Un scénario de dingue samedi soir à Portland, au Providence Park, l'antre mythique des Timbers. Au programme: la finale de la MLS, la Major League Soccer (le championnat de football nord-américain).
Les visiteurs, New York City, ont longtemps mené au score, suite à une réussite de la tête de leur attaquant vedette Valentin Castellanos à la 41e minute. La libération pour Portland est tombée à la 94ème, suite à une réalisation du Chilien Felipe Mora après un cafouillage dans la surface new-yorkaise. L'un de ses coéquipiers se prendra ensuite une canette de bière en plein visage lors des célébrations. Mais pas de quoi arrêter la partie.
Portland, you showed the world why we're Soccer City, USA.
— Portland Timbers (@TimbersFC) December 12, 2021
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Dans une ambiance survoltée, les locaux ont ensuite dominé les prolongations – sans toutefois marquer – avant de s'incliner aux tirs au but face à un énorme Sean Johnson, le portier de New York City FC. Ce titre est le premier pour la jeune franchise, qui appartient au même groupe que Manchester City (le City Football Group), véritable multinationale du football.
Cette victoire reste toutefois une petite surprise pour les spécialistes du football aux Etats-Unis. C'est le cas pour Antoine Latran, journaliste français passé par Lucarnes Opposées (portail web francophone couvrant le football non-européen) et co-fondateur du site internet www.culturesoccer.com:
La finale de samedi soir était également l'occasion pour les Européens de découvrir le kop bouillant des Timbers.
#MLSCup day!
— Mitch Daugherty (@pdxmitch) December 11, 2021
A huge shout out to the @timbersarmy for all they do for the club and community.
Providence Park is going to be electric.
“Let it rain, let it pour…”
Let’s go @TimbersFC ! pic.twitter.com/1YafZbfkI5
Un virage très bien garni (et qui tronçonne un bout de bois à chaque but, le gros show à l'américaine), qui nous plonge dans une ambiance proche de ce que l'on peut voir en Amérique latine.
Alain Rochat, passé par les Vancouvers Whitecaps de 2011 à 2013, s'en souvient: «Il y a de très belles ambiances en MLS, notamment dans la région dans laquelle je jouais, sur la côte ouest. Vancouver, Portland et Seattle sont vraiment les piliers populaires du foot en Amérique du Nord.»
Un constat que partage Antoine Latran, qui nous explique la différence entre cette région et les grandes villes de la côte est:
A cinq ans de la Coupe du monde 2026 – la deuxième qui se déroulera sur sol nord-américain après celle de 1994 –, les dirigeants nord-américains du soccer misent beaucoup sur la MLS pour promouvoir l'évènement et pour, surtout, faire du football un véritable sport populaire en Amérique. Et ça commence à prendre, enfin.
On assiste actuellement à une sorte de mélange entre la «culture foot» traditionnelle et la culture du sport américain, très axée sur le consumérisme. «On est sur un phénomène unique, analyse Antoine Latran. Il y a à la fois des ambiances à l'européenne ou à la sud-américaine en tribunes avec des groupes ultras, créés par des expats européens ou des latino-américains notamment. Et aussi cette culture typiquement américaine du sport, liée au merchandising, au marketing et à la fan experience.»
Le journaliste spécialisé enchaîne:
INCROYABLE LA #MLSCUP EST RELANCEE AVEC FELIPE MORA !!
— Culture Soccer (@CultureSoccer) December 11, 2021
A LA 93E MINUTE LE #RCTID MARQUE A LA MAISON ET LE STADE RUGIT D'UN COUP C'EST 1-1, ON PART EN PROLONGATION 🥳🥳🥳pic.twitter.com/eJoRDw0OHN
Ce développement du soccer n'en était qu'à ses débuts lorsqu'Alain Rochat portait le maillot des Vancouver Whitecaps. Il est moins optimiste sur l'avenir du football aux Etats-Unis: «Le football reste un sport secondaire qui n'atteindra jamais, selon moi, les autres sports du top 4 (ndlr: basket, hockey sur glace, baseball et football américain). Les Américains ont trop de retard sur tout niveau foot, que ce soit en termes de mentalité ou de culture tactique. Il va falloir peut-être deux à trois générations pour que cela change.»
Dans les années 2010, la MLS misait sur une stratégie à court terme pour promouvoir son championnat: faire venir des stars, en fin de carrière notamment. L'arrivée de David Beckham en 2007 au Los Angeles Galaxy aura vraiment été le déclencheur, même si le pays avait déjà vécu pareil phénomène dans les années 70 avec les venues de Pelé, Cruyff, Eusebio ou Beckenbauer.
«Les équipes qui possédaient des joueurs comme Beckham ou Henry remplissaient les stades. Les Américains venaient voir jouer des mecs qu'ils suivaient à la télé. Forcément, ça a été un énorme boost pour la MLS», se remémore Alain Rochat.
Les franchises nord-américaines semblent avoir actuellement délaissé ce modèle économico-sportif au profit d'un autre, davantage rentable: l'achat-revente. Il positionne la MLS comme tremplin parfait vers l'Europe: les joueurs latino-américains peuvent y venir apprendre l'anglais, se familiariser avec un climat et une culture occidentale et se frotter à un football plus physique. C'est le constat d'Antoine Latran:
Le football aux Etats-Unis vit également une autre transition, au niveau de la formation. Les franchises investissent à présent dans leurs académies, délaissant quelque peu le système universitaire traditionnel. Un engagement qui porte déjà ses fruits, comme en témoigne le parcours d'Alphonso Davies, formé aux Vancouver Whitecaps et vendu 10 millions d'euros au Bayern Munich en 2019.
Des investissements qui rapportent gros financièrement, mais aussi sportivement. Les Etats-Unis souhaitent, par ailleurs, toujours devenir une puissance importante sur la scène du football mondial. Un patriotisme dont se souvient très bien Alain Rochat: «Les Américains veulent toujours être les meilleurs. Au football, ils n'y arrivent pas, mais la ferveur est là et elle sera présente en 2026. Reste à savoir avec quelle équipe. Car, pour moi, ils possèdent toujours passablement de retard sur l'Europe, l'Afrique et l'Amérique du Sud en termes de culture tactique, notamment.»
Pour terminer, on vous laisse avec les images improbables du coach de New York, qui a célébré à sa manière – et à l'américaine – la victoire de son équipe samedi soir. Show must go on!
Juste comme il l'avait annoncé à son arrivé au #NYCFC, Ronny Deila a célébré son premier trophée en se déshabillant sur la pelouse hier soir 😂
— Culture Soccer (@CultureSoccer) December 12, 2021
Profitons encore tant qu'on peut des belles images de cette #MLSCup ! pic.twitter.com/OLccMtAkm6