C’est un débat incandescent que la loi pourrait prochainement trancher en interdisant le port des signes religieux dans les compétitions sportives en France. Le voile musulman, appelé aussi hijab, est concerné au premier chef, sans jeu de mots. Deux sportifs de très haut niveau, la star du judo Teddy Riner et l’ancien champion du monde de boxe d’origine iranienne Mahyar Monshipour, ont fait connaître leur point de vue sur le sujet. Ils sont diamétralement opposés.
Reprenons. Alors qu’un projet de loi visant à interdire les signes religieux dans les compétitions sportives, y compris à l'échelon amateur, est en discussion au parlement français, la ministre des Sports, Marie Barsacq, interrogée par une commission de l’Assemblée nationale sur les phénomènes de radicalité, a répondu que «les sujets de radicalisation dans le sport sont un autre sujet que celui du port du voile et d’insignes religieux». Elle a mis en garde contre les «confusions» et les «amalgames».
En disant cela, la ministre s’est écartée de la doctrine laïque en vigueur en France, restrictive face aux signes religieux – ils sont interdits chez les agents de la fonction publique et à l’école chez les professeurs comme chez les élèves.
Dans le sport, les fédérations sont pour l’heure encore maîtresses à bord. Pour ne parler que du voile, il est autorisé dans le handball, le rugby, le judo, l’athlétisme ou encore le tennis. Il est en revanche prohibé dans le foot, le volley et le basket. La pression pour pouvoir le porter est forte dans le milieu du football, comme en atteste le mouvement des «hijabeuses», lesquelles ont toutefois vu leurs revendications pro-voile rejetées en 2023 par le Conseil d’Etat français.
La réponse – la gaffe? – de la ministre des Sports a allumé la polémique, dont se sont saisies l’extrême droite et la droite, ainsi que des ministres de l’actuel gouvernement, même si, sur ce sujet, les partisans de la neutralité religieuse dans le sport sont de tous bords politiques.
Sur ce, Teddy Riner, quintuple médaillé d’or olympique, a donné son avis. Dimanche 23 mars sur RMC, l’illustre judoka a défendu le droit de porter le voile dans le sport:
La réplique ne s’est pas fait attendre. Elle est venue le lendemain de l’ancien champion du monde de boxe français Mahyar Monshipour. Né en Iran en 1975, envoyé à 11 ans en France par son père en pleine guerre Iran-Irak, il en acquerra la nationalité et brillera sur les rings.
Sur Facebook, il interpelle le judoka:
Mahyar Monshipour, dont le pays d'origine est une théocratie islamique depuis 1979, écrit entre autres dans son post, toujours à l'attention de Teddy Riner:
Mardi, c'est au tour de la ministre de la Culture, Rachida Dati, de prendre part au débat. Dans l’émission C à vous sur France 5, elle expédie la question:
"La loi de 2004 a tranché le débat : il n’y a pas de signe religieux en milieu scolaire, en compétition sportive non plus. Pourquoi relancer ce sujet en permanence ?”
— C à vous (@cavousf5) March 25, 2025
Voile dans le sport, le gouvernement en désaccord : @datirachida s'exprime dans #CàVous pic.twitter.com/9K3De7iI4m
La maire du 7e arrondissement de Paris appartient à cette deuxième génération de l’immigration maghrébine ayant grandi en France relativement à l’abri des injonctions islamistes, aujourd’hui relayées par les réseaux sociaux.👇
Face à la réprobation, Teddy Riner a tenu à apaiser le débat dans un message publié sur X, mardi également.
Appelant à ce que à ses propos ne soient pas «instrumentalisés à des fins partisanes», Teddy Riner ajoute:
Le sport a toujours été un espace de neutralité, de dépassement de soi et de partage. Il transcende les différences et unit au-delà des croyances, des origines et des opinions. En tant que sportif de haut niveau, j’ai toujours défendu ces valeurs qui font la beauté et la force du…
— Teddy Riner (@teddyriner) March 25, 2025
Si le voile dans le sport, en particulier dans le football, fait polémique en France, il fait moins de vagues, voire pas la moindre vaguelette en Suisse. Il est autorisé sous certains conditions de sécurité par le règlement de l'Association suisse de football (ASF), qui le considère comme un «couvre-chef». Porte-parole de l'ASF, Adrian Arnold affirme:
Il y a quinze ans, en 2010, un tribunal de Lucerne avait validé l'interdiction faite à une joueuse de basketball irakienne de 19 ans de porter le voile dans des matchs de compétition, rapportait sur son site l'agence Swissinfo. Tout en admettant que cette interdiction, édictée par la Fédération internationale de basketball (FIBA), constituait une restriction, le tribunal avait estimé que la jeune femme, «ayant choisi de vivre en Occident et s'y étant apparemment parfaitement intégrée, pouvait ôter son voile pour pratiquer son sport lors de rencontres officielles». Depuis, c'était en 2017, la FIBA a levé l'interdiction du voile dans les matchs officiels.