Dans un peu moins de trois semaines, la ministre de la Santé Elisabeth Baume-Schneider annoncera le montant des primes d'assurance maladie pour l'année prochaine. Ce ne seront pas de bonnes nouvelles. Selon les premières estimations, les primes augmenteront d'environ 5% en 2025.
Les Suisses devront encore attendre avant qu'un soulagement arrive: le deuxième paquet de mesures de maîtrise des coûts dans le domaine de la santé, que le Conseil fédéral a envoyé au Parlement il y a deux ans, va devoir faire une boucle supplémentaire. Au lieu d'être traité lors de la session d'automne qui débute lundi, le dossier est repoussé à l'hiver. Selon l'Office fédéral de la santé publique, 400 millions de francs pourraient être économisés si les prix des médicaments à fort chiffre d'affaires étaient automatiquement réduits.
Des exemples isolés montrent de quelles sommes il est question: pour le traitement contre le cancer Keytruda du fabricant MSD (Merck Sharp & Dohme AG), les assureurs maladie ont dépensé environ 188 millions de francs rien qu'en 2023. Ce médicament est réputé être très efficace, c'est pourquoi il se vend très bien dans le monde entier. Les chiffres de l'entreprise de l'année dernière le montrent: MSD a généré plus de 25 milliards de dollars de chiffre d'affaires rien qu'avec Keytruda.
Ou encore le traitement contre l'arthrite Humira du fabricant AbbVie: avant Keytruda, Humira occupait la première place des médicaments les plus vendus en Suisse, mais il est désormais relégué à la neuvième place. Les caisses maladie ont pourtant dépensé près de 100 millions de francs par an pour ce médicament. Mais entre-temps, il existe huit traitements qui génèrent chaque année des coûts plus élevés pour la collectivité.
Cela se reflète dans l'évolution des coûts de ces dernières années: il y a dix ans, les trente médicaments les plus chers représentaient des dépenses totales d'un peu plus de 1,4 milliard de francs, contre environ 2 milliards aujourd'hui.
Bien entendu, l'aspect purement financier ne prend pas en compte les bénéfices pour les patients. Toutefois, les chiffres montrent que Berne possède un levier politique majeur pour freiner la hausse des primes. Le Parlement a déjà déclaré vouloir introduire des réductions de prix. Dernièrement, la commission de la santé du Conseil national a confirmé que des rabais de quantité étaient nécessaires pour les médicaments dont le chiffre d'affaires est «extrêmement élevé».
Les experts estiment qu'il est urgent de mettre en place de tels modèles. De nouveaux médicaments à fort chiffre d'affaires sont déjà sur le marché ou dans le pipeline. Si les caisses maladie doivent à l'avenir dépenser 300 millions de francs par an rien que pour les injections servant à dissoudre la graisse, cela se répercutera directement sur les primes. Les nouveaux médicaments pour la démence pourraient également peser lourdement sur les caisses, si l'on considère qu'il y a 40 000 patients potentiels en Suisse.
Pourquoi les politiques veulent-ils attendre? Premièrement, la forme exacte du modèle de suivi des coûts n'a pas encore été clarifiée. Deuxièmement, l'industrie a mis en garde contre des conséquences non calculées. C'était visiblement un argument convaincant: la commission de la santé du Conseil national a décidé à l'unanimité de «ne pas débattre de cette mesure importante avant de disposer de connaissances supplémentaires sur les questions de mise en œuvre».
Certes, la commission compte, elle aussi, sur des économies de «plusieurs centaines de millions de francs» par an. Mais d'autres questions relatives à la fixation des prix des médicaments doivent désormais être déterminées en parallèle. Pour ce faire, l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) a activé un groupe de travail avec des caisses-maladie et des représentants de l'industrie pharmaceutique afin de trouver une solution «cohérente dans son ensemble et susceptible de réunir une majorité».
L'industrie de la recherche pharmaceutique veut y faire valoir ses revendications pour une meilleure disponibilité des médicaments. Il s'agit de questions d'autorisation, mais aussi et surtout de remboursement. Et c'est là qu'ils se heurtent aux caisses d'assurance maladie – et surtout à l'OFSP, qui décide quels médicaments sont inscrits sur la liste des spécialités. Seuls les médicaments figurant sur cette liste peuvent être pris en charge par les assurances maladie.
Le secteur pharmaceutique se plaint depuis des années que ces procédures sont trop longues. Une étude d'AstraZeneca montre qu'en matière de disponibilité des médicaments, la Suisse se situe nettement derrière l'Allemagne, mais aussi derrière d'autres Etats européens comme la Hollande ou l'Italie, et risque de continuer à dégringoler. Kerstin Vokinger, professeur de droit et de médecine à l'université de Zurich, a présenté cette semaine des résultats presque opposés: de 2011 à 2022, la Suisse a été nettement plus rapide que l'Allemagne, les Etats-Unis, la France ou l'Angleterre en matière d'autorisation et de prise en charge des coûts.
Les deux études ont été publiées à moins d'une semaine d'intervalle. Elles montrent à quel point ces questions font l'objet d'âpres débats.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci