Ce jeu vidéo est une «révolution»
Qu'est-ce qui distingue un bon jeu d'un jeu exceptionnel? Un bon jeu ne commet pas d'erreur majeure. Il satisfait les joueurs jusqu'à ce qu'ils dénichent le prochain bon jeu.
Il en va autrement des jeux exceptionnels. Ils peuvent se permettre des erreurs, même grossières. Car ils possèdent une caractéristique unique, qui éclipse toutes les critiques. Prenez Cyberpunk 2077. Bon sang! Une maniabilité qui donne l'impression que les jeux vidéo n'ont pas évolué depuis 1992 et Wolfenstein 3D.
Qu'est-ce qui fait qu'un jeu vidéo est mémorable?
Pourtant, Cyberpunk 2077 est exceptionnel. Pourquoi? À cause de son atmosphère. L'ambiance apocalyptique fiévreuse de Night City est tellement intense, tellement dense, qu'elle fait oublier les critiques (justifiées) concernant le gameplay et la maniabilité.
Ghost of Tsushima avait lui aussi quelques défauts en 2020. Cela relève peut-être du détail, mais le jeu était répétitif. Poursuivre des renards encore et encore, débusquer des camps ennemis, grimper, ah, un sanctuaire, cool, suivant. Et l'histoire? Elle était plutôt fade.
Mais Ghost of Tsushima avait aussi cette caractéristique unique, cette chose qui éclipsait tout le reste, jamais un jeu en monde ouvert n'avait été mis en scène de manière aussi pittoresque.
«Pittoresque», un euphémisme. La réalisation visuelle de Tsushima était presque poétique. Les forêts, une abondance de fleurs, les conditions météorologiques, le sang dans la neige... la manière dont l'herbe se balance au vent – un game design digne de Caspar David Friedrich.
Ghost of Tsushima constituait de loin le plus beau jeu en monde ouvert de son époque. Le développeur Sucker Punch a d'ailleurs remporté de nombreux prix avec ce jeu.
Une histoire à la Tarantino
Le 1er octobre, place enfin à la suite de ce jeu mythique, Ghost of Yotei. Les fans du Japon le savent, le Yotei-zan est un volcan situé sur l'île septentrionale d'Hokkaido (aussi appelée Ezo au 17e siècle).
À l'ombre du volcan, la petite Atsu assiste au massacre de sa famille par le gang Yotei Six, digne d'un film de Tarantino.
Elle-même survit miraculeusement. Après des années d'exil, Atsu revient en femme aguerrie pour se venger des membres du Yotei Six. Voilà pour le décor.
Oh non, pas du Disney...
Le jeu commence toutefois avec beaucoup d'éléments familiers. Atsu chevauche un destrier à travers une magnifique prairie parsemée de fleurs. Devant elle, des grues s'envolent, à côté d'elle, un troupeau de chevaux sauvages, puis un cerf majestueux dans une forêt.
Le teaser du jeu qui sortira début octobre sur PS5 👇
Tout cela est à nouveau splendide, encore plus romantique que dans le précédent opus, encore plus dramatique.
Les premiers combats sont également dignes d'une version Tsushima 2.0, ils ressemblent davantage à un ballet qu'à une bagarre de bar enfumé. Ceux qui ont aimé Tsushima se sentiront immédiatement à l'aise dans Yotei.
Mais après avoir vu passer une dizaine de vols d'oiseaux au-dessus d'un troupeau de chevaux sauvages, je commence à avoir le sentiment que Sucker Punch s'est contenté de mettre en avant les points forts de son précédent jeu – exagérant un peu avec le yumi (arc long). Je dis à mon voisin:
Voilà mes premières impressions après quelques heures d'essai. J'en rajoute:
Soyons un peu plus indulgents. Les premières heures de Ghost of Yotei donnent l'impression de revenir à la maison. Les combats au katana (sabre) exigent toujours autant de patience et de précision.
