Le magazine Runner's World avait énuméré il y a plusieurs années les ennemis du marathonien. Parmi ceux cités: la déshydratation, la fringale et la chaleur.
Nous pourrions ajouter à cette liste l'impatience, les troubles gastro-intestinaux, les crampes, le dénivelé ou encore le vent de face, autant d'éléments susceptibles de perturber la progression du coureur à pied, susceptibles de gâcher sa tentative de record personnel.
Cependant, un autre facteur, moins fréquemment mis en avant, a un impact non seulement sur la santé des marathoniens (et des sportifs de manière générale), mais aussi la performance: la pollution. «Les activités pratiquées dans des lieux fortement exposés augmentent le risque d'événements cardio-vasculaires et d'épisodes inflammatoires, et diminuent la performance sportive», note en ce sens l'association française Respire, rappelant cette série de malaises entrevus sur les terrains de l'Open d'Australie en 2020.
Or une étude de l'école de santé publique de l'université américaine Brown, parue dans la revue Sports Medicine, chiffre désormais l'incidence d'un air de mauvaise qualité sur le chronomètre des spécialistes du marathon.
Les chercheurs se sont intéressés aux temps officiels de plus de 2,5 millions de coureurs, ayant pris part entre 2003 et 2019 aux principales épreuves du calendrier américain, notamment Boston. Ils les ont combinés avec un modèle statistique spatio-temporel qui a permis de mesurer «à chaque kilomètre de chaque parcours» la présence de particules fines PM2.5, des poussières dont le diamètre est inférieur à 2,5 microns, et qui sont par exemple émises par les véhicules à moteur, l'activité industrielle et les centrales électriques.
A quoi correspond une hausse de 1 microgramme? Les normes de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) permettent de la situer. L'agence a en effet établi pour cette poussière PM2.5 deux seuils limites: un premier journalier de 25 µg/m³ en moyenne sur 24 heures et un second annuel de 10 µg/m³ en moyenne du 1er janvier au 31 décembre. L'association Respire, évoquée précédemment, a elle mis en place une carte interactive permettant de suivre ces niveaux aux abords des sites de Paris 2024. Des données concernent l'Esplanade des Invalides, sur laquelle était tracée la ligne d'arrivée des marathons olympiques.
Mais revenons à notre étude. Comment expliquer une telle perte de temps en secondes? Plusieurs hypothèses sont émises par le groupe de chercheurs. Cela pourrait venir de la pression artérielle, que la pollution semble augmenter, ce qui conduit à solliciter davantage le système cardiovasculaire. L'air de mauvaise qualité favorise aussi la vasoconstriction des vaisseaux sanguins, ce qui réduit l'efficacité de l'apport d'oxygène aux muscles. Les particules diminuent également les fonctions pulmonaires et provoquent enfin un inconfort respiratoire, voire des problèmes cognitifs.
«Une concentration importante de particules capables de traverser les poumons telles que les PM2.5 participe notamment à l'altération des parois des alvéoles pulmonaires, ce qui perturbe les échanges gazeux et diminue le taux d'oxygène dans le sang», détaille à ce sujet Respire.
L'étude américaine révèle aussi que les athlètes élites, particulièrement entraînés, ne sont pas épargnés par cette diminution de la performance. «Pensez aux efforts et aux sacrifices qu'un athlète professionnel comme Eliud Kipchoge a consacré pour battre le record du monde et courir un marathon en moins de deux heures», a déclaré Elvira Fleury, directrice de la recherche, en constatant les résultats.
Pas sûr dès lors qu'ils optent pour Paris ni Pékin. Pour rappel, le marathon de la capitale chinoise avait été couru en 2014 alors qu'un épais nuage de pollution survolait le parcours. Son maintien avait interrogé de nombreux spécialistes.