Ce n'est pas parce qu'il a un nom imprononçable que Vivek Ramaswamy n'a pas l'intention qu'on s'en souvienne. Inconnu au bataillon il y a encore quelques semaines, cet entrepreneur de 38 ans lancé dans la course à la Maison-Blanche est en train d'opérer une percée remarquable dans les sondages. Au point de flirter avec la seconde position, derrière un certain Donald Trump.
Contrairement à la plupart des candidats à la présidentielle, Vivek Ramaswamy débarque du néant. Un parfait outsider dépourvu de la moindre expérience politique, mais fort de sa fortune personnelle (estimée à plusieurs centaines de millions de dollars) et de la confiance du débutant.
L'annonce de sa candidature, en février, est passée quasiment inaperçue. Tout juste ses rivaux républicains se sont-ils gaussés de ce riche et jeune inconnu aux dents longues, braillant son soutien à Donald Trump sur les marches du tribunal de Miami. N'empêche que ça a marché. Ce qui aurait pu n'être qu'un coup de comm', de folie, voire une blague, est devenu une campagne présidentielle qui compte et prend de l'ampleur chaque jour.
Pour cela, ce fils d'immigrés indiens, passé par Yard et Havard, a la recette magique. Un super pouvoir secret. Sa volonté de repousser les limites.
C'est peu dire que ce millionnaire hyperactif, qui a fait du «wokisme» son principal cheval de bataille, a un don pour la provoc'. A longueur d'interviews et de kilomètres parcourus dans les premiers Etats du cycle présidentiel de 2024, Vivek martèle «Sa» vérité. Une rhétorique parmi les plus dures et les plus extrêmes de tous les républicains en lice.
Lui président, l'âge de vote doit être relevé à 25 ans, 75% des employés fédéraux doivent gicler et plusieurs agences gouvernementales, dont le FBI, le ministère de la santé et celui l'éducation, doivent être supprimés. Accessoirement, il considère le réchauffement climatique comme un «canular», affirme que certaines parties de l'Ukraine devraient aller à Poutine, ou encore que le gouvernement n'est «pas totalement honnête» avec le public américain. Les attentats du 11-Septembre, l'assaut du Capitole, l'existence des ovnis, Jeffrey Epstein, par exemple. Si si, tout ça.
Reste que ses propositions décalées, ses punchlines aux relents complotistes et son omniprésence dans les médias ont porté leurs fruits: il est passé de 0% dans les sondages primaires du GOP en février, à plus de 7% aujourd'hui. Dans le New Hampshire, où l'entrepreneur a été particulièrement visible ces dernières semaines, c'est encore plus flagrant: il s'est envolé de 1% en avril à 11% début août. Au point de marcher sur les plates-bandes, celui qui était le favori dans la course républicaine contre Donald Trump jusqu'à présent: Ron DeSantis.
Hélas pour le pauvre DeSantis, qui, comme son concurrent, s'est donné pour mission d'éradiquer le progressisme de la surface de la Terre, les chiffres ne sont pas bons. Pour rajouter une couche aux sondages en berne, aux problèmes de financement et à son énième «reboot» de campagne, Ron DeSantis vient d'être lâché par Fox News.
La chaîne conservatrice s'est trouvé un nouvel objet de passion en l'enthousiaste, créatif et charismatique homme d'affaires de 38 ans, dont les propositions radicales n'ont rien à envier à celles du gouverneur «anti-woke» de Floride. Au cours de la semaine écoulée, Ramaswamy a ainsi été mentionné plus de 200 fois sur le réseau. Un vrai bonbon d'extrême droite.
Autant dire que le tout premier débat télévisé républicain de cette primaire, qui se tiendra ce mercredi soir dans le Wisconsin, sera un moment décisif pour les deux candidats qui jouent des coudes dans les intentions de vote.
Une opportunité pour Ramaswamy, dont l'aisance sur les plateaux télé n'est plus à démontrer. Un risque immense pour DeSantis, qui a justement tout à prouver. Un faux pas, même mineur, pourrait consolider sa réputation de maladresse, d'inconfort et de manque de spontanéité au cours des entretiens et des interactions sociales non scénarisées.
C'est peu dire qu'on s'attend à des étincelles.
Avant de descendre dans l'arène, les deux rivaux ont des plans d'entraînement diamétralement opposés. A l'image de leur style. Vivek Ramaswamy, lui, mise sur son instinct et une certaine improvisation.
Business as usual jusqu'au grand soir: le candidat a préféré sauter la préparation conventionnelle des débats, pour se contenter de quelques briefings sur la politique étrangère. Et surtout, des séances de tennis topless et de «burpees» dans sa salle de fitness.
Le gage, selon lui, d'une «performance plus authentique». Ce qui ne l'empêche pas d'affirmer, avec (fausse) modestie:
Tout l'inverse d'un Ron DeSantis, qui goûte peu aux charmes de l'impro' et se prépare avec maniaquerie depuis plusieurs semaines déjà. Même ses alliés admettent que, en tant que favori de longue date après Donald Trump, le gouverneur fera office de cible de choix pour ses adversaires. C'est sur lui que devrait se concentrer le gros des attaques.
Ses mauvais instincts, c'est-à-dire? «L'attitude pleurnicharde, rebutante et braillarde qui se manifeste chaque fois qu'il est mis au défi», résume impitoyablement l'expert politique Joshua Karp. «Je pense que la plus grande menace pour Ron DeSantis sur la scène du débat est Ron DeSantis.»
C'est donc armé d'un plan détaillé, de surnoms déjà choisis et de plusieurs centaines de pages de conseils que Ron DeSantis s'en va en guerre. Le hic? La prise de notes qui déroule sa stratégie, et l'encourage notamment à dégainer le «marteau» contre «Vivek the Fake» ainsi qu'à user de petits surnoms ridicules façon Donald Trump, a déjà fuité la semaine passée dans les pages du New York Times.
Un condensé d'informations qui n'a pas manqué de ravir l'équipe de Ramaswamy. Et de la faire gentiment rire. Faisant référence à un célèbre article du Daily Beast qui révélait la manière dégoûtante dont Ron DeSantis mangeait son pudding avec ses doigts, un porte-parole de la campagne a ricané:
Qu'importe si le patronyme «DeSantis» est plus facile à prononcer. Celui de «Ramaswamy» est sur toutes les lèvres, à quelques heures du premier débat républicain. Que les jeux commencent!