Le «fils spirituel», l'anti-Trump ou le financier? Six papes potentiels
Pietro Parolin, 70 ans, Italie
En tant que précédent secrétaire d'Etat cardinal et numéro deux du Vatican après le pape, Pietro Parolin fait en quelque sorte partie des «Papabili», comme on appelle en Italie les candidats potentiels à la succession du Saint-Siège. Il faut dire que trois anciens secrétaires d'Etat ont déjà été élus papes: le dernier en date étant Eugenio Pacelli, qui devint pape en 1939 sous le nom de Pie XII. Parolin a rejoint les rangs de la diplomatie vaticane au milieu des années 1980, en a été pendant longtemps le chef, et est considéré comme le principal médiateur dans le difficile rapprochement du Vatican avec la Chine.
Ce qui plaide en sa faveur:
En tant qu’ancien bras droit du pape François, il est bien connu de la majorité des cardinaux. Modéré et fin négociateur, il représenterait un candidat idéal pour ceux qui souhaitent poursuivre, dans l’ensemble, la voie tracée par François, tout en adoptant une approche plus calme et réservée.
Ce qui joue en sa défaveur:
En tant que secrétaire d’Etat, il a longtemps supervisé les finances du Saint-Siège — et donc, au moins indirectement, le fiasco lié à un bien immobilier à Londres, dans lequel le Vatican a perdu plusieurs centaines de millions. Pour de nombreux cardinaux extérieurs à la Curie, cela ne constitue guère une recommandation pour accéder à la papauté. Par ailleurs, le discret Parolin est souvent jugé peu charismatique.
Pierbattista Pizzaballa, 60 ans, Italie
Pour de nombreux catholiques, y compris dans son pays natal, l’Italie, le Patriarche latin de Jérusalem, relativement jeune, incarne le «candidat du cœur». Ce franciscain dirige l’un des diocèses les plus complexes au monde, où les chrétiens se trouvent souvent pris entre les lignes du conflit au Proche-Orient. Depuis le début de la guerre menée par Israël à Gaza, Pierbattista Pizzaballa n’a cessé de dénoncer la violence persistante avec des prises de position critiques.
Ce qui plaide en sa faveur:
Profondément enraciné dans une région déchirée comme le Proche-Orient, doté d’une grande sensibilité politique, proche des fidèles sur le terrain et ouvert sur le plan théologique, il s’impose sans doute comme l’un des profils les plus intéressants en vue du prochain conclave. Par ailleurs, Pizzaballa est réputé pour sa simplicité dans les rapports humains, et ne manque pas de charisme.
Ce qui joue en sa défaveur:
Le Patriarche latin est considéré comme l’un des cardinaux les plus proches du pape François, tant sur le fond que sur la vision du monde. Lui aussi se définit davantage comme un pasteur que comme un théologien, et il prend régulièrement la parole en faveur des pauvres et des opprimés. Autant de positions qui ne parlent guère en sa faveur auprès des cardinaux qui espèrent, avec le prochain pontificat, un changement de cap marqué.
Fridolin Ambongo Besungu, 65 ans, République démocratique du Congo
Depuis 2018, Ambongo Besungu est archevêque de Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo. A l’époque vice-président de la Conférence épiscopale congolaise, il fut l’un des instigateurs de l’accord dit de la Saint-Sylvestre de 2016, censé ouvrir la voie à une transition pacifique du pouvoir dans le pays. Ce capucin s’implique activement dans la vie politique de son pays et a même dû faire face à une procédure judiciaire en raison de ses critiques envers le gouvernement. Au sein du Collège des cardinaux, il ne fait pas non plus office de suiveur: lorsque le pape a approuvé l’an dernier la bénédiction des couples homosexuels, il a exprimé des réserves claires.
Ce qui plaide en sa faveur:
Fridolin Ambongo Besungu deviendrait le premier pape noir de l’histoire de l’Eglise catholique – son élection enverrait un signal fort en direction du Sud global. Lui-même a déjà souligné qu’en Europe, berceau de tous les papes jusqu’à François, les églises se vidaient, tandis qu’en Afrique, la foi restait profondément vivante.
