Lorsque la réforme de la Coupe du monde des clubs a été lancée, il y a quelques années, Gianni Infantino l’avait présentée comme un «nouveau jalon pour le football mondial». Avant le coup d’envoi de la compétition, le week-end dernier, il a une nouvelle fois insisté sur le fait que nous étions à l’aube d’une «nouvelle ère du football». Mais les chiffres parlent d’eux-mêmes: mardi, la FIFA annonçait qu’au total, plus de 340 000 personnes avaient assisté aux trois premiers jours de compétition (huit matchs) – un résultat qui, selon l’organisation, était un «grand succès». Si ce chiffre semble impressionnant en surface, il cache une toute autre réalité.
Infantino semble avoir du mal à accepter la vérité. Les chiffres de la fréquentation sont loin de répondre aux attentes de la FIFA, et à y regarder de plus près, l'affluence réelle est tout sauf un succès. Sur les 12 premiers matchs joués, 804 739 places étaient théoriquement disponibles au public, mais seulement 433 065 spectateurs se sont déplacés. Cela donne une moyenne de 36 089 spectateurs par match, soit un taux de remplissage de 53,81%. Autrement dit, à peine plus de la moitié des places étaient occupées. Ce n’est clairement pas un succès populaire.
Il convient d’ajouter que deux matchs ont faussé cette moyenne. L’ouverture du tournoi a attiré plus de 60'000 personnes, et le match PSG – Atlético Madrid a vu 80'000 spectateurs se rassembler dans le stade. Mais dans de nombreux autres lieux, des dizaines de milliers de sièges sont restés désespérément vides.
Avant même le début de la compétition, les critiques sur les stades vides circulaient déjà. Pour remédier à cela, la FIFA a vendu des billets à des étudiants du Miami Dade College, selon le site The Athletic. Ces derniers ont payé 20 dollars (environ 17,40 euros) pour cinq billets, soit un tarif de 4 dollars l’unité. Un prix dérisoire mais même à ce tarif, certains sièges sont restés inoccupés.
Par ailleurs, des rumeurs ont circulé sur les réseaux sociaux, laissant entendre que la FIFA aurait limité la vente de billets à une seule partie des tribunes, afin de donner l’illusion de stades plus remplis à la télévision. Bien qu’aucune preuve concrète n'ait été avancée, beaucoup estiment qu'Infantino, prêt à tout pour assurer la bonne image de son tournoi, pourrait être à l’origine de telles manœuvres. En vérité, ces tribunes désertées constituent un véritable camouflet pour le président de la FIFA.
Le fiasco a commencé bien avant le tournoi, avec les difficultés rencontrées dans la recherche de sponsors. Alors que de nombreuses entreprises se sont empressées de s’associer à la Coupe du monde masculine de l’année prochaine et à celle des femmes de 2027, il a fallu attendre la fin octobre 2024 pour que Hisense, un conglomérat chinois de l’électronique, devienne le premier sponsor à signer un contrat. Autant dire que l’attractivité de la Coupe du monde des clubs ne fait pas l’unanimité.
Enfin, le tournoi a commencé sur une note peu convaincante. La victoire écrasante du Bayern Munich (10-0) contre Auckland City n'a pas vraiment fait rêver les passionnés. Les petites équipes, certes, ont l’honneur de participer, mais de là à parler d’une performance «historique» comme l’a fait Infantino lors du tirage au sort, il y a un pas que peu de spectateurs sont prêts à franchir.
Ce tournoi représente une charge supplémentaire pour les joueurs pendant les mois d'été. Le sélectionneur national Julian Nagelsmann l’a même qualifiée de «brutale». Certains joueurs du Borussia Dortmund, du Bayern Munich, et d'autres clubs, ont d’abord disputé la Bundesliga, puis la Ligue des Nations, avant d’enchaîner avec la Coupe du monde des clubs, et dans un mois à peine, la nouvelle saison commencera. Et l’année prochaine? La Coupe du monde est au programme. Une vraie, cette fois. Comment les joueurs vont-ils pouvoir se régénérer? Pratiquement pas du tout. Le risque de blessures et de possibles absences au tournoi de l’année suivante est bien réel.
Les joueurs, eux, sont largement compensés financièrement. Le vainqueur du tournoi empochera 113 millions d’euros, soit presque autant qu’en remportant la Ligue des champions. Selon Bild, un million d’euros sera réparti entre les joueurs du Borussia Dortmund si ces derniers atteignent la phase à élimination directe. L'argent afflue de plus en plus vers certains clubs, tandis que les autres équipes, dans les ligues respectives, doivent se contenter de ce qu’elles peuvent obtenir. En clair: les écarts financiers entre les clubs ne font qu’augmenter grâce à des compétitions comme la Coupe du monde des clubs. Un succès? La question est surtout de savoir pour qui. Car ce phénomène creuse également le fossé entre le football masculin et féminin.
Jusqu’ici, les joueurs de football pouvaient, les années sans Euro ni Coupe du Monde, souffler un peu. Moins de pression, plus de temps pour laisser de la place aux femmes sous les projecteurs. Cet été, l'Euro se déroulera en Suisse dès le 2 juillet. Or c'est à ce moment-là que la Coupe du monde des clubs entrera dans sa phase décisive avec les quarts de finale...
Cela met en lumière de façon évidente la trajectoire unilatérale suivie par Infantino à la tête de la FIFA: toujours plus de matchs, de commercialisation et de profits. Mais au fond, de quoi s’agit-il réellement pour les géants du football? Pas du jeu, ni de la passion des supporters. C’est l’essence même du football qui en pâtit. Infantino peut tenter de dissimuler la réalité, mais les fans, eux, ne peuvent pas fermer les yeux.