Les bunkers sont à la fois un symbole de pouvoir et de faiblesse. Ils représentent le refuge des tyrans, surtout lorsqu'ils se sentent acculés et que leurs empires et régimes s'effondrent en surface.
Il faudra probablement attendre la mort ou la chute de Vlaldimir Poutine pour jeter un œil à ses bunkers — comme cela a été le cas pour Kadhafi et comme c’est le cas aujourd’hui pour Assad. Vladimir Poutine est connu pour son penchant pour les bunkers. Depuis le début de la pandémie du Covid-19, il a hérité en Russie du surnom de «papi bunker», qu’il doit à ses longues semaines d’isolement dans sa résidence de Novo-Ogaryovo.
Ses palais et résidences présidentielles sont surveillés par des systèmes de défense aérienne. Un train blindé spécial constitue son moyen de transport favori. Et bien sûr, ses résidences sont équipées de bunkers sophistiqués. L’année dernière, le site d’information américain Business Insider a publié des plans de la structure souterraine qui équipe le célèbre palais de Poutine sur la mer Noire. Ces plans révèlent deux systèmes de tunnels sophistiqués qui s’étendraient sous le palais, directement le long de la côte.
Ces tunnels, entourés de béton armés, seraient reliés par un ascenseur descendant jusqu'à 50 mètres sous terre. Ils mesurent environ 40 et 60 mètres de long pour 6 mètres de large. Cela représente une surface de plusieurs centaines de mètres carrés, soit l’équivalent de deux courts de tennis. Les plans architecturaux révèlent que les tunnels sont équipés en eau potable, en systèmes de ventilation. Par ailleurs, d’autres installations permettent de subvenir aux besoins des occupants pendant plusieurs jours, voire semaines.
Une photo aérienne montre deux sorties du bunker sculptées dans la roche sous le domaine qui surplombe la mer Noire. Juste en dessous se trouve une plage, tandis que la côte est interdite d'accès et est surveillée par le service de sécurité présidentiel, le FSO.
Selon Business Insider, les tunnels pourraient également être reliés à une route permettant d'acheminer des provisions dans le complexe palatial via un ascenseur dissimulé. Michael C. Kimmage, ancien fonctionnaire du département d'Etat américain et professeur d'université, estime qu'il est probable que Poutine ait fait construire ces tunnels dans l'optique d'un éventuel combat pour sa survie.
Le chalet de Poutine, près de la station de ski prisée de Rosa Khutor, comporte également des constructions souterraines. Selon des plans de construction en possession de l’équipe d'Alexeï Navalny, la villa possède quatre étages, dont deux situés sous terre. Comme d'autres résidences, cette villa est protégée par des systèmes de défense aérienne.
Un tel système se trouve également près de sa résidence dans la région de Valdaï, ainsi qu'à proximité de sa résidence officielle à Novo-Ogaryovo. A Moscou, des systèmes de défense aérienne ont été installés sur les toits des bâtiments publics:
Et apparemment, il craint également pour sa sécurité lorsqu'il profite des commodités de ses palais.
Mais Vladimir Poutine n'est de loin pas le premier à s'offrir des systèmes de bunkers étendus. L'histoire montre que plus un dirigeant devenait paranoïaque, plus il faisait construire de bunkers.
La famille Assad n'est pas en reste. La dynastie n'a pas seulement dépensé son argent pour se vautrer dans le luxe, elle s'est également préparée à toutes les éventualités. Sous le palais de Maher al-Assad, le frère du dictateur syrien déchu, un gigantesque réseau de tunnels a été découvert — incluant un bunker nucléaire.
Pendant 54 ans, la famille Assad a régné sur la Syrie. En un demi-siècle, le clan a accumulé d'incroyables richesses. Après la chute de Bachar al-Assad, qui avait succédé à son père au siège de dictateur, le monde entier admire désormais ses immenses palais, ses luxueuses voitures et une impressionnante collection d'art.
Des vidéos montrent un vaste réseau sous le palais: de lourdes portes métalliques, des escaliers sans fin, un système de ventilation autonome et un labyrinthe complexe de salles et de couloirs.
Un passage est équipé d’un système de rails:
Le captagon, une drogue stimulante et addictive, est considéré comme l'une des principales sources de revenus du clan Assad. Maher al-Assad, en plus de son rôle central au sein du régime en tant que commandant de la garde présidentielle, aurait également été responsable du commerce de captagon.
Kadhafi a régné sur la Libye jusqu'en 2011. Avec 42 ans de pouvoir, il fait partie des dirigeants ayant gouverné le plus longtemps, à l'exception des monarques. Il gouvernait son pays depuis un complexe situé au sud de Tripoli. Bab al-Azizia était la «porte majestueuse» de Kadhafi, imposante et provocatrice.
Les murs vert olive de trois mètres d'épaisseur de l'ancien centre du pouvoir libyen s'étendaient sur des kilomètres à la périphérie ouest de la ville, gardés par des positions de mitrailleuses tous les 50 mètres. Comme un château médiéval, ces fortifications entouraient les murs intérieurs qui, à leur tour, entouraient un palais avec ses inévitables murs de marbre, ses robinets dorés, ses bains de vapeur et ses jacuzzis.