Ceux qui se contentent d'appuyer frénétiquement sur les touches mordront bientôt l'herbe grasse d'Ezo. La nouveauté réside dans le fait que certaines attaques d'adversaires peuvent désarmer Atsu. Comme dans Tsushima, Yotei montre que la force réside dans le calme.
Le décor du dernier-né rappelle également fortement celui de son grand frère, même si nous nous trouvons 400 ans plus tard.
Laissez-moi kiffer les paysages
Il existe désormais des sortes de routes fleuries qui permettent d'aller plus rapidement à cheval. Une absurdité totale à mes yeux. Ces décors sont là pour qu'on les apprécie. C'est seulement au trot que l'on rendra justice à la beauté des falaises sauvages, des steppes et des paysages montagneux d'Ezo.
Cavaler dans ces décors, c'est un pur bonheur
L'aide des animaux n'est pas nouvelle non plus. Le renard s'est transformé en loup. Ici non plus, rien n'est imposé par la force, mais il existe de petites différences subtiles.
Alors qu'on pouvait simplement caresser (tapoter) le premier, une relation se développe lentement entre le loup et Atsu dans Yotei.
Je ne m'en aperçois toutefois que plus tard, lorsque je suis déjà équipé de plusieurs armes et que je réalise à quel point l'excellent système de combat de Tsushima a été perfectionné. Des changements comme distillés petit à petit.
Au cours de ses aventures dans le jeu, Jin avait appris différentes techniques de combat. Cela permettait aux joueurs de s'adapter aux types d'adversaires. On a conservé l'idée selon laquelle leur diversité nécessitait des moyens variés.
Il faudra adapter ses attaques à ses adversaires
Des armes, beaucoup d'armes
Mais au lieu d'apprendre des techniques, Atsu acquiert au fil de l'histoire tout un arsenal d'armes de combat rapproché, à distance et à tir rapide. On en dénombre cinq au total.
Le katana, le double katana, l'odachi - une épée à deux mains, la yari - une lance, et une chaîne avec une faucille et un poids aux extrémités, le kurasigama.
Pour les affrontements à distance, Atsu dispose d'un arc court et d'un arc long, mais aussi d'un fusil, le tanegashima. Et comme si cela ne suffisait pas, notre héroïne a également des armes rapides avec des couteaux de lancer, des bombes et un pistolet.
Plus le temps de rigoler
Parallèlement à ces armes redoutables, diverses techniques de furtivité et d'assassinat ont fait leur apparition. Atsu peut désormais commettre des assassinats silencieux à distance.
La gamme complète permet aux tanks, aux adeptes des armes à distance et aux assassins sournois d'y trouver leur compte.
Le jeu prend son envol avec le temps
Peu à peu, la mayonnaise prend. Après environ dix heures, je dois reconnaître m'être d'abord trompé. Ghost of Yotei commence à la manière d'un Ghost of Tsushima 2.0. Mais il évolue ensuite de plus en plus vers un titre à part entière.
On peut parler d'une évolution, voire d'une révolution. Car le jeu va encore plus loin dans pratiquement tous les domaines. Pas avec une force brutale, mais comme si on avait procédé avec une lame fine.
Prenons le personnage principal. Oui, j'aimais bien Jin aussi. Mais à choisir, je préférerais aller boire un saké avec Atsu. Non pas parce que c'est une femme, mais à cause de son humour.
Ghost of Yotei, c'est aussi des punchlines
Elle lance des commentaires acerbes avec autant d'aisance qu'elle lance des couteaux. Plusieurs fois, j'éclate de rire.
Et Atsu a du cœur, quand Jin était un peu trop inaccessible à mon goût. Son évolution est nettement plus intéressante que celle de son prédécesseur.
Elle n'a toujours connu que la brutalité. Mais c'est justement lors de sa vendetta qu'elle doit quitter sa zone de confort, la guerre, et affronter les aspects moins violents de la vie.
Les dialogues ravissent
On sent que beaucoup de temps, d'efforts et même ont été consacrés aux dialogues. Les personnages non-joueurs se distinguent clairement par leur caractère et leur apparence, et donnent une impression de nouveautés des tâches à chaque instant.
