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Bill Browder est de retour et ça ne va pas plaire à Poutine

Bill Browder est de retour et ça ne va pas plaire à Poutine

Bill Browder est de retour et ça ne va pas plaire à Poutine.
Bill Browder, le 25 février 2023 à Londres.Image: getty/watson
Le financier américain Bill Browder sait comment taper sur les nerfs du président russe Vladimir Poutine et il a désormais un nouveau plan.
20.06.2024, 10:34
Niklaus Vontobel / ch media
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Bill Browder était autrefois le plus grand investisseur étranger en Russie avec son fonds Hermitage jusqu'à ce qu'il entre en conflit avec Vladimir Poutine. Sergueï Magnitski, avocat fiscal de Bill Browder, a accusé des fonctionnaires russes d'avoir détourné des millions de dollars d'impôts. En réponse, l'avocat a été emprisonné, brutalisé et laissé pour mort en détention. C'était en 2009.

Depuis, Browder a lancé une campagne mondiale contre la corruption et les violations des droits humains. Les Etats-Unis ont adopté la loi Magnitski en 2012, suivie par l'UE et plus de 30 pays avec des lois similaires – la réglementation permet de sanctionner des gens jugés responsables de violations des droits humains ou de corruption partout dans le monde. Lors d'une audition au Sénat américain, en 2017, Bill Browder a estimé que Poutine avait accumulé environ 200 milliards de dollars au cours de ses années au pouvoir.

Le maître du Kremlin était tellement furieux qu'en 2018, il a proposé à l'ancien président américain Donald Trump d'échanger l'Américain contre 12 agents russes. Proposition que Trump a refusée, après une forte mobilisation publique.

Pourquoi Browder sort du bois

Aujourd'hui, les gouvernements et les parlements occidentaux veulent que Browder leur dise si leurs sanctions contre la Russie sont efficaces, comment les améliorer et ce qu'il faut faire avec les milliards de Poutine. «Les sanctions paralysent la Russie», a récemment déclaré Browder au Parlement britannique. Les statistiques russes qui montrent le contraire ne sont pas fiables. L'Etat russe ment, par ailleurs, constamment; il ne voit aucune raison pour que ces statistiques soient une exception. En revanche, il existe de nombreux éléments qui ne sont pas contestés et qui montrent clairement le succès des sanctions.

Ainsi, avant le début de la guerre, Poutine avait amassé 300 milliards de dollars auprès des banques centrales occidentales, comme trésor de guerre contre les sanctions prévisibles. Aujourd'hui, ces milliards seraient tous bloqués et donc hors de portée de Poutine.

Une grande partie des 98 oligarques identifiés dans une liste américaine comme appartenant au régime de Poutine sont soumis à des sanctions. Leurs avoirs sont ainsi gelés, potentiellement représentant plusieurs fois les 300 milliards de dollars des réserves de la Banque centrale russe. Désormais, l'Etat russe et les entreprises ne peuvent plus emprunter d'argent à l'Occident comme ils le faisaient avant la guerre.

Environ 1500 entreprises occidentales ont quitté la Russie, tout comme un million de travailleurs. Gazprom, une entreprise d'État russe, n'exporte désormais qu'un tiers du volume précédent vers l'Europe. La Chine ne peut pas remplacer cette perte: les projets de nouvelle pipeline sont au point mort, les quantités de livraison seront bien inférieures, et les prix beaucoup plus bas.

Penser moins à Poutine et davantage à soi

Que la situation en Russie ne soit pas encore «catastrophique» s'explique principalement par la plus grande faille des sanctions occidentales: la vente de pétrole. Bien que beaucoup moins de pétrole russe soit directement vendu à l'Occident, avec une réduction de 80%, des pays comme la Turquie, la Chine ou l'Inde achètent désormais ce pétrole, assurant ainsi à la Russie des revenus encore substantiels: entre un demi-milliard et un milliard de dollars par jour.

Une partie du pétrole russe raffiné dans des raffineries indiennes ou chinoises finit par arriver en Occident. Indirectement, cela signifie que l'Occident paie pour le pétrole à Poutine, qui utilise ces fonds pour acheter des armes qui tuent ensuite des soldats ukrainiens. Ainsi, l'Occident finance à la fois l'attaque russe contre l'Ukraine et la défense ukrainienne contre celle-ci avec des milliards.

Selon Bill Browder, l'Occident pourrait combler cette lacune dans le commerce du pétrole sans déclencher de guerre économique avec la Turquie, la Chine ou l'Inde. Il suffirait de cibler uniquement les entreprises, dont tous les noms sont connus.

Et toujours selon lui, l'Occident a encore une arme dans la «guerre financière» dans laquelle il se trouve depuis longtemps avec la Russie. Il devrait donner à l'Ukraine les 300 milliards de dollars que Poutine avait accumulés avant le début de la guerre auprès des banques centrales occidentales et qui y sont aujourd'hui bloqués. Un «gamechanger» qui pourrait faire basculer la guerre en faveur de l'Ukraine.

L'Ukraine a peu de ressources, mais mène une lutte d'usure contre une Russie riche. L'Occident doit compenser ce désavantage s'il ne veut pas se retrouver un jour face à un grand empire composé de la Russie et de l'Ukraine. Soit il envoie les 300 milliards de dollars, soit il envoie ses propres impôts et ses propres soldats. Si l'Occident conservait les 300 milliards de dollars pour Poutine, il aurait accordé plus d'importance à ses droits qu'à ceux des contribuables et des soldats occidentaux. Est-ce que cela serait justifié, demande Browder de manière rhétorique et répond lui-même aussitôt:

«Je ne pense pas; nous devrions penser davantage à nous-mêmes et moins à Poutine»

Les fiduciaires de Poutine

L'Américain rejette tous les différents contre-arguments. On met souvent en garde contre des conséquences inattendues, une déstabilisation des marchés financiers si les droits de propriété de la Russie ne sont pas respectés.

«C'est simplement faux»
Bill Browder

L'essentiel est déjà accompli. Les 300 milliards sont bloqués; la Russie ne peut plus en disposer librement. En réalité, ils n'appartiennent donc déjà plus à la Russie aujourd'hui.

Maintenant, tous les pays occidentaux avec des devises de réserve devraient agir ensemble, comme les Etats-Unis, la zone euro, le Japon ou la Suisse. Ainsi, il ne pourrait pas y avoir de fuite de capitaux, où des pays individuels retireraient leurs réserves des banques centrales occidentales. Ils n'auraient tout simplement nulle part où aller avec ces fonds.

Concernant les oligarques russes, on doit adopter une approche différente. Bien qu'ils fassent partie du régime de Poutine et ne soient que des fiduciaires bien rémunérés de biens sur lesquels Poutine et l'Etat peuvent accéder à tout moment, ils ont des droits de propriété privés que les États libéraux ne peuvent pas simplement annuler. C'est pourquoi il est en faveur de leur confisquer leur argent. «Mais il y a encore un long chemin à parcourir.» En ce qui concerne les 300 milliards de dollars appartenant aux banques centrales de Poutine, cela pourrait aller beaucoup plus vite.

Traduit et adapté par Noëline Flippe

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Video: watson
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