«Oh non, encore?» J'entends votre soupir d'ici. Mais oui, le rejeton le plus bruyant de la royauté britannique est bel et bien de retour avec une nouvelle série sur Netflix. (Accrochez-vous, le contrat à 120 millions en prévoit d'autres.) Cette fois-ci, en revanche, pas de secrets de famille exposés sur la place publique ou de critiques acides contre une institution millénaire. Le duc l'a bien compris: il doit changer de disque. Vendre plus de «Harry», et moins de «prince».
Voici donc Invictus Games: les médailles de la résilience dont le titre, avouons, donne aussi peu envie qu'un gros plat de jelly à la framboise.
Le pitch? L'entraînement de six vétérans militaires pour l'édition 2022 des «Invictus Games». Pour rappel, cet «évènement mondial» qui se tient tous les deux ans, a été «fondé par le prince Harry» (dixit Netflix) en 2014 et met en compétition plusieurs centaines d'anciens militaires blessés. Un moyen pour ces hommes et femmes de reprendre le chemin de la vie «normale» après la guerre.
Les Invictus Games est l'un des projets les plus personnels du prince, lui-même vétéran d'Irak et d'Afghanistan - et l'un des rares patronages qu'il a conservés après son départ de la famille royale, en 2020.
Soyons honnêtes: jusqu'à présent, attirer les foules avec autre chose que des potins royaux n'a pas vraiment été le fort du duc. Qui se souvient de Live to Lead («Des vies à mener: Leaders dans l'âme», dans sa version française), le documentaire sirupeux produit par les Sussex consacré à des «personnalités inspirantes», et dévoilé seulement quinze jours après leur retentissante série Harry & Meghan, en décembre dernier? Personne.
Il est temps de donner au prince Harry une chance de parler d'autre chose que lui-même.
C'est mal parti.
Quatre minutes après le lancement, Harry apparaît, bien calé dans un fauteuil de son domaine californien. L'intervieweur lui demande de se présenter. En guise de réponse: un simple «Harry» et un sourire gêné.
Et que fait-il dans la vie, «Harry»? Toujours en évitant soigneusement de mentionner son sang bleu ou la Firme diabolique qui l'a vu naître, le duc énumère: père de deux enfants, propriétaire de plusieurs chiens, mari (oui, dans cet ordre-là), et, surtout, parrain fondateur des Jeux Invictus. Notre sujet du jour.
Il faut reconnaître que les participants de cette fresque sur le retour au quotidien après des mois sur le front sont passionnants. Musique dramatique, plans esthétiques, trajectoires personnelles poignantes: pas de doute, Netflix sait y faire. Sauf que le message se retrouve un peu brouillé, éclipsé par la présence récurrente de «Harry», la star dont le passé royal plane en fond.
A ceux qui craignent un documentaire jalonné d'apitoiements princiers, navrée de vous décevoir: on n'y coupe pas. Harry ne serait pas Harry sans quelques soupirs, confortablement installé au fond de son canapé (d'ailleurs, pour les curieux, le documentaire offre un aperçu inédit des pièces du manoir de Montecito, dont un bureau de très bon goût).
Entre deux témoignages de soldats privés d'un bras ou d'une jambe, et quelques conseils LinkedIn sur la résilience, le prince éploré parvient même à envoyer une pique à peine voilée à sa famille, lorsqu'il évoque son retour d'Afghanistan, en 2012:
«Hélas, comme beaucoup, lorsqu’on envisage de suivre une thérapie, c’est quand on est allongé sur le sol en position foetale, en regrettant de ne pas avoir réglé le problème plus tôt», soupire encore le duc de Sussex.
Et évidemment, au moment d'aborder la question des traumas antérieurs à ceux de la guerre, il serait impensable pour le prince de ne pas mentionner sa mère, Lady Diana, décédée dans un accident de voiture quand il avait 12 ans. Un thème récurrent sur lequel Harry ne peut s'empêcher de revenir, encore et encore. «J'étais incapable de pleurer, incapable de ressentir», affirme-t-il dans un épisode. Sortez les mouchoirs.
Quant à Meghan (autre thème incontournable), la duchesse de Sussex se limite à quelques apparitions fugaces tout au long des cinq épisodes. Une apparition vaporeuse et glamour, en robe de bal rouge, soutien indéfectible et discret.
Tentative de validation et de guérison, la série Heart of Invictus est bourrée de bonnes intentions. Mais aussi la preuve cruelle que le rôle de «Harry» est plus difficile et moins vendeur que celui de «prince». Pas grave, il y aura d'autres tentatives. Il paraît que l'entraînement est l'une des vertus du sport.