Ce qui joue en sa défaveur:
Son engagement politique et son tempérament parfois un peu direct pourraient rebuter les cardinaux modérés. De plus, bien que Besungu ait critiqué la bénédiction des couples homosexuels, il est perçu comme très proche de François, notamment en tant que membre du conseil des cardinaux chargé de la réforme de la Curie, ce qui le rend inéligible aux yeux de ses opposants.
Blase Joseph Cupich, 76 ans, USA
Cupich est archevêque de Chicago depuis 2014, l'un des diocèses les plus influents des Etats-Unis. Parmi tous les évêques américains, il est considéré comme le critique le plus virulent de Donald Trump. Dans un épiscopat américain profondément divisé entre traditionalistes et libéraux, Cupich prend toujours clairement position du côté du pape.
Ce qui plaide en sa faveur:
Cupich serait un candidat idéal pour ceux qui souhaitent voir la Conférence des évêques des Etats-Unis élire enfin un pape. Après tout, celle-ci fait partie des plus grands contributeurs financiers du Vatican.
Ce qui joue en sa défaveur:
Principalement son âge, 76 ans. Après les élections de Joseph Ratzinger et de Jorge Mario Bergoglio, qui avaient respectivement 78 et 76 ans au moment de leur élection, les cardinaux de la chapelle Sixtine pourraient décider de privilégier cette fois un candidat plus jeune. De plus, il reste incertain qu’un candidat des Etats-Unis, même critique envers Trump, ait réellement une chance dans le contexte actuel.
Luis Antonio Gokim Tagle, 67 ans, Philippines
Tagle, parfois surnommé le «François asiatique», est considéré comme un «papable éternel» malgré son âge relativement jeune. Il était déjà un prétendant à la papauté lors du conclave de 2013, qui avait élu l'Argentin. L'ex-archevêque de Manille était un proche de François, qui l’a même qualifié un jour de «fils spirituel». Cependant, il a été démis de ses fonctions de président de Caritas Internationalis, l'organisation internationale de secours catholique, qu’il a dirigée de 2015 à 2022. Des accusations de harcèlement envers les employés ont été évoquées.
Ce qui plaide en sa faveur:
Malgré son éviction controversée de Caritas Internationalis, Tagle reste un proche de François. De plus, la population catholique ne croît nulle part aussi rapidement qu’en Asie; aux Philippines, son pays natal, 90% des 56 millions d'habitants sont catholiques. Et, tandis que Besungu serait le premier pape noir, Tagle deviendrait le premier pontife asiatique.
Ce qui joue en sa défaveur:
Son style de gestion à la tête de Caritas Internationalis le disqualifie probablement aux yeux de nombreux cardinaux pour des responsabilités plus élevées. S'ajoute à cela l'étiquette négative de «papabile éternel».
Jean-Marc Aveline, 66 ans, France
L'archevêque de Marseille est un «pied-noir». Il est né dans l'ancienne colonie française d'Algérie, dans une petite oasis au cœur du désert saharien. Aveline est considéré comme le plus populaire et le plus accessible de tous les papabili. Il se distingue également par son ouverture théologique et sa sensibilité aux questions sociales, tout en étant un fervent défenseur du dialogue avec les musulmans.
Ce qui plaide en sa faveur:
Si Aveline était élu, il serait le plus jeune pape depuis Jean-Paul II. De plus, il est considéré comme intellectuellement exceptionnel, avec un doctorat en théologie et un autre diplôme en philosophie. Il serait également un candidat pour les cardinaux qui ne souhaitent pas rompre avec le pontificat de François, mais qui aspirent à guider l’Eglise sur des rails un peu plus ordonnés.
Ce qui joue en sa défaveur:
Bien qu'il comprenne un peu l'italien, il ne le parle pas couramment. Cela représente un problème, non seulement dans la Curie dominée par les Italiens, mais aussi parce que le pape est en même temps évêque de Rome. Pour exercer cette fonction, ainsi que pour comprendre et détecter à temps les intrigues, la maîtrise de l'italien est presque indispensable.
Traduit et adapté par Noëline Flippe