Vous aussi, vous avez déjà digéré le dernier album de Lady Gaga à la manière et à la vitesse d’un Big Mac? Calmons-nous, Mayhem n’est pas mauvais, mais il coche toutes les cases d’une aventure balisée et réconfortante. Un doux péché nostalgique, un cheatmeal sécurisant, avec ce qu’il faut de glucides pour croire que l’on sera calé jusqu’au suivant.
A l’inverse, Miley Cyrus, surtout depuis le couronnement d’Endless Summer Vacation en 2023, nourrit notre gourmandise avec un slow food à contre-courant et en constante évolution. A l’image du tube revanchard Flowers, sa pop organique, désarmante, dénudée et presque has-been nous avait attrapé la gorge par surprise. Une fausse impression de naïveté ensoleillée, parfaite pour sécher ses larmes au volant d’une vieille Porsche 911 décapotée sur les routes californiennes, qu’elle balaie cette semaine avec un étrange plat de résistance: Something Beautiful.
Miley Cyrus a beau jurer dans la presse américaine que son 9e album n’est «qu’un apéritif», nous voilà aux prises avec une cargaison de protéines rassasiantes. A 32 ans, l’enfant des écrans d’Hollywood, qui aurait très bien pu vivoter sur les cendres d’Hannah Montana ou continuer à cogner les hit-parades à califourchon sur sa Wrecking Ball, dévoile une ambition qui n’est pas très à la mode chez les baby stars: grandir à son rythme, sans abandonner ses fringues de diva dans un placard.
Something Beautiful a été conçu comme un opéra pop-rock, habillé par les pièces 90’s de Thierry Mugler. Un projet gigantesque qu’elle rêvait de dégainer en comédie musicale et qui atterrit finalement sous la forme d’un album dense et d’un film prévu pour le mois prochain.
En s’entourant d’une flopée de héros de la musique indépendante, Miley Cyrus a une furieuse envie qu’on la prenne au sérieux. Coproduit par Shawn Everett (qui a bossé pour The Killers ou encore Weezer), ce neuvième album est d’abord la preuve que la trentenaire a un défaut rare: vouloir (et savoir) tout faire, et notamment avec sa voix, handicapée par un œdème de Reinkex. Aussi crédible dans la peau de la fille de l’Amérique country qu’à poil sur un boulet de démolition, Miley Cyrus se sent aujourd’hui suffisamment solide pour s’affranchir des codes binaires de la pop.
Murs de guitares, torsions mélodiques, petites bulles jazzy, sprints expérimentaux, grandes envolées à paillettes, l’Américaine se montre audacieuse sans jamais cracher sur sa force de frappe populaire. Le morceau Something Beautiful, qui hésite entre la soul crémeuse et la frappe industrielle dissonante, est peut-être le meilleur indice de l’itinéraire qu’elle risque d’emprunter à l’avenir. Confiante et fragile à la fois, heureuse et nuageuse, généreuse et complexe, provoc’ et attendrissante, sexy et introvertie, Miley Cyrus n’a plus envie de choisir et rêve de vieillir comme un bon film ou un bon vin.
Si tout cela parait parfois un peu brouillon, Something Beautiful est une grande réussite. Et c’est sans doute le prix à payer pour ne pas pourrir sur un boulevard doré de Beverly Hills.