Le record du Vendée Globe est en la possession d'Armel Le Cléac'h. Le navigateur breton a réalisé en 2016/2017 le tour du monde en solitaire, sans escale et sans assistance, en 74 jours, 3 heures, 35 minutes et 46 secondes. Un temps qu'aucun skipper n'a battu quatre ans plus tard, la meilleure performance étant pourtant systématiquement améliorée à chaque édition depuis 1997.
Huit ans donc que le record d'Armel Le Cléac'h tient. Une éternité, étant donné les stratégies toujours plus pointues adoptées par des marins mieux entraînés, et les nombreuses innovations apportées avant chaque Vendée Globe aux bateaux. C'est ainsi que le principal intéressé, Le Cléac'h lui-même, a déclaré le mois dernier, en marge du grand départ, que son temps allait être battu au retour du premier concurrent aux Sables-d'Olonne en janvier prochain.
La météo, justement. Elle n'a pas favorisé la performance durant les premiers jours de course et les marins ont été à l'arrêt à proximité des îles Canaries. Le calme régnait auparavant au cœur du golfe de Gascogne. Pas étonnant donc que Charlie Dalin ait pointé en retard. Mais la donne a changé au passage de l'équateur et les records de distance sur 24 heures se sont multipliés dans l'Atlantique Sud, grâce notamment à une dépression née au large du Brésil.
Charlie Dalin était de ceux qui allaient vite, voire très vite. Le Français est arrivé à Bonne-Espérance le premier et a établi un nouveau temps de référence pour la traversée de l'équateur jusqu'à ce cap, améliorant de 21 heures et 17 minutes la marque établie par Alex Thomson en 2016. Or le Britannique, revenu aux Sables-d'Olonne seulement 15 heures après Le Cléac'h lors de cette édition, signant au passage la deuxième meilleure performance de l'histoire du Vendée Globe, a conservé son record Les Sables-Bonne-Espérance réalisé il y a huit ans, lorsqu'il avait Armel Le Cléac'h à ses trousses.
Dalin est donc apparu derrière au large des côtes sud-africaines, en 19 jours, 3 heures et 43 minutes, contre 17 jours, 22 heures et 58 minutes pour Thomson, et 18 jours, 3 heures et 30 minutes pour Le Cléac'h. Mais il continue de combler son retard, à la faveur d'un bateau plus adapté aux mers du Sud, comme le fait remarquer le détenteur du record, et d'une route théorique plus courte que prévu, après que la direction de course a fait évoluer une première fois cette année la Zone d'exclusion Antarctique (ZEA), étendue dans laquelle les marins ne peuvent s'engouffrer, pour des raisons évidentes de sécurité. Le périmètre a ainsi été réduit de près de 100 milles, de l’entrée de l'océan Indien jusqu'à l'archipel des îles Crozet, ce qui a donné la possibilité aux skippers d'exploiter des dépressions circulant très au Sud.
Or Charlie Dalin n'en a pas tiré un gigantesque avantage, puisqu'il n'a dépassé que d'une dizaine de milles la limite initiale. En fait, le navigateur est surtout récompensé de sa prise de risque la semaine dernière, après le passage des îles Kerguelen, lorsqu'il a joué avec la ZEA au lieu de tirer au Nord, alors qu'une sévère tempête frappait la flotte. Un pari gagnant, puisqu'il est resté à l'avant de celle-ci, poussé vers l'Est par des rafales à plus de 80 km/h. Mieux, le Français n'a pas endommagé son bateau, contrairement à son dauphin, Sébastien Simon, ayant opté pour un itinéraire similaire, mais victime d'une avarie majeure ce samedi.
Prochain checkpoint désormais, pour poursuivre la comparaison avec Le Cléac'h? Le cap Leeuwin à venir rapidement, que Dalin devrait toutefois franchir une fois encore derrière, mais de très peu (quelques heures de retard). Preuve qu'il y a match, contrairement à la précédente édition, où le skipper de MACIF Santé Prévoyance, déjà premier à ce point, affichait environ six jours de retard.
Or même si le leader de ce Vendée Globe est dans le coup au Sud-Ouest de l'Australie, il est encore trop tôt pour tirer une quelconque conclusion et savoir si oui ou non, il battra en 2025 le temps d'Armel Le Cléac'h.
«Si les conditions de vent et de mer le permettent, le record pourra être battu. Mais je peux vous assurer qu'il y a une chose qu'on ne sait pas, c'est ce qu'il va se passer», résumait encore il y a quelques jours le très avisé Hubert Lemonnier, à l'entrée des skippers dans l'océan Indien, tout en faisant référence à une certaine Mère Nature. Réponse donc en janvier prochain, quand la météo aura dicté sa loi, et pas avant.