Alors que les meilleurs skieurs mondiaux ont lancé leur saison à Sölden, sur les pentes du Rettenbach, les plus jeunes s'entraînent dans l'ombre pour préparer leur prochain rendez-vous.
C'est le cas de Luc Roduit. Le natif du Val de Bagnes enchaîne les semaines d'entraînement et prépare la nouvelle saison. Car rien n'est simple, le chemin est souvent tortueux pour atteindre le haut niveau. Il se remémorer les premières difficultés pour se frayer un chemin dans les cadres de Swiss-Ski. L'athlète, de nature discrète, avoue avoir eu des difficultés en intégrant les contingents: «J'étais le seul Romand et je ne comprenais absolument rien. Mais je me suis bien adapté au Röstigraben», se marre-t-il.
S'adapter, c'est un peu le maître mot du Valaisan qui a vu sa frimousse diffusée sur les chaînes de télévision et dans la presse du pays. «Il y a pas mal de choses qui ont changé depuis 4 ans», lance d'emblée le Valaisan. Après sa razzia des JOJ de Lausanne (2020), le garçon souligne la «belle expérience» vécue lors des épreuves vaudoises. Il se dit surtout content d'avoir «bien géré» l'attention médiatique.
Or, quand les JOJ ont pris fin, retombé dans les courses FIS a demandé une petite adaptation. Si bien qu'après l'euphorie, Roduit a ressenti «un peu le syndrome de l’imposteur» lorsque des journalistes lui tendaient le micro.
Mais l'imposteur va prendre la forme d'un virus: le Covid-19. Il ne le sait pas encore, mais la pandémie va le freiner dans sa progression. «Je faisais une super saison à ce moment-là», souffle-t-il.
Capitalisant sur sa forme olympique, il lorgnait sur la Coupe suisse U19, où il jouait le top 3: «J'étais en forme et la pandémie est arrivée, les courses ont été annulées. J’ai fini 4e», commente-t-il.
A première vue, ce 4e rang peut paraître anodin. Sauf qu'intégrer le top 3 était synonyme d'accession au cadre C de Swiss-Ski. La sentence lors des sélections 2019/2020 tombe: il n'enfilera pas la veste de la fédération suisse de ski.
Remonté, Luc Roduit s'est alors réfugié dans le travail pour gommer cette injustice, en transpirant à la salle de force: «Quand j’ai appris que je n’étais pas sélectionné par Swiss-Ski, j’ai doublé la charge d’entraînement physique».
Mais le spectre du surentraînement rôde; la tête en veut trop et le corps ne suit pas. De petites douleurs apparaissent, les médecins lui demandent de mesurer sa charge d'entraînement. Sur les skis aussi, l'athlète en veut trop.
Devenu soudain hésitant, abandonné par la confiance, il passe la saison à trainer son spleen: il lui faut un nouveau départ. Il change de matériel pour se relancer dans la nouvelle saison 2021/2022. Transformant sa déception en hargne, il réussit à accéder au cadre C de Swiss-Ski.
Mais gravir les échelons dans le ski helvétique demande du temps et une bonne dose de chance pour éviter les pépins. La saison 2022/2023, le Valaisan fait face à des maux qui le freinent à nouveau. Un parcours du combattant et des douleurs ont commencé à lui courber le dos. «On ne sait toujours pas ce que j’ai eu, mais j’ai passé 10 jours à l’hôpital. Je ressentais des douleurs à la clavicule aussi. Pendant trois mois, j’étais sous antibiotique. Ça m’a bien entamé physiquement et psychologiquement et j’ai décidé d'écourter la saison (réd: mi-mars)».
Ces accidents de parcours ont formé le skieur et lui ont dopé sa détermination. Aujourd'hui, Luc Roduit se bat désormais pour obtenir une place dans les contingents de Coupe d'Europe. Excellent technicien, capable de briller en slalom et en géant, il travaille pour accrocher une place au sein des titulaires en slalom.
Après son baptême du feu en Coupe d'Europe, à Gstaad, il se sait dans une zone grise: «Je n’ai pas encore de place fixe en Coupe d’Europe. Je me situe entre la 10e et 13e place (réd: Swiss-Ski peut aligner 10 skieurs)».
Il s'apprête à voyager dans le nord (les premières épreuves de Coupe d'Europe sont à Levi, en Finlande, fin novembre) pour prendre part à des qualifications internes.
Le Bagnard sait que s'il veut faire sa place au plus haut niveau, il lui faut performer avec régularité: «Ce qui est difficile en Suisse, c'est qu'il faut prouver à tous les niveaux et être très régulier en Coupe d’Europe si on veut avoir une chance d'être aligné en Coupe du monde».
L'espoir valaisan entame l'exercice 2024/2025 gonflé à bloc, avec cette idée de jouer «all in» pour passer au niveau supérieur. Et à raison, puisqu'il restait sur une fin de saison très solide. Il s'est surtout montré régulier, la formule magique pour attirer l'oeil des coachs.
Car la nouvelle saison est importante pour Luc Roduit: «Si on regarde la feuille des critères de Swiss-Ski, je dois me glisser dans le top 30 en Coupe d’Europe dans une discipline, ou appartenir aux 250 mondiaux rationnés sur deux disciplines, ou intégrer le top 80 dans une discipline».
Le Bagnard a les capacités pour se sublimer et le ski nécessaire pour régater. Il charbonne et l'assure: «J’essaie de faire du mieux que je peux pour aller le plus loin possible».