La conception des niveaux ainsi que les quêtes secondaires vont dans le même sens. Je n'ai jamais vu autant de diversité.
Traquée, Atsu a régulièrement de la compagnie. Elle combat dans des batailles et des guets-apens, sous des tirs de canon, sur un pont en feu, dans une grotte de stalactites, dans de la grosse neige, dans une forêt de bambous, le long des falaises... Des décors, il n'y a pas d'autre mot, à couper le souffle.
Oui, des aurores boréales avant un combat sanglant
Les décors sont splendides
Ma crainte d'un kitsch à la Disney s'estompe de plus en plus au fur et à mesure que je progresse dans le jeu. En partie parce que Sucker Punch en a effectivement un peu trop fait dans la première zone (Yotei est à peu près aussi grande que Tsushima).
Et là, on peut se répéter sans hésiter à propos du premier jeu, jamais un monde ouvert n'avait été aussi pittoresque et majestueux. D'autres superlatifs viennent en revanche, je ne me souviens pas d'un aussi bon équilibre.
Chaque combat fait plaisir. Et si Atsu se fait avoir, ce n'est pas grave. On peut retenter le coup et mettre une raclée à l'adversaire, peut-être avec une autre stratégie.
Il en va de même pour le souci du détail. Si une patrouille élimine quelqu'un, il n'est pas nécessairement envoyé dans l'au-delà. Les sbires du grand méchant Saito veulent parfois donner l'exemple, ce qui peut alors leur être fatal.
Le yari et les autres armes peuvent être améliorées
Le meilleur jeu vidéo auquel j'ai joué
Au plus tard au milieu du deuxième acte (sur trois qu'en compte le jeu), la magie opère. Pour la première fois, je me demande si ce n'est pas le meilleur jeu vidéo auquel j'ai jamais joué.
Seul un rebondissement vraiment atypique et maladroit, qui tente de remettre du piment dans l'histoire d'Atsu, vient contredire cette hypothèse.
Mais cette irritation s'estompe rapidement dans la bataille à la Kurosawa. À ce propos, ceux qui le souhaitent peuvent sélectionner un filtre qui imite le style visuel des films du célèbre réalisateur japonais.
Bien sûr, plusieurs doublages sont également disponibles. En tant que puriste amateur, j'ai commencé par le japonais. Mais lire en bas et me battre en haut m'a rapidement semblé trop confus. Je craignais aussi de passer à côté de trop nombreux commentaires pertinents d'Atsu.
J'ai passé 48 heures en mode «moyen». Après 44 heures, le générique s'est mis à défiler. Pour que cet article soit prêt à la fin de l'embargo presse, j'ai dû laisser de côté les quêtes secondaires et les moments calmes vers la fin.
Ce n'est pas ainsi qu'il faut profiter du jeu. Pas en regardant l'horloge tourner, mais plutôt comme on dégusterait un whisky japonais. Tranquillement, avec sérénité et le cœur ouvert.
Comme au cinéma
Une telle expérience ne peut se raconter
J'ai dû omettre beaucoup de choses dans cette critique. J'aurais pu approfondir au sujet du gameplay, des arbres des talents, des améliorations des armes, des quêtes individuelles. Une chose doit malgré tout être claire: Ghost of Yotei est exceptionnel.
Une fois de plus, il a cette caractéristique unique. Mais en termes de soin du détail, d'étendue, de maniabilité et de conception des personnages, le jeu atteint également des sommets vertigineux.
Son point faible est ce que j'ai mentionné au sujet de l'histoire principale. Voilà. Et parfois, le point d'ancrage pour les conversations avec les PNJ est difficile à trouver. Mais c'est tout.
Ghost of Yotei est-il vraiment le meilleur jeu auquel j'ai jamais joué? Pas facile de répondre à cette question. Mais en disant «peut-être» ou même «c'est fort possible», je ne mens certainement pas.
Ghost of Yotei sortira le 2 octobre sur Playstation 5.
Adaptation en français: Valentine Zenker