Justine Mettraux et Alan Roura sont Romands. Et puisqu'ils performent relativement bien sur le Vendée Globe, sans doute l'épreuve la plus périlleuse au monde, ils sont logiquement placés sous le feu des projecteurs. On en sait en revanche déjà beaucoup moins sur Oliver Heer, troisième suisse engagé cette année. Car outre le fait qu'il soit né au Royaume-Uni, il nous vient d'outre-Sarine et traîne depuis le départ à l'arrière de la flotte.
Si Heer n'est pas le plus connu des navigateurs helvétiques en course, une équipe l'est encore moins: Holcim-PRB. Cette dernière bat pourtant pavillon suisse et pointe actuellement en cinquième position, à moins de quatre milles de la quatrième place.
Holcim, dont le siège se trouve à Zoug, est un géant mondial du ciment et des matériaux de construction. La société a fait l'acquisition en 2022 du groupe vendéen PRB, présenté comme le plus grand fabricant indépendant de solutions de construction de pointe.
L'entreprise française est un sponsor historique de la course au large. C'est sur son bateau que Michel Desjoyeaux, alias «le professeur», a remporté son premier Vendée Globe, et que Vincent Riou s'est imposé quatre ans plus tard en 2005. C'est également sur PRB que Kevin Escoffier a frôlé la mort lors de la précédente édition, quand son IMOCA, brisé en deux, a coulé au fond de l'océan.
Une telle perte matérielle peu avant le rachat aurait pu conduire les dirigeants de la société Holcim à fuir l'univers de la voile. Or le contraire s'est produit et un nouveau projet est né, avec pour ambition de briller sur The Ocean Race et le Vendée Globe.
Or en raison des objectifs à l'international du groupe et de la puissance de l'entreprise Holcim (27 milliards de francs suisses de chiffre d’affaires en 2023, plus de 60'000 collaborateurs dans le monde), PRB est rapidement passé au second plan. Le bateau a été renommé puis repeint. Le orange traditionnel a ainsi laissé place en l'espace de cinq jours aux couleurs du géant suisse.
Il y a toutefois eu un couac. Alors que le projet s'orchestrait autour de Kevin Escoffier, le Malouin a été mis en cause dans une affaire de violences sexuelles. Les faits se seraient déroulés lors d'une escale de The Ocean Race, en mai 2023, soit environ 18 mois avant le grand départ du Vendée Globe. Un véritable coup dur pour le cimentier suisse, qui a été contrait de mettre fin au contrat d'Escoffier. Holcim a néanmoins décidé de poursuivre l'aventure et a choisi en septembre 2023 le Français Nicolas Lunven pour mener à bien le projet «Vendée Globe».
Nicolas Lunven – qui a déjà navigué sur le Léman et le lac de Neuchâtel – n'a donc eu qu'un an et deux mois pour préparer son tout premier Vendée Globe. Mais «c'était une opportunité qui ne se refuse pas», a-t-il expliqué dans une interview accordée à L'Equipe. Le skipper de 42 ans rêvait de cette course depuis longtemps, après avoir remporté la Solitaire du Figaro par deux fois et participé à plusieurs reprises à la Volvo Ocean Race.
«On a mis les bouchées doubles pour rattraper le retard», a-t-il ajouté dans cette même interview. Et le pari est semble-t-il gagnant. En tête de la flotte au large de Madère, après avoir battu le record de la plus grande distance parcourue en monocoque et en solitaire en 24 heures, Nicolas Lunven, à la lutte aujourd'hui pour la quatrième place, maîtrise parfaitement ses débuts sur le Vendée Globe. Si tout se passe correctement, il ramènera en premier un bout de Suisse aux Sables-d'Olonne, avant que ne suivent plus tard Justine Mettraux, Alan Roura et Oliver Heer.