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Zelensky à Lugano? La police suisse craint d'être dépassée

Zelensky à Lugano? La police suisse craint d'être dépassée

La conférence sur l'Ukraine à laquelle le président Zelensky devrait participer est un grand événement qui nécessitera une intervention importante de la police. Les autres secteurs des corps de police en pâtissent. Le directeur général de la police tire la sonnette d'alarme.
18.06.2022, 07:58
Stefan Bühler / ch media
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«L'Ukraine Recovery Conference» des 4 et 5 juillet à Lugano devrait être le point culminant de l'année présidentielle d'Ignazio Cassis. Le président de la Confédération espère que le président ukrainien Volodymyr Zelensky y participera en personne. Pour la Suisse, ce serait un succès au rayonnement international. Pour la police, ce serait un énorme casse-tête.

La conférence sur la reconstruction de l'Ukraine «se déroulera dans un contexte de fortes tensions internationales», comme le dit le communiqué de vendredi dans lequel le Conseil fédéral a joliment annoncé les mesures de sécurité pour Lugano. La conférence se déroule en réalité dans un contexte de guerre. Même sans Zelensky, l'événement, où des dizaines de politiciens de haut rang sont attendus de l'étranger, est une cible potentielle pour des actions politiques, voire un attentat.

Les exigences en matière de sécurité sont donc très élevées. Le Conseil fédéral a certes autorisé l'engagement de 1600 militaires au maximum et promis de prendre en charge 80% des coûts de sécurité. Et c'est l'Office fédéral de la police, Fedpol, qui évalue en permanence la situation de danger et ordonne les mesures nécessaires. Mais sur place, c'est la police cantonale tessinoise qui assure la protection des invités internationaux, soutenue par les forces de police d’autres cantons. Le nombre de policiers engagés est pour le moment tenu secret, mais il devrait y en avoir des centaines.

«Notre système de sécurité atteint ses limites»

Pas un mois ne passe sans qu'un événement international ne se produise en Suisse. En mai, c'était le WEF à Davos. En juin, c'est la réunion ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce à Genève, où des diplomates de haut rang et des ministres de l'économie se sont donné rendez-vous. En juillet, ce sera au tour de la conférence sur l'Ukraine à Lugano. Cet été sera complété par le congrès sioniste à Bâle en août avec plus de 1000 invités.

L'armée effectue certes des missions subsidiaires, mais c'est la police qui dirige les opérations des forces de sécurité. Elle surveille et protège les bâtiments de conférence et les hôtels, elle assure la protection des personnes. Dans le cas d'une secrétaire d'Etat inconnue, l'effort est gérable. Dans le cas de Zelensky, un grand déploiement de forces de sécurité est nécessaire.

Face à ces défis, le président des directeurs cantonaux de la sécurité tire la sonnette d'alarme: «Notre système de sécurité arrive à ses limites», déclare Fredy Fässler. Le nombre de conférences internationales augmente, de même que le nombre de personnes protégées par le droit international public qui ont besoin d'une protection personnelle.

«La Confédération définit le niveau de protection, les corps de police cantonaux doivent ensuite fournir les personnes et ce souvent à très court terme»
Fredy Fässler

Fedpol confirme qu'au cours des années précédant la pandémie, le nombre de personnes protégées par le droit international public qui se sont rendues en Suisse n'a cessé d'augmenter. En 2021, la deuxième année de Covid, 137 hôtes ont eu besoin d'une protection personnelle. Pour cette année, une augmentation analogue à celle des années précédant la pandémie se dessine, indique Fedpol.

Le personnel des corps de police n'est pas adapté à un pic d'activité comme celui de cet été, mais à un fonctionnement ordinaire, explique le directeur de la police Fredy Fässler:

«Contrairement à l'Allemagne, nous n'avons pas de police anti-émeute au niveau fédéral, à laquelle on peut faire appel dans des situations extraordinaires»
Fredy Fässler

Les prestations supplémentaires exigées en raison des conférences internationales ne peuvent donc pas être fournies sans faire de concessions ailleurs, dit-il.

Le canton de Lucerne en a notamment fait les frais. La police a annoncé vendredi qu'elle fermerait temporairement 22 postes de police pour cet été. En outre, le corps de police renonce dans un premier temps à la formation et au perfectionnement de ses policiers «afin de pouvoir les engager au front», explique le porte-parole Christian Bertschi. Les Lucernois ont également décidé de diminuer les contrôles de poids lourds dans les semaines à venir.

A Lucerne, les choses se bousculent. Cette semaine, le Tour de Suisse traverse le canton et une grande fête de la ville est bientôt à l'ordre du jour. Ces événements nécessitent un effort de la part de la police mais ils sont relativement faciles à gérer. En revanche, le commandement de la police lucernois a été contraint d'agir en raison des convocations de dernière minute pour la rencontre de l'OMC, la conférence sur l'Ukraine et le congrès sioniste.

Les cantons demandent à être consultés lors de la planification de grands événements

Selon les accords intercantonaux, les corps de police sont tenus d'envoyer leurs propres agents dans d'autres cantons pour apporter leur aide. Le problème est que les informations arrivent toujours au dernier moment. Il est difficile de savoir à l’avance quels politiciens de haut rang se rendront sur place et donc d’évaluer le besoin en effectifs.

Par exemple:

Le canton de Lucerne n'a été informé qu'à la fin du mois de mai sur les modifications apportées au dispositif pour la rencontre de l'OMC à Genève en juin, ce qui a bouleversé les plans d'intervention de la police et exigé une grande flexibilité de la part des policiers.

Pour le président des directeurs de police, il est clair qu'il manque de la coordination entre la Confédération et les cantons. «Bien entendu, nous continuerons à l'avenir à remplir nos obligations de droit international et à assurer toute la protection des personnes nécessaire.» Mais les cantons devraient avoir leur mot à dire dans la planification. «Cela ne peut pas continuer ainsi, sinon nous devrions mettre en place une police anti-émeute comme en Allemagne.»

La Fédération suisse des fonctionnaires de police affirme que «les interventions lors de grandes manifestations font certes partie du métier de policier, mais de nombreux corps de police fonctionnent depuis longtemps à la limite de leurs capacités. Ils peuvent à peine garantir les services de base. Des postes de police doivent donc être fermés pour assurer ces interventions à lourde charge», déclare Johanna Bundi Ryser, présidente de la fédération. L'estime pour de tels services devrait être «un peu plus grande» afin que le métier de policier reste attractif.

Traduit de l'allemand par Charlotte Donzallaz

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