaise aux origines modestes, un temps femme de ménage dans une famille de milliardaires américains. Sur le tard, elle a développé un goût pour le luxe que son fils était heureux de combler.
Tout au long de sa vie et de sa carrière, Donald Trump a tenté de surfer sur un pied d'égalité avec la monarchie britannique. Une référence en matière de prestige, de faste, d'éternité. Comme les Windsor, Trump perçoit sa famille comme une dynastie. Coulée dans le marbre, les armoiries et les dorures. Fussent-elles en toque.
Une inspiration, mais aussi un formidable argument marketing. Dans les années 1980 déjà, le promoteur new-yorkais fait circuler une rumeur selon laquelle le prince Charles et Lady Diana envisagent d'acheter une unité à 5 millions de dollars dans sa Trump Tower. Même tactique quelques années plus tard pour son club de Palm Beach, en Floride, pour générer du buzz autour de son tout nouveau club privé, Mar-a-Lago.
Elizabeth II n'est d'ailleurs pas la seule aristocrate à susciter les ardeurs de Donald Trump. Après le divorce du prince et de la princesse de Galles, en 1996, l'homme d'affaires aurait fait parvenir à Diana Spencer «d’énormes bouquets de fleurs, valant chacun des centaines de livres», accompagnés de notes manuscrites. Une légende corroborée dans son livre The Art of Comeback, en 1997, lorsqu'il écrit que son seul regret «dans le domaine des femmes» est de n’avoir «jamais eu l’occasion de courtiser Lady Diana Spencer». Et ce serait oublier ses commentaires scabreux, peu de temps après la mort de la princesse, lorsqu'il se vante dans une émission de radio qu'il «aurait pu» coucher avec la défunte princesse. Charming.
Si Donald Trump a toujours clamé qu'il entretenait «une très bonne relation» avec Elizabeth II, difficile de dire ce qu'il en était du côté de la souveraine notoirement stoïque et apolitique. Nous ne le saurons jamais. Les experts royaux, comme la biographe et journaliste Tina Brown, ont toutefois avancé qu'elle a certainement été «amusée» par le personnage.
Compte tenu de cette affection sincère pour la reine, l'acharnement dont Donald Trump fait preuve aujourd'hui à l'égard de son petit-fils peut surprendre. Ce samedi encore, il déplorait le laxisme de l'administration Biden vis-à-vis du fauteur de troubles, le prince Harry.
Harry devrait se méfier. Bien que se trouver dans la ligne de mire du républicain ne pourra que renforcer sa marque, Sussex, qui s'adresse à une population jeune, diversifiée et de tendance libérale, et lui valoir la sympathie de la gauche libérale californienne, son rêve américain pourrait être en danger. Depuis la publication de son autobiographie, Spare, dans laquelle le duc admet avoir consommé des drogues dures, son statut d'immigré fait l'objet de controverses et d'intenses discussions dans son nouveau pays.
A supposer que Donald Trump soit réélu le 5 novembre, les experts n'excluent pas qu'il mette son grain de sel dans le renouvellement du visa du prince. En théorie, il en aurait le pouvoir, comme le confirme une professeure de politique à l'université Furman en Caroline du Sud, au Telegraph. «Un président pourrait-il appuyer sur des boutons et faire pression sur une agence gouvernementale qui relève de lui pour la faire réexaminer? Potentiellement.»
Cela dit, que le duc de Sussex se rassure. Il y a encore une campagne présidentielle avant que son meilleur ennemi puisse mettre ses menaces à exécution. A défaut, Harry pourra toujours miser sur le bon souvenir de sa grand-mère, pour adoucir les ardeurs de Donald Trump. Par le passé, il a déjà fait des miracles.