On connaissait autrefois Pamela Anderson pour ses compétences de réanimation. Elle campait alors une sauveteuse dans la série télé Baywatch. Elle réussit aujourd'hui un tout autre sauvetage: le sien. Et peu de choses nous ont fait autant plaisir ces derniers mois que d'écrire sur la nouvelle PamAn et son magnifique The Last Showgirl, à la fois léger comme un rêve et profondément triste. Pas le dernier des films sur une Amérique abîmée, en somme.
Mais attaquons l'histoire par un autre bout: les femmes du clan Coppola ont une obsession claire, les paillettes. Leurs bons comme leurs mauvais côtés. L'envoûtement et le désenchantement. La réalisatrice Sofia Coppola les a déclinées sous toutes leurs formes dans Marie-Antoinette à Versailles, et dans chacun de ses autres films.
Sa nièce, Gia Coppola, lui emboîte désormais le pas avec The Last Showgirl, dont le titre dit déjà tout. Elle est la dernière de son espèce. Shelly Gardner, 57 ans, a appris le métier durant sa jeunesse à Paris. Il ne lui a pas fallu grand-chose: un corps parfait, un visage rayonnant, de la grâce et un minimum de talent en danse. Sa principale mission: porter des costumes scintillants pesant jusqu'à 30 kilos, comme s'il s'agissait des ailes d'un papillon. Et montrer allègrement sa poitrine. Une forme de burlesque sage et ultra kitsch. Pour Shelly, c'est le summum de l'élégance et du bon goût.
Depuis de nombreuses années, elle se produit à Las Vegas. Mais son spectacle, Razzle Dazzle, va s'arrêter. Trop démodé, tout simplement. Ce que le public réclame, désormais, ce sont des «artistes» qui ont l'air d'avoir 18 ans et capables de faire jongler des assiettes avec leur vagin. Pour Shelly, qui a toujours caché son existence précaire derrière son travail glamour, tout s'effondre: sa vie en dehors de la scène est aussi pathétique que Las Vegas en plein jour.
Qui d'autre que Pamela Anderson pour incarner Shelly? Dans Baywatch, elle n'avait autrefois pas grand-chose d'autre à faire que de vivre sa passion, constamment à la plage, devant la caméra. A l'époque, elle ne se prenait pas pour une vraie actrice et personne ne la considérait sérieusement comme telle. Elle représentait plutôt le trash esthétique. Comme Shelly.
Pamela Anderson confie, à propos de son premier «vrai» rôle:
Comment se sent-elle, aujourd'hui encensée par la critique? Prend-elle une revanche sur ceux qui ne l'ont pas prise au sérieux pendant tout ce temps?
Elle raconte tout cela à une poignée de journalistes venus du monde entier à l'hôtel Dolder Grand. Un rideau de strass est accroché derrière elle, une coïncidence parfaite, en cette journée quelconque et maussade d'octobre 2024. Le rire de Pamela Anderson ressemble au tintement de clochettes lumineuses.
Le Festival du film de Zurich a démarré et elle en est la superstar captivante, une femme solaire, pleine de vie, heureuse, toujours vêtue de blanc. Ses cheveux d'un blond scandinave, rappellent la petite-fille d'un émigré finlandais qu'elle est. Elle apparaît presque sans maquillage, comme quasiment tout le temps, désormais. Sauf quand Shelly monte sur scène, bien sûr.
«J'ai réalisé tout le maquillage pour la Shelly privée moi-même et sans miroir», raconte-t-elle, «je le voulais aussi brut et léger que possible. Pour les spectacles, il faut par contre, bien sûr, quelque chose de lourd, puissant et bien visible jusque dans les derniers rangs de la salle. Ces deux aspects ont été un plaisir. Pour en revenir à la question: je n'ai rien contre le maquillage, mais je me sens davantage moi-même sans».
Elle semble totalement détendue et réconciliée - avec son âge, avec le temps qui passe, avec le monde que son moi plus jeune désirait, chassait et vendait. Regrette-t-elle de ne pas avoir choisi plus tôt une voie plus sérieuse?
Assise à côté de Pamela Anderson, Gia Coppola l'adore. Elle a exactement vingt ans de moins que sa star. Timide et réservée, elle paraît encore plus jeune.
Sauf que Marilyn est morte à 36 ans. Il n'en demeure pas moins que Monroe et Anderson rayonnent avec le même éclat. Et leur voix, tout aussi lumineuses, se ressemblent étrangement.
