Avec des tubes comme Juice, Truth Hurts et About Damn Time, Lizzo, 37 ans, compte parmi les grands noms de la pop américaine. Dans son armoire, on trouve quatre Grammy Awards. L'artiste vient néanmoins de vivre deux années mouvementées. Plusieurs de ses anciennes danseuses l'ont poursuivie en justice. Lizzo les aurait harcelées en raison de leur poids et en aurait trop exigé d'elles.
Parmi les litiges portés devant les tribunaux, il est aussi question d'agression sexuelle. Certaines plaintes ont été réglées, d'autres sont encore en suspens. La chanteuse ne peut ainsi pas prendre ouvertement position.
Comment allez-vous, chère Lizzo?
Lizzo: Très bien. Aujourd'hui, je discute avec les quatre coins du monde, jusqu'à ce que je tombe dans les pommes.
Vous jouez le rôle principal dans un biopic sur la pionnière du blues, du gospel et du jazz: Rosetta Tharpe.
Oui, Rosetta était une guitariste de talent. Un modèle pour moi. Nous venons toutes les deux de familles religieuses et nous nous sommes toutes les deux rebellées à un moment donné contre ce que la société avait prévu pour nous. Je me sens vraiment extrêmement proche d'elle.
Dans les nouveaux titres Love In Real Life et Still Bad, la guitare occupe une place marquante.
C'est vrai. Mais cet instrument n'est pas complètement nouveau pour moi. Vous auriez dû écouter Ellypseas, le premier groupe dans lequel je chantais. J'avais 19 ans et on ressemblait à The Mars Volta. On faisait du rock progressif. Je chantais, je rappais et je jouais de la flûte. À l'époque, j'étudiais la musique classique à l'université de Houston.
Un super nom pour un groupe de rock progressif.
N'est-ce pas! Plus tard, je me suis plutôt concentrée sur la soul, la pop et le gospel, mais je n'ai jamais complètement perdu de vue la guitare. Dans Juice, c'est un élément fort, et dans About Damn Time, elle renforce le caractère funky de la chanson.
Love In Real Life sonne à nouveau comme la Lizzo d'autrefois, en moins cérébral.
Jouerez-vous de la guitare en live?
Oui, cela m'est déjà arrivé. Je l'ai fait à quelques occasions et je me sentais plus nerveuse que jamais. Je me suis dit:
Heureusement, ça s'est bien passé. Tout le monde a adoré et je n'avais pas pris autant de plaisir depuis des années.
Vous sortez d'une période compliquée. Comment parvenez-vous à oublier vos soucis?
Si on fuit ses problèmes, ils nous rattraperont de toute façon tôt ou tard. Mon album se concentre sur ma volonté de ne pas disparaître dans l'obscurité. Mais plutôt de faire face au monde réel.
Êtes-vous une personne particulièrement résistante?
Depuis mon enfance, je suis une experte des vents contraires. J'ai toujours su transformer les citrons en délicieuse limonade et, avec le temps, j'ai appris devant tout le monde à faire de ma douleur un succès. Je ne suis pas une optimiste de circonstance, mais une optimiste de conviction. Écrire des morceaux comme Still Bad a été pour moi la thérapie parfaite - et un acte de joie quasi rebelle.
Qu'est-ce qui vous a rendu si résiliente?
La vie. Il y a tellement de raisons.
Pendant longtemps, les perspectives pour mon parcours et mes chances de réussite dans la vie n'étaient pas du tout favorables. Mais j'ai trouvé un moyen de sortir la tête de l'eau. Et maintenant que j'ai accompli tout cela - tout va s'empirer (rires).
Vous voulez parler des - hum - des défis actuels?
Oui, aussi. Et des défis auxquels on est actuellement confrontés en tant que nation. Mais je survivrai. On va tous survivre. J'ai déjà connu pire. S'imposer au début de ma carrière était bien plus difficile que de gérer les conneries hollywoodiennes qu'on me jette aujourd'hui à la figure.
«I don't need him, I need a drink», chantez-vous dans Still Bad à propos d'une idylle. Vous voulez noyer votre peine dans le champagne?
Il y a beaucoup de frustration dans ce morceau. Quand j'étais en studio, je ne me sentais pas très bien. Je voulais écrire une chanson dans laquelle je me sépare de la planète entière, pour ainsi dire.
L'alcool est-il une solution, Lizzo?
Eh bien, c'est surtout amusant de voir cela ainsi. Personnellement, il y a longtemps que je ne bois plus autant qu'avant.
Et dans Love In Real Life, vous rendez hommage à la tequila.
Oh mon Dieu, c'est vrai. Pourtant, j'ai bouleversé mes habitudes de vie. Je ne m'empiffre plus de saloperies. Je me nourris d'aliments sains, je fais beaucoup de sport, je bois beaucoup d'eau et je fais attention à ce que je regarde sur internet pour ne pas trop encombrer mon cerveau. Je vis beaucoup plus consciemment qu'avant.
Vous remarquez la différence?
Oh oui, et comment. Je suis plus patiente. Dans l'ensemble, je suis plus attentive à ce qui m'entoure. Je me sens fantastiquement bien. Et honnêtement, est-ce que je n'en ai pas l'air? (Rires.)
Vous laissez parfois votre téléphone portable à la maison?
Je ne suis pas encore assez zen pour ça (rires).
(Adaptation en français: Valentine Zenker)