On a longtemps considéré Marjorie Taylor Greene comme la représentante typique des théories du complot les plus farfelues – par exemple des canons laser juifs venus de l'espace – et d'une loyauté aveugle envers Donald Trump. Mais la représentante de l'Etat de Géorgie a trouvé plus forte qu'elle en la personne de Laura Loomer, une journaliste de 32 ans originaire de Floride. Mieux encore, les deux femmes sont engagées dans une joute verbale acharnée.
C'est la position des Etats-Unis dans le conflit au Proche-Orient qui a déclenché leur violente dispute. Marjorie Taylor Greene a qualifié l'action de l'armée israélienne à Gaza de génocide. Ce qui a mis Loomer, qui se décrit comme une «Juive fougueuse» et une «islamophobe fière», hors d'elle.
«Fougueuse», est à n'en pas douter l'euphémisme de l'année. Loomer accuse publiquement Marjorie Taylor Greene d'avoir fait des fellations dans une salle de sport et lui balance:
Elle n'hésite pas non plus à viser d'autres figures de proue du mouvement MAGA, en particulier lorsqu'elles s'opposent aux intérêts d'Israël. Tucker Carlson en a d'ailleurs fait les frais. Elle l'a traité d'«hypocrite» et d'«horrible personnage». Elle a également tenté de révéler l'homosexualité du sénateur Lindsey Graham (Caroline du Sud), célibataire et influent.
Parallèlement, Laura Loomer n'hésite pas à avancer les théories du complot les plus abstruses. Elle défend ainsi la thèse selon laquelle l'attaque du World Trade Center du 11 septembre 2001 était un «inside job», c'est-à-dire orchestrée par les services secrets américains – salut, Daniele Ganser – et elle admire Roy Cohn, l'ancien avocat d'un certain Joseph McCarthy. Elle a déclaré sans sourciller à The Atlantic: «Joseph McCarthy avait raison. Nous devons lui rendre sa grandeur». Trump a lui aussi fait appel aux services de Roy Cohn dans sa jeunesse.
Ses opinions extrêmes ont valu à Loomer beaucoup d'ennuis. Elle a été bannie de la plupart des réseaux sociaux – même si elle peut désormais à nouveau publier sur X – et n'a plus le droit d'utiliser ni Uber ni Lyft. Mais il y en a un qui reste totalement indifférent, le président des Etats-Unis:
Elle est en fait bien plus que «quelqu'un de sympathique». Comme elle semble murmurer à l'oreille du président, certains la considèrent comme l'une des personnalités les plus influentes à Washington. Cette situation suscite l'incompréhension générale. Charlie Sykes, un commentateur politique très en vue, l'explique au Financial Times:
Le chef d'Etat n'écoute pas seulement la femme fougueuse, il suit également ses conseils. Lors de la publication de vidéos montrant des petits Gazaouis évacués vers les Etats-Unis pour y recevoir des soins médicaux, Laura Loomer a déblatéré sur une «invasion islamique». Et l'opération a été immédiatement suspendue.
La complotiste peut par ailleurs se targuer d'avoir fait tomber toute une série de personnalités importantes. Parmi elles, des militaires de haut rang, comme Timothy Haugh, l'ancien chef des services secrets (NSA). Le président a licencié ce général très respecté parce que Loomer lui avait susurré qu'il était «woke».
Responsable des vaccins et des thérapies géniques à la Food and Drug Administration, Vinay Prasad a également dû démissionner à cause de Laura Loomer. Il a toutefois pu reprendre ses fonctions depuis. Signalons cependant que les attaques de la trentenaire ne fonctionnent pas toujours. La ministre de la Justice, Pam Bondi, par exemple, est toujours en poste, bien que Loomer ait demandé sa démission après l'échec du dossier Epstein.
Elle a commencé sa carrière de journaliste chez Project Veritas, une organisation de droite spécialisée dans les investigations contre la gauche. La jeune femme s'est en outre frottée à la politique. Elle s'est présentée et a échoué deux fois en Floride pour un siège à la Chambre des représentants.
Ses contacts avec Trump ne remontent qu'à 2023. Celui-ci l'avait alors félicitée pour son travail contre une campagne de Ron DeSantis. Le gouverneur de Floride espérait alors accéder à la Maison-Blanche. Laura Loomer a été invitée à Mar-a-Lago dans la foulée, et immédiatement engagée pour la campagne de Trump en 2024. Elle travaille désormais comme consultante. Et ne révèle pas qui la fait vivre. «Je travaille avec plusieurs milliardaires. Ils me paient pour mes analyses politiques».
Dans l'aile ouest de la Maison-Blanche, où travaille l'équipe présidentielle, on déteste la journaliste. Personne ne sait contre qui elle s'apprête à comploter ni pourquoi. D'ailleurs, elle s'en fiche:
Traduit et adapté par Valentine Zenker