Sous le kitsch se cachait un bunker. Après la chute de Kadhafi en 2011, les rebelles y découvrirent des murs en béton épais, de lourdes portes métalliques, des masques à gaz partout, ainsi que des stocks d'eau, de Coca-Cola, de biscuits et de conserves de thon. Certaines pièces étaient des dortoirs simples avec des lits, de petits réfrigérateurs et des commodes. D'autres étaient des abris dotés de murs plus épais et de petites trappes métalliques. Au bout d'un couloir, ils trouvèrent l'épave d'une petite voiture de golf, que Kadhafi utilisait fréquemment dans l'enceinte du complexe.
Le dictateur soviétique était réputé pour sa paranoïa. Il ne faisait confiance à personne. Et même son cercle restreint n'était pas à l'abri d'une arrestation ou d'une exécution à tout moment. Au fil des ans, Staline fit construire plusieurs bunkers.
Il y a peu d'informations sur son bunker au Kremlin, qui ressemble davantage à un sous-sol transformé en abri antiaérien. L'amiral russe Ivan Issakov, qui visita le bureau souterrain de Staline au Kremlin en hiver 1941, se souvint que l'abri ressemblait beaucoup au bureau de Staline:
La fille de Staline, Svetlana, écrivit également dans ses mémoires sur l'existence d'un abri antiaérien au Kremlin et sa ressemblance avec un appartement. Il n'y a pas d'autres informations disponibles sur ce bunker, car il s'agit toujours d'une installation active du Kremlin.
Le bunker situé dans le métro de Moscou offrait probablement une meilleure protection. Le cabinet de travail de Staline se trouvait à environ 35 mètres sous la station actuelle de Tchistye proudy. Le quartier général de la défense aérienne y était également installé. Les trains ne s'arrêtaient pas à cette station, dont le quai était protégé par un mur élevé. Staline accédait au bunker par un tunnel secret menant au poste de commandement du quartier général de la défense aérienne. A ce jour, certaines parties du métro de Moscou restent fermées au public.
Staline fit également équiper sa datcha moscovite d'un bunker. C'est là qu'il vécut pendant les deux dernières décennies de sa vie, jusqu'à sa mort le 5 mars 1953. Le bunker était conçu avec deux couloirs séparés afin que Staline ne soit pas amené à croiser son personnel. A l'intérieur, les murs du cabinet de Staline étaient décorés de panneaux de bois. Il y avait un bureau avec une grande table en chêne pour les réunions du Conseil de défense.
Le bunker comprenait également une petite chambre à coucher pour Staline, équipée d'un lit et d'une table de chevet. Selon certaines rumeurs, le bunker était relié au Kremlin par un tunnel secret et un système de métro.
Le dictateur italien Benito Mussolini s'est, lui aussi, fait construire plusieurs abris antiaériens: entre autres le bunker de la Villa Torlonia pour sa résidence officielle et le bunker de Piazza Venezia en dessous de sa chancellerie. Des escaliers raides mènent aux abris privés souterrains de Mussolini sous la Villa Torlonia. Les tunnels de 15 mètres de long sont protégés par un mur en béton armé de quatre mètres d'épaisseur. Les murs extérieurs ont une épaisseur de 120 centimètres. Un système de ventilation assurait de l'air frais respirable jusqu'à six heures pour 15 personnes en cas d'attaque au gaz toxique.
Mais Mussolini n'a jamais utilisé ce bunker. Lors de la chute de Mussolini le 25 juillet 1943, il n'était pas encore terminé.
C'est dans son bunker qu'Adolf Hitler s'est suicidé le 30 avril 1945. De nombreux mythes entourent encore aujourd'hui le lieu de cet événement, le Führerbunker. Pourtant, ce bunker profond n'était qu'un parmi d'autres dans l'ancien quartier gouvernemental autour de la Wilhelmstrasse et avait une capacité bien inférieure à celle des abris antiaériens publics ordinaires.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Hitler fit construire des bunkers presque partout où il séjournait plus de quelques jours. Sous le régime nazi, environ 20 «quartiers généraux du Führer» furent érigés en Allemagne ainsi que dans les territoires occupés par Hitler.
Le «Führerhauptquartier Wolfsschanze» était le quartier général le plus utilisé par Hitler. Il y a passé plus de 800 jours. Environ 90 bâtiments y ont été construits en plusieurs phases jusqu'en 1944.
Parmi eux, huit bunkers massifs et 40 bunkers moins imposants en béton armé. Parmi les bunkers les plus massifs, dont les murs mesurent entre cinq et sept mètres d'épaisseur, on compte entre autres le «Führerbunker» d'Adolf Hitler, le bunker du chef de la chancellerie du Reich, Martin Bormann, et le bunker du commandant en chef de la Luftwaffe, le maréchal Hermann Göring. C'est là qu'Hitler discutait de la situation de la guerre et du génocide des Juifs.
Les ruines des complexes de bunkers de l'Adlerhorst dans le Taunus et du «quartier général du Führer» Werwolf, situé dans une forêt de pins près de Vinnytsia en Ukraine, demeurent aujourd'hui d'autres symboles sombres de l'histoire.
A Adlerhorst, des bunkers en béton émergeaient du sol, revêtus de bois à colombages traditionnel allemand. Werwolf, à 34 heures de train de Berlin, offrait des cabanes en bois, chacune dotée de son propre bunker en béton. Il y avait une piscine, un cinéma, une salle de thé et même un jardin potager.
Traduit et adapté par Noëline Flippe