Quand on lui demande si, en 2022, chaque grande épreuve cycliste est obligé de proposer une course féminine, Richard Chassot a raison de dire «non». Le directeur général du premier Tour de Romandie féminin sait que «ce n'est de loin pas obligatoire» et qu'il ne peut pas «organiser un course de trois jours juste pour être à la mode. Une telle épreuve nécessite tellement de moyens (sécurité, production TV, partenariats, infrastructures mobiles, etc.) que la réflexion doit être plus large et collective».
Mais Richard Chassot sait aussi que les directeurs des grandes compétitions peuvent difficilement se passer d'une course féminine et qu'ils l'ont bien compris:
Avant la boucle romande, des rendez-vous historiques du calendrier masculin comme les trois Grands Tours (Italie, France et Espagne) mais aussi le Tour des Flandres, l'Amstel Gold Race, Paris-Roubaix, la Flèche wallonne ou encore Liège-Bastogne-Liège ont proposé une compétition pour les dames. Le Women’s World Tour (WWT) compte désormais 25 épreuves, dont 12 de plus d’une journée. Soit un total cumulé de 71 jours de course contre moins de 40 la saison précédente.
Cette augmentation est le double résultat de l'évolution des mentalités et du cyclisme féminin.
Désormais, l'essor du sport féminin, à une époque marquée par le combat pour l'égalité hommes-femmes, est devenu un enjeu central. Richard Chassot, encore: «Les partenaires sont très sensibles à la création d'une boucle romande pour les coureuses. Je ressens un enthousiasme important de la part des sponsors, des politiciens, des villes ou des partenaires logistiques. Ils sont contents qu'on fasse une épreuve femmes parce que c'est un public qui achète des vélos. Et les autres marques, hors cyclisme, sont aussi ravies car les femmes sont une cible importante pour eux. Certains représentants ont d'ailleurs souligné en conférence de presse qu'il était extrêmement important pour eux que le cyclisme féminin se développe car le vélo était un sport qui n'avait pas assez encouragé la mixité».
Le soutien est aussi politique. Pour bénéficier d'une mesure d'accompagnement en période de Covid, la fondation du TdR a dû présenter un projet. Lorsque la Confédération a appris qu'il s'agissait de la création d'une course féminine, elle n'a pas hésité à apporter son soutien. Un soutien qui porte sur trois ans, si bien que le peloton féminin sera encore présent la saison prochaine, puis la suivante, même si son directeur général s'attend à une première édition (dont le budget est de 1,5 million de francs) financièrement peu rentable. «On sera à zéro, voire un peu en négatif. Comme pour les garçons cette année.»
Il serait faux toutefois d'attribuer l'essor du cyclisme féminin aux moyens qui lui sont mis à disposition. La reconnaissance dont les coureuses bénéficient aujourd'hui, elles sont allées la chercher à la force du mollet. «Pendant longtemps, il n'y avait pas de professionnelles donc pas la possibilité, pour les organisateurs, d'avoir 110 ou 120 femmes au départ», note Richard Chassot. «Mais dès lors qu'il y a des équipes qui font des efforts pour créer des staffs professionnels et ambitieux, il est logique que les organisateurs suivent pour leur proposer des compétitions.»
Elles seront 95 coureuses au départ d'une épreuve retransmise en direct par la RTS. La chaîne se dit «fière de produire et de diffuser la première édition du Tour de Romandie féminin». Elle proposera chaque jour deux heures quinze d’émissions en direct. Le suivi sera possible grâce à l'engagement de moyens humains (80 collaborateurs travailleront à la production de l'événement) et techniques (12 caméras, 3 motos, 1 hélicoptère et 1 avion) considérables, signe de l'importance d'un rendez-vous déjà historique.