Dans notre imaginaire, «train de vie royal» est synonyme de bouffes décadentes, de fauteuils de velours, de savoureuses grasses mat', de longues balades à cheval, de siestes interminables, d'après-midis entières d'oisiveté dans la tiédeur d'un château douillet. Si la paresse reste le privilège d'une poignée d'aristos, ce n'est certainement pas la réalité d'un royal en activité. Être un membre de la famille royale actif est un métier - et il porte bien son nom.
Prenez ce bon vieux roi Charles, par exemple. Bien qu'à 75 ans, il ait largement dépassé l'âge de la retraite, on n'a de cesse de répéter qu'il frise l'hyper-activité. Et il n'a pas attendu de monter sur le trône pour se consacrer corps et âme à son job.
Selon l'auteure Tita Brown dans son livre The Palace Papers, du vivant de la reine Elizabeth déjà, le personnel du palais avait tendance à préférer travailler pour la maison de la reine, car elle s'avérait étonnamment plus relax. Charles, qui ne compte pas ses heures, exige de ses collaborateurs qu'ils en fassent autant. Peu importe le moment de la journée, ce patron exigeant souhaite avoir quelqu'un constamment sous la patte pour établir des appels téléphoniques, prendre des notes et transmettre ses messages. Le palais a même mis au point une liste des secrétaires particuliers que Son Altesse peut contacter en pleine nuit.
Mais concrètement, par «heures de travail», on entend quoi? Se tenir debout pour faire «hello hello» du balcon de Buckingham? Oser de temps en temps le bain de foule pour se frotter à la plèbe? Pas seulement. Si le boulot de roi repose beaucoup sur les apparitions publiques, la majeure partie est administrative et se fait en coulisses.
Les collaborateurs de Charles vous diront qu'il n'existe pas de journée «type», en fonction de l'endroit où se il se trouve et de son agenda. Il existe toutefois quelques constantes dans la manière dont il organise sa journée. Commençons par couper la tête à la légende selon laquelle que le roi est libre de roupiller le matin. Lorsque le major Paul Burns souffle dans sa cornemuse à 9h00 tapantes, Charles est déjà réveillé depuis longtemps.
Considéré comme un «lève-tôt», le roi prend son petit-déjeuner sur fond des titres de l'actualité à la radio et dans les journaux. Au menu? Ses fameuses «graines d'oiseau» qui faisaient ricaner ses fils lorsqu'ils étaient ados - à savoir l'éternel müesli, accompagné d'une salade de fruits de saison et de thé noir.
Malgré une rumeur persistante selon lesquelles les œufs à la coque seraient un incontournable du petit-déjeuner de Sa Majesté (le journaliste de la BBC, Jeremy Paxman, a affirmé en 2006 que sept œufs étaient déposés sur la table de Charles chaque matin, pour s'assurer qu'au moins un d'entre eux soit cuit selon ses désirs), son ancien attaché de presse, Julian Payne, a affirmé au Economic Times en 2022 n'avoir jamais rien vu de tel. Il est possible que le monarque ait simplement délaissé cette habitude qui faisait tiquer ses sujets les plus républicains.
Avant et après ce repas aussi sain que frugal, le roi profite de passer une série d'appels téléphoniques «hors planning», où il fait part à ses collaborateurs d'une réflexion ou d'une idée qui lui est passée par l'esprit - «constamment actif», précise quelqu'un qui le connaît bien au Daily Telegraph.
La première réunion officielle de la journée a lieu entre 8h30 et 9h00: un entretien avec son secrétaire particulier (actuellement, Sir Clive Alderton), pour discuter de l'ordre du jour. Projets caritatifs dont le roi est le mécène, planification de nouvelles initiatives, questions d'Etat prioritaires et prochaines tournées royales à l'agenda sont notamment au menu des discussions. Après quoi, le roi s'installe dans son bureau pour de la paperasse - toujours sur papier, Charles étant allergique à la technologie. Comme «il ne fait pas d'emails», le roi rédige ses lettres à la main ou les dicte à son «secrétaire exécutif» avant de les signer lui-même.
