Le «géant vert» de la politique vaudoise est décédé
Daniel Brélaz est décédé dans la nuit de samedi à dimanche à l'âge de 75 ans. Le premier écologiste élu au Conseil national et syndic de Lausanne de longue date est mort des suites d'un arrêt cardiaque, annonce sa famille.
«Son décès fait suite à un arrêt cardiaque soudain, alors qu'il était hospitalisé en néphrologie pour un problème rénal», indique son fils Alexandre, dans un e-mail envoyé à Keystone-ATS.
Il ajoute qu'un problème cardiaque avait également été diagnostiqué, mais qu'il avait été considéré comme «secondaire» à ce stade, une intervention étant prévue d'ici mi-janvier.
Une cérémonie commémorative sera organisée en sa mémoire à la Cathédrale de Lausanne, ajoute son fils. La date et l'heure de la cérémonie seront communiquées ultérieurement.
Un mathématicien devenu écologiste
Né le 4 janvier 1950 à Lausanne, Daniel Brélaz est diplômé en mathématiques de l'EPFL en 1975. Devenu enseignant, il tombe dans la marmite de la politique par le biais de l'écologie: en 1975, il s'engage dans le Groupement pour la protection de l'environnement à Lausanne, à l'heure du combat contre la construction d'une centrale nucléaire à Kaiseraugst (AG).
En 1979, à moins de trente ans, il est le premier écologiste élu au Conseil national, et même le tout premier écologiste au monde à siéger dans un parlement national.
Il conserve ce mandat jusqu'en 1989, date à laquelle il est élu à l'exécutif de Lausanne. Son long engagement municipal débute juste après la chute du mur de Berlin et la perte de la majorité par les radicaux. Il prendra la tête des Services industriels pendant douze ans.
Un syndic à la tâche colossale
En 2001, à la faveur d'un affaiblissement du PS, le résident de Montblesson, localité située sur la commune de Lausanne, obtient la syndicature. Une nouvelle première pour les écologistes lors d'une élection directe dans une ville suisse.
A la tête des finances, le mathématicien doté d'une mémoire d'éléphant s'attelle au redressement de la situation budgétaire de la ville et à l'assainissement de la caisse de pension. Il lutte aussi contre la dette faramineuse de la capitale vaudoise.
Son ère sera marquée par le lancement de grands projets. Lausanne, citée du «tout à la voiture», développe fortement les transports publics. La réalisation du m2, avec Olivier Français, remporte un succès sans précédent, tandis que les projets de tram et du m3 sont aussi mis sur les rails.
En matière d'urbanisme également, le projet Métamorphose qui prévoit un écoquartier aux Plaines du Loup, des infrastructures sportives et des éoliennes dans le Jorat, est lancé en 2006. Il sera remanié après coup. Autres points forts, le virage vers le développement durable et l'essor pris par Lausanne comme capitale du sport.
Des remous à la tête de Lausanne
Le «géant vert» connaît aussi des revers. Après avoir malencontreusement affirmé en 2012 qu'il allait chasser les dealers de la ville en un an ou deux, il a dû déchanter. En 2008, le peuple dit «niet» au projet du Musée cantonal des Beaux-Arts à Bellerive qu'il avait soutenu.
En 2014, c'est le fiasco pour la Tour Taoua à Beaulieu soutenue par la Municipalité. Le city management, une taxe qu'il voulait imposer aux commerçants de la ville, réunit tout le monde contre lui.
Sa plus grande déconvenue est probablement liée aux élections de 2011 où il arrive en avant-dernière position, alors qu'il avait toujours été très bien élu. Après cette sanction populaire, l'écologiste lâche les finances pour la culture. «C'est incontestablement une défaite, peut-être due à mon double mandat», observait-il alors.
La locomotive électorale Daniel Brélaz n'a, en effet, eu de cesse de faire des allers et retours au Conseil national: de 1979 à 1989, de 2007 à 2011 et enfin de 2015 à début 2022, faisant languir ses viennent-ensuite. C'est un accident domestique, cause d'un traumatisme crânio-cérébral, qui lui fera céder sa place peu avant la fin officielle de son mandat.
Son look était reconnaissable
L'ère Brélaz aura aussi été marquée par la dégaine improbable du syndic de 180 kg. Entre 2013 et 2014, tout le monde s'est inquiété de le voir fondre à 90 kg lors d'un régime dont les médias ont largement parlé. Il récupérera quelques dizaines de kilos par la suite. Autre marque de fabrique, sa fameuse cravate à chat, dont un exemplaire se trouve au Musée historique de Lausanne.
Si l'homme a parfois été perçu comme arrogant, il n'était pas avare d'informations sur sa vie privée, tout comme sa femme Marie-Ange rencontrée dans le bus numéro 7. «Je me suis prêté au jeu au nom du principe de transparence. Je suis peut-être allé trop loin, mais j'assume», déclarait-il.
Tristesse chez les Verts
Le parti des Vert-e-s vaudois s'est dit choqué à l'annonce du décès subit de Daniel Brélaz. La présidente du parti cantonal, Rebecca Joly, a indiqué:
Membre fidèle et régulier des Vert-e-s, maniant humour et autodérision, Daniel Brélaz «avait toujours un avis construit et éclairé sur tous les sujets de débats, faisant parfois valoir sa carte de »vieux sage« qu'il n'avait pas usurpée», rappelle la cheffe de parti à l'agence de presse Keystone-ATS.
Il incarnait parfaitement la philosophie des Vert-e-s vaudois: c'était une star du mouvement et pourtant toujours accessible et prêt à donner des conseils aux jeunes, se rappelle-t-elle, citant sa propre expérience à son arrivée dans le parti. Elle ajoute:
Les Vert-e-s sont en pensées avec sa famille.
Le syndic lui rend hommage
Le syndic de Lausanne Grégoire Junod a appris avec «beaucoup de tristesse» le décès de Daniel Brélaz, son prédécesseur à la tête de la capitale vaudoise. Il a notamment salué «la vivacité d'esprit» d'un homme qui a «profondément marqué» la politique suisse et lausannoise.
Contacté par Keystone-ATS, Grégoire Junod salue aussi «la longévité» de celui qui a vécu une carrière politique de 43 ans, dont 26 à la Municipalité de Lausanne et quinze en tant que syndic.
Disant avoir «beaucoup appris» à ses côtés, Grégoire Junod parle d'un «précurseur» tant au niveau suisse que lausannois. L'actuel syndic relève que Daniel Brélaz a porté Lausanne dans «une époque de modernité», citant en exemple la création du métro m2 dont il est «l'un des pères».
Personnage «unique»Grégoire Junod cite également le lancement du projet Métamorphose ou encore l'arrivée du développement durable à l'agenda politique lausannois.
Daniel Brélaz était un personnage «unique», de par son physique, son humour et «son esprit cartésien», poursuit Grégoire Junod. Il ajoute:
Le socialiste relève encore que Daniel Brélaz n'avait «pas peur des confrontations, et même qu'il aimait ça». Il précise toutefois que le géant vert était doté «d'une grande capacité de dialogue», qu'il était «toujours à la recherche de compromis.»
(joe/ats)
