Sport
Football

La Suisse donne à Imane Touriss ce que la France interdisait

Le foot suisse lui offre ce que la France lui interdisait
Imane Touriss est la première joueuse en Suisse à porter un foulard.image: Andrea Zahler

Le foot suisse lui donne ce que la France lui interdisait

En France, Imane Touriss n’avait pas le droit au foulard sur le terrain. Ce n’est pas le cas en Suisse, où elle est devenue la première footballeuse professionnelle à l’adopter.
30.10.2025, 19:0230.10.2025, 19:03
Robin Walz / ch media

Imane Touriss possède un toucher de balle comme peu d’autres joueuses du championnat. La milieu de terrain de GC séduit par sa technique raffinée et son sens aigu du jeu. Mais elle se distingue aussi par un détail visible: Imane Touriss est la première joueuse de l’histoire de la Women’s Super League à évoluer avec un foulard. CH Media, groupe auquel watson appartient, l’a rencontrée sur le campus du club à Niederhasli.

Elle porte une chemise blanche, un pull sans manches à carreaux, des chaussettes blanches, un pantalon noir et des bottines beiges. Avec son style affirmé, le foulard en devient presque discret. Elle s’avance, serre la main du journaliste et se présente avec un grand sourire: «Bonjour, je suis Imane».

Elle évite les conflits

L’été dernier, la footballeuse a quitté Guingamp pour rejoindre Grasshopper, où elle a signé un contrat de deux ans. Lors de l’annonce officielle, le club l’a présentée comme une attaquante. Mais, sous la direction de l’entraîneur João Paiva, la jeune femme de 20 ans évolue finalement au poste de latérale droite. «C’est le football», sourit Imane.

«Parfois, l’entraîneur a besoin de nous à un autre poste. Il faut savoir s’adapter»
Imane Touriss

Imane Touriss est de nature conciliante. Elle préfère éviter les affrontements et concentrer toute son énergie sur le jeu, même si cela implique parfois des compromis avec sa foi. Fille d’une Française et d’un Marocain, la jeune femme est musulmane et porte le voile depuis deux ans. Lorsqu’elle signe chez les vice-championnes de Suisse, elle pense, à tort, comme elle le découvrira plus tard, qu’elle devra retirer son foulard sur le terrain. Elle s’y prépare mentalement.

Cette conviction trouve son origine dans la situation controversée qui prévaut en France, le pays où Imane évoluait auparavant. En effet, la Fédération française de football (FFF) interdit tout signe religieux sur le terrain. Lorsqu’elle signe son premier contrat professionnel, à seulement 17 ans, elle doit donc s’engager à renoncer au port du foulard en match et à l'entraînement. «Cela m’a vraiment rendue triste», confie Imane.

«Mais j’ai accepté cette règle»
Imane Touriss
En France, Imane Touriss n’était même pas autorisée à porter un foulard à l’entraînement.
En France, Imane Touriss n’était même pas autorisée à porter un foulard à l’entraînement.image: andrea zahler

L'Association suisse autorise le port du voile

Pensant que l’interdiction s’appliquait également en Suisse, l’agent d’Imane informe GC, lors des négociations de contrat, que sa joueuse s’entraînera voilée, mais disputera les matchs tête nue. «Au début, nous ne nous sommes pas vraiment posé la question», admet le directeur sportif Theo Karapetsas.

Ainsi, Imane dispute ses deux premiers matchs de championnat sans son foulard, alors même que le règlement de l'Association suisse de football (ASF) ne l’y oblige pas. «L'ASF défend la diversité, la tolérance et le respect. Cela inclut la possibilité de porter des couvre-chefs religieux», explique Dominik Erb, responsable de la communication pour le football féminin au sein de la fédération. L'ASF s’aligne, tout comme la Fifa et l’UEFA, sur les règles officielles établies par l’International Football Association Board (Ifab).

Depuis 2014, les footballeuses du championnat sont autorisées à porter des couvre-chefs à motif religieux pendant les matchs, à condition de respecter certaines règles: la couleur doit correspondre à celle du maillot, l’accessoire ne doit présenter aucun risque pour la joueuse ou ses adversaires, et il ne doit véhiculer aucun message interdit.

L’interdiction qu'Imane a connue en France fait figure d’exception en Europe. La décision des autorités d’interdire le port du voile à leurs athlètes pendant les Jeux olympiques de Paris 2024, sous couvert du principe de laïcité, a d’ailleurs suscité une vive controverse internationale. Des experts des Nations unies et plusieurs organisations de défense des droits humains ont dénoncé une mesure discriminatoire.

Mais la France n’en était pas à son coup d’essai: elle est le seul pays d’Europe à interdire le voile dans certaines disciplines, comme le basket, le volley ou le foot. En février 2025, le Sénat a même adopté une loi visant à étendre cette interdiction à l’ensemble des sports.

Le foot suisse lui donne ce que la France lui interdisait
Imane Touriss est «comblée de bonheur». Cela se voit sur son visage.image: Andrea Zahler

«Je ne voulais pas créer de problèmes»

Dans ce contexte, il est compréhensible qu’Imane ne se soit pas davantage renseignée sur la réglementation en vigueur en Suisse et n’ait pas insisté pour porter son foulard en match. A 20 ans, la jeune joueuse était déjà heureuse de pouvoir s’entraîner voilée, un privilège qu’elle n’avait pas connu en France. «Je ne voulais pas créer de problèmes», confie-t-elle simplement.

Quelques semaines après son arrivée, la situation commence à évoluer, à l’initiative de son entraîneur, João Paiva. «Je suis quelqu’un qui aime beaucoup rire. Je crois que le coach a remarqué, lors des premiers matchs, que j’étais un peu plus triste quand je jouais sans mon voile», raconte Imane.

Le club se renseigne alors et découvre qu’en vertu des règlements de l'ASF et de l’UEFA, Imane est parfaitement autorisée à porter le foulard aussi bien en championnat qu’en Coupe d’Europe. Lors du match à domicile contre le club kazakh du BIIK Shymkent, début septembre, elle met cette autorisation en pratique pour la première fois.

Imane Touriss avec son foulard lors du match aller contre l’Ajax Amsterdam.
Imane Touriss avec son foulard lors du match aller contre l’Ajax Amsterdam.image: imago

Aujourd’hui, Imane est la seule (et très probablement la première) joueuse de Women’s Super League à évoluer avec un foulard. En tout cas, la fédération suisse n’a connaissance d’aucun précédent dans les 55 ans d’histoire du championnat.

Reconnaissante, la joueuse de GC salue le soutien de son club et de son entraîneur, qui ont entrepris les démarches nécessaires pour lui permettre de jouer en accord avec sa foi. «Pour moi, c’est énorme. Je me sens enfin moi-même sur le terrain, complètement libérée», confie-t-elle. Et d’ajouter, dans un éclat de rire:

«Je suis la plus heureuse»
Imane Touriss

Moins de préjugés en Suisse qu’en France

Imane vit en Suisse depuis maintenant deux mois. A 20 ans, partir à l’étranger pour la première fois, vivre seule et s’adapter à une nouvelle culture, à une autre langue, représentait un grand changement. «Mais j’ai été accueillie à bras ouverts par GC», raconte-t-elle. «Personne n’a fait attention au fait que je porte le voile. On a vu la personne que je suis.»

Son transfert a représenté un grand changement, mais Imane a été très bien accueillie à Zurich.
Son transfert a représenté un grand changement, mais Imane a été très bien accueillie à Zurich.image: andrea zahler

La jeune joueuse ne tarit pas d’éloges, non seulement sur son club, mais aussi sur la Suisse en général. Elle se dit touchée par l’ouverture d’esprit et la bienveillance des gens, et remarque, amusée, que «tout le monde sourit le matin». Jusqu’à présent, elle n’a jamais subi de remarques déplacées ni de regards désobligeants en raison de sa tenue.

Son expérience en Bretagne, où elle a grandi, est différente. Si elle garde de très bons souvenirs de son enfance et de son adolescence, les choses ont changé lorsqu’elle a commencé à porter le voile à 18 ans. Les regards méfiants et les remarques hostiles se sont multipliés.

«En France, j’ai ressenti beaucoup plus de préjugés qu’ici»
Imane Touriss

«Tout le monde devrait pouvoir porter ce qu’il veut»

Souvent, les musulmans sont dépeints de manière négative et leur foi associée à des stéréotypes ou à la méfiance. Pour Imane, il est donc essentiel de parler ouvertement de sa religion, et des raisons pour lesquelles elle porte un voile.

Pour elle, l’islam représente une «colonne stable». Il lui permet de trouver la sérénité intérieure dans les moments difficiles, fréquents dans le football. Le voile, en tant qu’expression de sa foi, l’accompagne dans ce cheminement. Selon Imane, chacun doit pouvoir décider de ce qui favorise son bien-être, indépendamment de sa religion ou de sa culture. «Qu’on soit chrétien, juif, musulman ou autre, toutes les personnes devraient pouvoir être elles-mêmes et porter ce qu’elles veulent, tant que cela ne nuit à personne», affirme-t-elle.

«Et nous devrions tous nous accepter mutuellement»
Imane Touriss
Sa foi lui donne la force nécessaire pour donner le meilleur d’elle-même sur le terrain.
Sa foi lui donne la force nécessaire pour donner le meilleur d’elle-même sur le terrain.image: andrea zahler

Elle est convaincue que cette paix intérieure est indispensable pour être bienveillant envers les autres. «C’est pourquoi j’essaie d’abord de trouver la paix en moi, afin de pouvoir être une meilleure personne pour les autres», explique-t-elle. Par ailleurs, un bien-être renforcé l’aide à délivrer les performances attendues sur le terrain.

D'ailleurs, au final, c’est bien le football qui prime. Imane souhaite que les spectateurs ne la réduisent pas à son voile, mais qu’ils la voient avant tout comme ce qu’elle est: une joueuse de football. Et qu’elle soit jugée sur cette base.

Récemment, son équipe a connu deux revers: une élimination en Coupe d’Europe, suivie d’une défaite 3-2 en championnat face au leader, le Servette FC Chênois Féminin. Pourtant, la passe décisive d’Imane, après avoir éliminé plusieurs adversaires, n’est pas passée inaperçue, notamment aux yeux du sélectionneur de l'équipe du Maroc, qui l'a de nouveau convoquée durant la trêve internationale.

20 plats américains qui méritent d'être connus
1 / 22
20 plats américains qui méritent d'être connus

La clam chowder est un plat populaire dans tout le pays, mais la meilleure se trouve en Nouvelle-Angleterre.

source: boston globe / boston globe
partager sur Facebookpartager sur X
Nelly Furtado s'éloigne de la scène
Video: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
Avez-vous quelque chose à nous dire ?
Avez-vous une remarque ou avez-vous découvert une erreur ? Vous pouvez nous transmettre votre message via le formulaire.
0 Commentaires
Votre commentaire
YouTube Link
0 / 600
YB arrache un point ++ GE Servette battu
Elles sont là, elles sont fraîches! Les infos sportives à ne pas rater.
L’article