Elles peuvent tétaniser ou, au contraire, motiver les joueurs adverses. Les ambiances dans les stades ou patinoires jouent souvent un rôle dans le déroulement d'un match. Comme beaucoup avant lui, le capitaine de Fribourg-Gottéron Julien Sprunger n'y est pas resté insensible, mardi soir, à Berne.
Le contexte explique cet enthousiasme: ce premier match de la saison de National League coïncide avec le retour du public dans les enceintes, après un dernier exercice joué quasiment en entier à huis clos.
D'autres sportifs n'ont pas eu besoin d'attendre ce contraste post-pandémie pour se délecter de l'hostilité du public adverse et la retourner en avantage.
Carlos Varela en fait partie. Dans tous les stades où il a joué, l'ancien milieu de terrain de Servette, Young Boys et Xamax, entre autres, n'a laissé personne indifférent. Hargneux sur le rectangle vert, parfois provocateur, l'actuel consultant de Blue était autant adoré par ses propres supporters que détesté par ceux des autres équipes.
Mais cette hostilité ne l'a jamais blessé. Bien au contraire. Il la comprend totalement. «J'ai toujours été convaincu que le foot professionnel ne vit qu'à travers le public. Quand je jouais, je pensais à la famille pour qui venir au stade est l'excursion du week-end, pour le mec qui trime au boulot pour se payer un billet. J'étais obsédé par la victoire pour eux, mon but c'était de finir carbonisé sur le terrain», s'exalte l'ex-pro.
Alors forcément, une telle rage de vaincre entraîne parfois des excès d'engagement sur la pelouse. Qui ne manquent pas de chauffer les fans adverses. Mais Carlos Varela, défenseur acharné d'un football populaire, leur pardonne entièrement:
Le quarantenaire avoue avoir du respect pour ceux qui, jadis, l'insultaient depuis les tribunes, parce que c'est justement le signe qu'ils sont des amoureux de leur club. Peu importe lequel.
Si le Genevois a autant de recul sur sa carrière et l'environnement du football, c'est aussi et surtout parce qu'il sait depuis le début que ce sport est avant tout un spectacle. Un jeu. «Pendant une heure trente, je me mettais dans un rôle. Mais dès la fin du match, je redevenais moi-même, toute ma rage disparaissait», rembobine-t-il.
C'est aussi ça qui lui permet aujourd'hui de retourner manger des raclettes avec les fans du FC Sion avant les matchs à Tourbillon, là-même où le public s'acharnait sur lui il y a une dizaine d'années. «A Saint-Gall, je me faisais insulter par les supporters pendant 90 minutes, Mais je restais souvent en ville après les matchs, et ces mêmes personnes venaient vers moi pour faire des selfies!», rigole l'ancien trublion.
Je trouve Carlos Varela au-dessus! Il est excellent! Ce compliment vient d'un supporter de Sion, c'est dire! 😉
— Baroن🇨🇭 (@Walliser_1981) June 17, 2021
Logique donc que l'hostilité d'un public ne soit que positive quand on arrive autant à faire la part des choses que Carlos Varela. D'autant qu'elle boostait sa confiance en lui: «On ne te siffle que si tu es un bon joueur, parce que le public adverse a peur de toi», argumente-t-il.
Une autre figure du football suisse a aussi su profiter de cet acharnement contre lui. Luca Ferro, ancien portier de Neuchâtel Xamax (2008-2011), puis entraîneur des gardiens, savait y faire. Son poste était particulièrement exposé, avec les fans adverses juste derrière la cage.
Plusieurs fois arrosé de bière, il n'avait pas résisté à l'envie de tester le breuvage offert par les fans de Sion et de Lucerne. Lors de ces deux parties, l'Italien avait étanché sa soif en buvant une gorgée dans l'un des gobelets lancés à ses pieds. Face à Young Boys, c'est avec un paquet de chewing-gum qu'il avait nargué de la même façon ceux qui tentaient de le perturber, non sans les remercier après s'être servi.
Son confrère Lionel Letizi, ancien dernier rempart du PSG notamment, avouait à So Foot en 2012 opter, lui, pour l'indifférence. Mais il reconnaissait qu'un public hostile, «ça fait plus rire qu’autre chose, d’autant que ça amène une certaine forme de motivation.»
Oui, les sportifs de haut niveau adorent la compétition. Alors quand de nouveaux adversaires en tribune s'ajoutent à ceux sur le terrain, ils voient un nouveau challenge. L'ancien footballeur international français Sydney Govou avait apprécié celui proposé par les fans de Fenerbahçe, en 2004, dans le bouillant stade Şükrü Saracoğlu d'Istanbul. Il s'y était imposé avec Lyon. «On a eu la chance de calmer tout le monde assez rapidement. On s’était servi de cette ambiance en se disant: "On va les éteindre!" C’était un challenge pour nous», confiait l'ex-attaquant à Radio Scoop.
La gestion mentale d'un match en lien avec le public est toujours subtile: savoir profiter de l'environnement, avec ou contre soi, sans être déconcentré, au risque de sortir de la partie. Ou ne pas craquer nerveusement et se faire expulser, par exemple. Mardi soir, les hockeyeurs de Fribourg-Gottéron ont trouvé le bon dosage: ils se sont imposés 6-3 dans la capitale face au CP Berne et ont parfaitement lancé leur saison 2021-2022.