Il semblerait ce que ce soit Roger Federer qui soit derrière le regain de motivation de l'Américaine: il fallait presser le citron, que le Suisse lui-même avait épuisé «jusqu'à la dernière goûte de son énergie». Un discours qui a marqué l'ancienne «Queen of speed», activant cette petite voix en elle: «J'ai eu la même impression, je me suis donnée à fond mais je crois qu'il me reste encore un peu de jus finalement», a-t-elle confié dans les colonnes du New York Times.
Le Maître avait les mots. La reine, elle, avait les maux récurrents. Oui, même si Lindsey Vonn revient avec un genou tout neuf (depuis 7 mois) qui lui donne des idées pour briller sur les tracés de la Coupe du monde, Vonn est à l'image de son ski: rapide, instinctif, mais instable.
Un ski total, comme on dit dans le jargon, qui l'a catapulté dans les filets une paire de fois. Ses cabrioles impressionnantes à Are, Schladming (aux Mondiaux, le début des ennuis physiques) ou encore à Lake Louise ont fait le tour de la planète ski. Et la facture a été salée: des genoux en miettes et un corps meurtri. Tant de chutes pour une athlète qui chatouillait sans cesse les limites et laissait, surtout en fin de carrière, une sensation d'instabilité constante.
Difficile à croire qu'à 40 ans, Vonn ait la motivation pour faire les sacrifices nécessaires. Or, derrière ce come-back inespéré, il y a un goût de page blanche. Elle assurait «ne courir après rien, qu'elle n’essaie pas de prouver quoi que ce soit à qui que ce soit». Ou plutôt: «Avec ce que j’ai accompli dans ma carrière, je suis reconnaissante de pouvoir être dans cette position. Je n’ai aucune pression. C’est juste moi et la montagne, comme au début.»
Cette vision est un point culminant dans la compréhension du retour de l'Américaine. Loin des motivations marketing du retour de Marcel Hirscher (dont la vente de skis serait l'intention première), pour Vonn, d'abord, il y a un désir d'honorer sa mère, Linda Krohn, décédée il y a deux ans.
Rechausser les lattes pour se sentir vivante, lorsqu'elle avouait que son sport fétiche était pour elle «un moyen de s’adapter». Les années n'ont fait aucun effet, même si elle assurait être une femme heureuse en 2022. Il semblerait que le seul coin où Vonn se sente stable et bien dans sa tête, ce soit une piste de Coupe du monde; son meilleur outil de lutte contre la dépression, comme elle a avoué à de nombreuses reprises.
Il s'est transformé un premier temps en cauchemar physique: «Je continuerais certainement à skier si j'en avais physiquement la possibilité. Mais, vous savez, on en est arrivé au point où la question est de savoir si je marcherai encore à 50 ans».
Dans un second temps, les vieux démons se sont réveillés. Fragilisée en 2022 par la déprime, une rééducation mentale de plus de deux ans s'est imposée dans la foulée de son arrêt en 2019. Il lui fallait enterrer l'éphémère de la gloire et cerner ses émotions. Elle confiait à la chaîne NBC avoir pris plusieurs années à comprendre toutes les choses qu'«elle avait en quelque sorte balayées sous le tapis toute sa vie».
Lorsqu'on parle d'un retour de l'ancienne reine de la vitesse, quelques voix qui gravitent autour du circuit évoquent une championne qui, selon les impressions, a agendé son retour pour garder la dépression à distance. Pour l'ancienne skieuse Sonja Nef, interrogée par Blick, la vie normale ne lui convient tout simplement pas, «où elle n'est pas toujours au centre de l'attention et où tout ne tourne pas autour d'elle».
Vonn confiait à Blick, en 2023, s'enfiler des médicaments pour combattre ses troubles du sommeil. Jamais bon signe. Mais pour l'Américaine, cette pause de 5 ans aux saveurs de bouée de sauvetage dans un milieu qui ne tolère pas le manque de rythme, ni le poids des années, l'euphorie d'un retour peut se figer comme glace.
Annoncée comme ouvreuse à Beaver Creek, pour les épreuves féminines, elle pourrait retrouver un dossard en compétition à St-Moritz. La fédération américaine a demandé une wild card pour les deux super-G des 21 et 22 décembre dans la station grisonne. Gageons que son sponsor autrichien lui donne des ailes pour embrasser une seconde jeunesse.