Lorsqu'il se trouve à Londres, Charles se rend vers 10h00 du palais de Clarence House à celui de Buckingham, pour les affaires plus formelles de la journée, les audiences et les réunions officielles avec les personnalités politiques, militaires, diplomatiques et religieuses de haut rang.
A 12h00, à moins qu'un engagement précis l'exige, vous ne verrez jamais le roi prendre le temps d'une pause pour le déjeuner, qu'il estime être une perte de temps. Dans le même ordre d'idée, on sait qu'il s'hydrate à peine au long de la journée, pour s'épargner le luxe inutile d'aller faire pipi. Cependant, lorsqu'il se trouve sur l'une des résidences royales à la campagne, comme Highgrove ou Birkhall, cet hyperactif apprécie de prendre quelques minutes pour une rapide promenade au grand air.
La plupart des après-midi de la semaine sont ensuite consacrées aux visites et aux engagements à l'extérieur - par souci d'efficacité, souvent deux d'affiliée, ce qui explique pourquoi Charles affiche une moyenne honorable de plus de 500 engagements royaux par an. Et pour ne pas perdre de temps pendant ses déplacements, il profite ne pas souffrir du mal des transports pour avancer sur ses dossiers en cours et des tâches administratives.
A son retour, c'est l'heure d'ouvrir la fameuse et mystérieuse «boîte rouge», qui contient des documents relatifs aux affaires de l'Etat, aux côtés de son secrétaire particulier de permanence.
A 17h00, pas de discussion. Nous sommes au Royaume-Uni et c'est l'heure de l'afternoon tea. Charles rompt son jeûne monacal pour déguster un thé Darjeeling au miel, des sandwichs et petits gâteaux avec son épouse. En parlant de Camilla, si elle répète souvent à son homme d'y aller mollo, on dit que la reine est la plus compréhensive à ce bouillonnement.
Deux scones et ça repart. Charles s'envole ensuite vers d'autres rendez-vous en début de soirée. Par exemple, il rencontre le Premier ministre tous les mercredis au palais de Buckingham, vers 17h45, avant de retourner à son bureau. Il ne relèvera la tête que vers 21heures, pour un dîner tardif. «C'est un homme qui dîne ridiculement tard le soir», notait le prince Harry dans un documentaire en 2018, à l'occasion du 70e anniversaire de son père. Au menu? Du poisson, plus rarement de la viande (flexitarien convaincu, le roi mange de la viande 2-3 fois par semaine maximum).
Et contrairement à sa mère, Elizabeth II, qui ne crachait jamais sur l'apéro, Charles s'accorde rarement un verre. S'il craque pour un alcool, ce sera un Dubonnet – l'apéritif préféré de la famille royale – ou un dry martini, qu'il sert «très généreusement» à ses visiteurs.
Vous pensiez peut-être que la journée allait s'arrêter là? Pas du tout! Si Camilla aime se se détendre le soir en regardant la télévision, son royal mari retourne à son bureau après le repas. Une parente, Lady Frederick Windsor est allée jusqu'à glisser récemment au magazine mondain Tatler que Charles peut travailler «jusqu'à 4 heures du matin». Sans aller jusque-là, son obsession de la paperasse peut le faire veiller si tard qu'on a déjà retrouvé le souverain endormi à son pupitre - «un morceau de papier collé sur le visage», précise le prince Harry. Rapporteur, va.
Si ses proches sont nombreux à s'inquiéter «qu'il n'en fasse trop pour un homme de 75 ans», pas sûr que les récents soucis de santé de Charles le convainquent de ralentir ce rythme. Et si certains employés espéraient que sa convalescence, après son opération de la prostate vendredi, soit l'occasion rêvée pour réduire leur charge de travail, leurs espoirs ont vite été douchés. Cette période devrait surtout être l'occasion pour le bureau de Charles de «rattraper le retard accumulé», comme le glisse un responsable du palais au Daily Beast.
Si le monarque restera probablement à l'écart des spotlights au cours du mois prochain, soyons-en sûrs: dans le confort de ses châteaux, Charles ne va pas profiter de ce congé forcé pour découvrir la grasse matinée. Lui qui n'a qu'une hâte, renouer au plus vite avec son agenda de ministre. Enfin... de roi.