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Espion ou otage? Le mystérieux cas du Suisse mort en Iran

«Espion» suisse mort en Iran: l'étrange timing des événements

Le Ministère public de la Confédération enquête sur la mort d'un Suisse accusé d’espionnage. Un conseiller national interroge le Conseil fédéral sur un éventuel lien avec une autre affaire d’espionnage à Lausanne.
17.03.2025, 11:5417.03.2025, 13:56
Henry Habegger / ch media
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Le 9 janvier 2025, un Suisse de 64 ans s'est pendu dans une prison iranienne. C’est en tout cas la version des autorités iraniennes qui le présentent comme un espion. Arrivé en Iran en octobre 2024 en tant que touriste, l'homme aurait été arrêté après avoir photographié des installations militaires.

Le 22 janvier, sa dépouille a été rapatriée en Suisse. Le Ministère public de la Confédération a ouvert une procédure pour «clarifier les circonstances du décès». Une autopsie a été ordonnée, mais les autorités suisses refusent pour l’instant de commenter l’avancée de l’enquête.

Le Conseil fédéral devra cependant s’expliquer ce lundi lors de l’heure des questions au Conseil national. Le conseiller national socialiste zurichois Fabian Molina a soumis cinq questions sous le titre. «Un Suisse assassiné en Iran?» La dernière question est particulièrement sensible:

«Existe-t-il un lien avec l’affaire Abedini/Sala?»

Un otage pour négocier une libération

Cette affaire concerne l’agent iranien Mohammad Abedini, 38 ans, qui opérait depuis Lausanne pour les Gardiens de la révolution. Il leur fournissait des composants américains pour drones de combat. Accusé par les Etats-Unis, Mohammed Abedini a été arrêté le 16 décembre à Milan à la demande de Washington. Trois jours plus tard, l’Iran procédait à l’arrestation de la journaliste italienne Cecilia Sala. Grâce à cette «garantie», l’Iran a obtenu la libération d’Abedini en janvier 2025.

Y a-t-il un lien entre cette affaire et celle du Suisse retrouvé mort en détention? A-t-il été arrêté pour faire pression sur les autorités suisses et obtenir la libération de Mohammed Abedini?

Une théorie pas si farfelue, si on regarde la chronologie des évènements:

  • Août 2024: un complice de Mohammed Abedini, Mahdi Mohammed Sadeghi, est fouillé par les douanes américaines à son retour d’Iran. Il nie tout lien commercial avec Téhéran, mais les autorités iraniennes comprennent probablement que leurs agents sont désormais sous surveillance.
  • Entre fin octobre et le 10 décembre 2024: «l'espion suisse» est arrêté en Iran. Selon Berne, son arrestation a probablement eu lieu en novembre.
  • 10 décembre 2024: l’Iran informe la Suisse qu’un citoyen suisse a été arrêté, mais sans révéler son identité.
  • 16 décembre 2024: Mohammed Abedini est arrêté à Milan à la demande des Etats-Unis. Son complice Mahdi Mohammed Sadeghi est également interpellé aux Etats-Unis.
  • 19 décembre 2024: la journaliste italienne Cecilia Sala est arrêtée à Téhéran.
  • 31 décembre 2024: l’Iran transmet enfin l’identité du Suisse aux autorités suisses.
  • 4 janvier 2025: la Première ministre italienne Giorgia Meloni rencontre Donald Trump, président élu des Etats-Unis. Il accepte de ne pas insister sur l’extradition de Mohammed Abedini, ouvrant ainsi la voie à un échange de prisonniers.
  • 8 janvier 2025: la journaliste italienne Cecilia Sala est libérée.
  • 9 janvier 2025: le Suisse meurt en prison, par suicide selon la version officielle iranienne.
  • 12 janvier 2025: le ministre italien de la Justice ordonne la libération de Mohammed Abedini, qui est immédiatement renvoyé à Téhéran.

Des questions sans réponses

Outre les circonstances de sa mort, plusieurs interrogations persistent: quand exactement le Suisse a-t-il été arrêté? Pourquoi l’Iran a-t-il caché son identité si longtemps? Pourquoi lui a-t-on refusé l’accès à l’ambassade suisse?

Une hypothèse plausible est que l’Iran l’ait arrêté par précaution, en vue d’un éventuel échange si Mohammed Abedini était placé en détention en Suisse. Cette théorie circule depuis le début parmi les Iraniens en exil.

Les faits semblent l’étayer: dès août 2024, Téhéran savait que ses agents étaient ciblés par Washington. Les autorités iraniennes ont peut-être voulu anticiper une arrestation de Mohammed Abedini en Suisse, puisqu’il vivait à Lausanne et dirigeait depuis la Suisse son réseau d’approvisionnement en matériel militaire.

«Nous détenons l'un des vôtres»

Si l’Iran craignait une arrestation en Suisse, arrêter un Suisse en Iran devenait une option stratégique. Un signal ainsi envoyé à Berne:

«Nous détenons l'un des vôtres, réfléchissez bien avant d’arrêter Mohammed Abedini»

Mais avec l’arrestation de l'espion en Italie et non en Suisse, l'Iran aurait dû changer de plan. Téhéran aurait alors cherché un otage italien plutôt que suisse – d’où l’arrestation de Cecilia Sala.

Le mystère ne s’arrête pas là. L’homme retrouvé mort en prison avait apparemment vécu des années en Namibie, mais personne dans la communauté suisse locale ne semble le connaître. Par ailleurs, ses raisons de s'être rendu en Iran ne sont pas claires: s’agissait-il d’un simple touriste ou d’un espion dissimulé sous l’apparence d’un photographe amateur?

Et dans ce cas, pour quel pays travaillait-il? Le mystère plane toujours.

Traduit et adapté de l'allemand par Tanja Maeder

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source: universal images group editorial / florilegius
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