Quelques heures avant l'interview, Jude Law déclarait dans un cinéma zurichois que les films étaient une «manifestation de nos rêves». De quoi rêvait donc Gia Coppola en réalisant The Last Showgirl? De Las Vegas, répond-elle: «J'ai toujours voulu raconter une histoire de Vegas. C'est une ville très belle et très triste. Elle donne l'impression de pouvoir réellement ressentir beaucoup d'émotions». «Oui», abonde Anderson, «Las Vegas est une manifestation de toutes sortes de rêves».
Le tournage a eu lieu dans la ville du péché. Pendant 18 jours seulement. Tous les costumes et accessoires proviennent de la revue Jubilee!, présentée pour la dernière fois en 2016, après 35 ans, sur la scène de l'hôtel-casino Horseshoe. Le matériel prenait tellement de place qu'il est resté stocké dans le théâtre désaffecté. Il ne disparaîtra que lorsqu'il faudra démolir le bâtiment pour qu'il laisse sa place à un nouveau casino. Aujourd'hui, le Horseshoe est un mausolée de sa propre gloire passée.
C'est l'artiste burlesque Dita Von Teese qui a ouvert la caverne aux trésors: soutiens-gorge en strass, ailes en soie et coiffes en plumes - pour Gia Coppola. Et qui a mis plusieurs de ses danseuses à disposition pour le tournage.
«Pour me plonger dans le rôle, je me suis concentrée sur les activités diurnes de Las Vegas: j'ai accueilli d'autres showgirls chez moi, elles m'ont raconté leurs histoires, nous sommes allées ensemble au salon de manucure, je me suis coupé les cheveux comme elles, ce genre de choses», raconte l'actrice.
Quand il faisait très froid, elle a aussi préparé une soupe de légumes avec des légumes de son jardin sur l'île de Vancouver et a distribué des chaussettes qu'elle avait tricotées. Pendant cette longue tournée de préparation pour le film, sa maison lui manque. «Ma mère m'envoie toujours des photos du jardin et de mes chiens».
Gia Coppola n'est pas seulement la nièce de Sofia, mais aussi la petite-nièce de Francis Ford Coppola. Le père du clan, le Godfather, l'homme qui incarne sept décennies de l'histoire d'Hollywood. The Last Showgirl serait-il alors aussi un film sur le cinéma lui-même? Faut-il voir dans le monde de Shelly, avec ses décors glamour et son univers artificiel de Vegas, des vestiges du vieil Hollywood? «Oui, bien sûr», répond Gia, qui reste toutefois diplomate.
Shelly a une meilleure amie prénommée Annette (Jamie Lee Curtis). Elle est alcoolique, accro aux sprays autobronzants et au jeu. Un vice fatal pour qui travaille comme «bever-tainer» dans un casino, c'est-à-dire comme animatrice vendant des boissons. Un job qui ne doit exister que dans cette ville.
Shelly elle-même n'a presque pas d'argent, son salaire dépend directement du nombre de spectateurs, en chute libre. C'est comme ça à Las Vegas, et le simple achat d'un citron la désespère. Annette, elle, est complètement sur la paille et vit dans sa voiture.
«J'avais tellement peur de Jamie Lee Curtis, elle est si puissante et venait de gagner son Oscar pour Everything Everywhere All at Once, c'est une légende» raconte Pamela Anderson. «Mais ensuite j'ai eu l'impression de la connaître depuis toujours. Elle m'a regardée, a écarté les bras et m'a dit: "OK, allons-y". Tout avec elle n'était que sororité et soutien, sincère et authentique».
Annette noie ce qu'il lui reste de dignité dans des margaritas. Sa prestation sur Total Eclipse of the Heart dans son uniforme rouge est tragique et nous plonge dans un embarras grotesque. Jusqu'à avoir honte de ce clown orange. Pourtant, c'est bien de cela dont il s'agit: Pamela Anderson a 57 ans, Jamie Lee Curtis 66, leurs nouveaux rôles - tout comme le retour de Demi Moore - dépassent toute forme de bienséance. Ils sont sauvages et merveilleux. Un renouveau des figures féminines d'âge mûr au cinéma.
«Oui», lâche Pamela, «les femmes comme nous sont pleines de couleurs. J'avais une tante, Auntie Vie, elle portait toujours des faux cils, des perruques et des perles, elle passait ses journées à cueillir des légumes. Elle a écrit A Life of Pickles and Pearls. C'était un personnage haut en couleur. C'est mon modèle pour la vie après 50 ans». Elle termine sa phrase, assise là, et une lueur colorée envoûtante semble s'élever de tout ce blanc et ce blond, tout comme des costumes étincelants de Shelly.
The Last Showgirl sort dans les cinémas romands à partir du 26 mars
(Traduit et adapté par Valentine Zenker)