Léna Brocard a vécu un début de saison très compliqué, le week-end dernier en Norvège. Alors qu'elle avait réalisé une encourageante 8e place lors de l'épreuve de saut à ski sur le tremplin de Lillehammer, la spécialiste de combiné n'a pas été autorisée à s'aligner sur l'épreuve de ski de fond le lendemain. Elle a été purement et simplement disqualifiée.
La raison peut paraître surprenante et c'est la jeune femme de 23 ans qu'il l'a dévoilée au Dauphiné Libéré.
Or la Fédération internationale de ski (FIS) impose des règles très strictes concernant le gabarit des athlètes - nous y reviendrons. Il se trouve que sur la balance, Léna Brocard, qui dispute cet hiver sa quatrième saison de Coupe du monde, était trop légère de 200 grammes.
«Je ne m’y attendais pas», a soufflé la Française quelques jours après, sans toutefois crier au scandale.
Autrefois confrontés à des problèmes d’anorexie chez les sauteurs qui souhaitaient être le plus légers possible en vol, la Fédération internationale a mis en place un barème basé sur le BMI (Body Mass Index), ou IMC en français (Indice de masse corporelle). Dès qu'un athlète atteint un IMC égal ou inférieur à 21.000, sa taille et son poids décident de la longueur des skis à laquelle il/elle aura droit.
Pour connaître leur taille de lattes, les athlètes doivent se référer au tableau édicté par la FIS, dont Arnaud Bousset, l'entraîneur des sauteurs suisses, nous a fait parvenir un extrait.
On ne connaît pas le gabarit de Léna Brocard, mais ce qui est certain, c'est que sa perte de poids en Norvège l'a faite changer de colonne, et donc de taille de skis. Or en saut, ce n'est pas comme en alpin. «On ne voyage pas avec une vingtaine de paires de ski dans les housses quand on part en compétition, dit le coach des sauteurs helvètes. On en emmène juste une ou deux, et souvent de même longueur, mais avec des souplesses ou des structures différentes.» À Lillehamer, la Française n'avait dès lors plus de matériel à sa mesure.
Exclure une athlète pour 200g de pas assez peut paraître sévère mais comme le dit Arnaud Bousset, «si on ne respecte pas le règlement, ça ne sert à rien de le faire». Et puis, il a justement été pensé pour lutter contre de vieux fantômes de la discipline. Au début des années 2000, le saut à ski était en effet confronté au comportement anorexique de plusieurs de ses champions. Parmi eux, l'Allemand Sven Hannawald, 60 kilos pour 184 cm, dont l'extrême maigreur inquiétait.
«Les sauteurs ont compris que, pour voler comme un oiseau, il faut manger comme un oiseau, écrivait Le Temps à l'époque (2000). Dès lors, leur morphologie s'est transformée au fil des ans. Ils sont devenus extrêmement maigres, surtout depuis l'apparition du style en V au début des années 90, qui permet d'aller plus loin avec moins de vitesse et donc moins de puissance. Un style qui demande aussi moins d'explosivité sur des tremplins dont les formes se sont adoucies.»
Consciente des dérives anorexiques de certains sportifs, la Fédération internationale de ski a fait adopter un nouveau règlement dès 2004, basé sur l'IMC et la longueur des skis. C'est le même système de calcul qui prévaut aujourd'hui et qui permet «d'encadrer la pratique. Il fait du bien», estime Arnaud Bousset, précisant toutefois que les sauteurs n'ont pas vraiment changé d'objectif.
La fermeté de la FIS avec le règlement rappelle à tous que la chasse au kilo est un jeu dangereux. Certains sauteurs courent même le risque, un jour, de ne plus pouvoir prendre le départ d'une étape de Coupe du monde.