Les transactions cryptographiques ont permis des activités criminelles au-delà des frontières russes.Screenshot: nta / YouTube
Une opération internationale a permis de mettre au jour deux immenses réseaux russes de blanchiment d'argent, qui orchestraient des transactions en cryptomonnaies pour des milliards d'euros. Au cœur de ces révélations? Des gangs de rançongiciels et des liens directs avec le Kremlin.
Pendant des années, des oligarques russes, des bandes de rançongiciel et autres criminels ont exploité des réseaux sophistiqués de blanchiment d'argent en Russie. L'objectif: déplacer et réinvestir de gigantesques sommes à l'étranger. Mais cette ère semble toucher à sa fin – du moins temporairement.
«Pour la première fois, nous avons pu établir un lien direct entre l'élite russe, les cybercriminels fortunés grâce aux cryptomonnaies et les gangs de rue au Royaume-Uni»
Rob Jones, Agence nationale de la criminalité (NCA).
Mercredi dernier, les autorités judiciaires britanniques ont révélé les résultats de l'«Opération Destabilise». Après des mois d’enquête, deux vastes réseaux criminels ont été démantelés. Ils auraient généré des milliards de livres sterling en cryptomonnaies chaque année.
Quel est le lien avec la guerre en Ukraine?
Selon le magazine Wired, tout remonte à 2022 et à l’invasion russe de l'Ukraine. Depuis, l’économie russe subit de lourdes sanctions internationales. Tandis que les paiements en cryptomonnaies sont interdits à l'intérieur du pays, ces derniers servent de plus en plus à transférer de l’argent vers l’étranger.
Ben Cowdock, de l’organisation Transparency International, confirme cette tendance:
«Il existe de plus en plus de preuves que la Russie utilise des crypto-monnaies et d’autres systèmes de paiement alternatifs pour échapper aux sanctions et transférer des fonds dans le monde entier. Malgré l’exclusion du Kremlin du système bancaire conventionnel, cela ne signifie pas que ses flux financiers internationaux ont cessé.»
Ben Cowdock
Quelles sont les principales conclusions?
D’après Wired, qui a eu un accès exclusif aux investigations, voici les conclusions les plus importantes:
- Un usage intensif des cryptomonnaies: les criminels contournaient les contrôles bancaires mondiaux pour acheter drogues et armes à feu, souvent en provenance d’Amérique du Sud.
- Un espionnage russe financé: les fonds blanchis ont également soutenu des activités de renseignement russe, notamment dans la guerre hybride menée contre l’Europe de l’Ouest.
- Des liens avec RT (Russia Today): des paiements ont été détectés en faveur de journalistes russophones basés au Royaume-Uni, liés au média pro-Kremlin RT.
- Des investissements de luxe: certains oligarques sanctionnés ont utilisé ces systèmes pour investir dans des propriétés britanniques et des biens de luxe. Le réseau masquait systématiquement l’origine des fonds.
- Des cyberattaques et rançongiciels: une femme russe accusée aurait blanchi 2,3 millions de dollars de rançons payées au groupe de ransomware Ryuk. Ce groupe ciblait hôpitaux, écoles, entreprises et administrations locales.
- D'autres transactions illégales de gangs russes de rançongiciels auraient été découvertes.
- La plateforme Garantex est impliquée: les adresses de cryptomonnaies des deux réseaux de blanchiment d'argent sont associées à la bourse russe de cryptomonnaies Garantex. Cette plateforme aurait également permis des transactions illégales pour la place de marché du darknet Hydra Market et a déjà été sanctionnée au niveau international.
- Le crime organisé international: les connexions avec des cartels sud-américains et le célèbre gang irlandais Kinahan ont été identifiées. Ce dernier est actif dans le trafic de drogues et d’armes vers le Royaume-Uni et le reste du monde.
- La collaboration avec des gangs européens: selon les enquêteurs, l'élément le plus inhabituel du blanchiment d'argent était peut-être l'envoi, depuis la Russie, d'énormes sommes en cryptomonnaie à des gangs de trafiquants de drogue opérant dans toute l'Europe. Ces derniers se chargeaient de l'échange.
- Des portefeuilles numériques massifs: l’un des portefeuilles liés au réseau contenait à lui seul plus de 800 millions de livres sterling (environ un milliard de dollars).
Comment fonctionnait le réseau?
Deux entreprises russes étaient au cœur de cette mécanique. Elles proposaient un service exclusif aux élites russes, leur permettant d’accéder aux économies occidentales malgré les sanctions.
Le réseau fonctionnait en collectant des fonds dans un pays et en les rendant disponibles dans un autre, souvent via des échanges de cryptomonnaies contre du cash. Des transferts de fonds en liquide ont été repérés dans plusieurs pays européens, dont l’Allemagne, la France, le Portugal et l’Espagne. Les transporteurs de fonds étaient recrutés via des annonces dans des groupes de discussion en ligne.
Londres aurait été un point de jonction important et Dubaï a apparemment également joué un rôle central. En particulier, la zone économique spéciale de Dubaï, favorable aux cryptomonnaies, aurait servi de plaque tournante pour ces transactions.
Des enquêteurs d'Europe et d'Amérique du Nord ont participé à cette opération policière internationale, comme la National Crime Agency (NCA) britannique, le FBI américain, la Drug Enforcement Administration et l'Office of Foreign Assets Control (OFAC) du département du Trésor américain, ainsi que des autorités judiciaires en Irlande et en France.
Au total, l'«Operation Destabilise» a conduit à 84 arrestations et la saisie de plus de 20 millions de livres sterling en espèces et en cryptomonnaies. D’autres procédures judiciaires sont en cours et de nouvelles informations pourraient être révélées.
Comment le réseau a-t-il été découvert?
Ironie du sort, tout a commencé par une simple contrôle routier à Londres en novembre 2021. Les policiers y ont trouvé 250 000 livres en liquide dans un véhicule, relaye The Telegraph. Ce coup de filet a conduit à la découverte de transactions suspectes de plusieurs milliards.
Le contrôle routier avait déjà eu lieu en novembre 2021, mais il a donné aux enquêteurs l'indice décisif. Une enquête plus approfondie a en effet révélé que le convoyeur de fonds avait effectué des transferts douteux de plus de 15 millions de livres avant son arrestation.
Une femme d'affaires russe, qui se vantait de son style de vie glamour sur les réseaux sociaux et faisait la une des magazines économiques russes, est en prison depuis longtemps, écrit T-Online. Ekaterina Chdanova a fait la fête avec des stars de la pop et a évolué dans les plus hautes sphères avant d'être arrêtée en France en 2023 pour blanchiment d'argent avec des cryptomonnaies. Il est désormais clair qu'elle a joué un rôle central dans un réseau d'une envergure beaucoup plus large.
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