La dernière fois que j'ai visité l'Oberland bernois, c'était en 2021, pendant le Covid. Les touristes internationaux y étaient absents et une banque suisse encourageait le tourisme intérieur. J'ai profité de cette opportunité pour monter au Jungfraujoch. C'était une journée ensoleillée de rêve dont je me souviens bien, tout comme de la magnifique promenade jusqu'à la cabane du Mönchsjoch. Le nombre de visiteurs était agréable et gérable.
De retour récemment dans l'Oberland bernois pour un court séjour, j'ai immédiatement constaté, à la gare de Spiez, que le tourisme international était de retour. A la gare d'Interlaken Ost, je me suis rapidement senti comme le représentant d'une minorité européenne au milieu d'une masse de touristes asiatiques. «Vous allez à Zurich?» a demandé l'un d'eux à la conductrice du car postal de la ligne 311 en direction d'Iseltwald, où je souhaitais prendre le bateau, malheureusement annulé en raison d'une panne technique. Elle a répondu par la négative avec un calme stoïque, manifestement habituée à ce genre de questions.
A quelques mètres seulement de la place du village d'Iseltwald, une grande foule m'a interpellé. Il s'agissait de Coréens et de Coréennes qui s'étaient rassemblés devant le fameux embarcadère sur lequel avait été tournée une scène clé de la série sud-coréenne de Netflix «Crash Landing on You».
Un petit happening dans un cadre lacustre idyllique, qui a un fond tout à fait sérieux, comme je suis sur le point de l'apprendre. Car cette scène clé du film symbolise la réunification de la Corée du Sud et de la Corée du Nord.
Un tourniquet a été installé avec un droit d'entrée de 5 francs. Mais ceux qui ont voyagé de la Corée à Iseltwald ne se laissent pas dissuader par cette taxe pour prendre une photo dans ce lieu symbolique. Il s'agit d'une participation aux frais «pour entretenir l'environnement et permettre aux visiteurs de vivre une belle expérience», précise la commune sur un panneau d'information. Des couples s'embrassent et s'enlacent sur la passerelle. A chaque photo, la foule applaudit.
De retour à Interlaken, nous partons à la recherche d'un restaurant. Si vous aimez la cuisine asiatique, vous serez bien servi à Interlaken. Néanmoins, de nombreux touristes font l'effort de découvrir la cuisine locale, et cela implique outre les saucisses à rôtir et autres röstis, la fondue. Cette dernières semble être u incontournable les caquelons sont disposés sur les tables. Même si certains l'accompagnent de bière.
Le lendemain, je prends le train d'Interlaken pour la vallée de Lauterbrunnen, bondé. Le nouveau parc de stationnement Park & Ride Matten, ouvert en décembre dernier, est encore largement vide; il peut accueillir 207 voitures et 36 autocars. En principe, c'est une bonne chose pour soulager les routes de la vallée du trafic motorisé. Toutefois, on ose à peine imaginer ce qui se passe à cet arrêt lorsque le parking est plein. Lauterbrunnen est déjà animé comme une ruche. Ici, il faut changer pour prendre le car postal pour Stechelberg, d'où le téléphérique Schilthorn nous emmène à Mürren.
Les travaux pour le nouveau «Schilthornbahn 20XX » battent leur plein à la station de la vallée. On fait déjà de la publicité avec des superlatifs: le téléphérique le plus raide du monde avec une pente de 159,4 % — ouvert 365 jours par an, même par vent. La station de la vallée ressemble à un terminal, similaire à la nouvelle V-Bahn à Grindelwald.
En ce qui concerne le nombre de visiteurs, la population locale est à sa limite, explique Christoph Egger, directeur de la Schilthorn-Bahn et originaire de Grindelwald, lors d'une conversation avec des journalistes à Mürren. Il estime que la montagne ne doit pas être «submergée». Cependant, avec la construction du nouveau téléphérique Schilthorn-Bahn, la capacité de transport sera doublée à 800 personnes par heure. Cela semble être la quadrature du cercle.
Juste en dessous du village, un gigantesque pylône du nouveau téléphérique se dresse déjà. Techniquement fascinant, mais l'esthétique montagnarde est — pour le moins — difficile à accepter. Les cabines circuleront ici dès la fin de cette année sur la première section. Le pittoresque Mürren, avec environ 400 habitants, accueille des milliers de nuitées. Le nombre de visiteurs quotidiens dépasse de loin celui des nuitées. Mürren compte également quelques spots Instagram, pris d'assaut par des touristes. Entassés dans un wagon du chemin de fer de montagne BLM, nous nous rendons à Grütschalp, donc à la station supérieure du téléphérique qui nous ramène à Lauterbrunnen. La cabine du téléphérique est littéralement bondée.
De retour à Interlaken, je suis pensif. De nombreuses questions se posent, en particulier une: quelles sont les limites d'un tel tourisme de masse? Il est indéniable que les régions montagneuses vivent du tourisme. «Mais amener chaque année de plus en plus de personnes à la montagne ne peut pas être la solution à nos problèmes», a déclaré l'ancien conseiller national bernois Peter Vollmer en 2022, une déclaration qui ne l'a pas rendu très populaire dans la région de la Jungfrau. Mais comment peut-on sérieusement contredire cette affirmation?
Pendant des décennies, les professionnels du tourisme ont cherché à attirer les clients. Maintenant, il semble que le moment soit venu de limiter le phénomène du tourisme, également pour protéger la population locale. Le surtourisme ne concerne plus seulement des villes comme Venise, Florence, Prague ou Dubrovnik. Il a aussi frappé de plein fouet les régions montagneuses.
Il est discutable qu'une taxe d'entrée, comme celle discutée actuellement à Lauterbrunnen, limite les fréquentations. Cela génère certainement des revenus supplémentaires, mais il est peu probable que cela entraîne une diminution du nombre excessif de visiteurs — tout comme les Coréens ne sont pas dissuadés par la taxe de cinq francs pour accéder au quai à Iseltwald.
Le Tyrol du Sud italien, patrie des Dolomites mondialement connues et également envahies par le tourisme, a déjà fait un pas en avant. Un numerus clausus a été imposé pour certains hotspots, et le nombre de lits a été réduit au niveau de 2019.
Traduit et adapté par Noëline Flippe