C'est bien connu. Les discours des têtes couronnées pour marquer la fin de l'année sont tout - rassurants, prévisibles, rassembleurs, planplans, trop longs, bourrés de bons sentiments et de remerciements -, mais ils ne sont pas révolutionnaires. L'allocation de Margrethe II, ce 31 décembre 2023, ne devait pas faire figure d'exception.
Il faut croire que, à force de reconduire l'exercice tous les ans depuis 1972, la souveraine de 83 ans en a eu marre. «J'ai décidé que le moment était venu», a annoncé la «Reine-Cendrier» - surnom qu'elle soit à son habitude légendaire de griller 60 cigarettes par jour - sur un ton définitif.
«Dans deux semaines, cela fera 52 ans que je suis reine du Danemark. Une telle durée laisse des traces sur n'importe qui. Le temps fait son œuvre et le nombre de maux augmente», poursuit la monarque, avec un sens aigu de la dramaturgie et du suspens.
L'annonce a fait l'effet d'une bombe au Danemark, dont la monarchie n'a pas connu d'abdication depuis plus de 500 ans et où les tenanciers du titre suprême sont priés de bien vouloir rester en fonction jusqu'à leur mort.
A l'instar de la reine Elizabeth, dont elle a hérité du titre de «monarque la plus ancienne d'Europe» suite à son décès en 2022, Margrethe avait pourtant indiqué avec fermenté qu'elle comptait briguer son poste à vie. Pas plus tard qu’en 2016, elle avait balayé la possibilité d'abdiquer:
Il faut donc imaginer le choc pour les Danois de voir leur «tatie Daisy» rendre sa couronne avant l'heure fatidique. «On a toujours pensé qu'elle continuerait, sinon pour toujours, du moins pendant de nombreuses années encore», confie un aristocrate et fin connaisseur de la famille royale danoise au Daily Beast. «C’était donc vraiment une énorme surprise lorsqu’elle a annoncé qu’elle se retirait.»
La réalité du terrain a toutefois eu raison de la volonté à toute épreuve de la monarque. Entre ses problèmes de santé (elle souffre de problèmes de dos depuis plusieurs années, et a subi une importante intervention chirurgicale début 2023), son âge avancé et quelques considérations purement pratiques sur la transmission de sa fonction.
La reine avait en effet souci d'épargner à son fils de 51 ans, Frederik, le sort de Charles III, éternel second engoncé dans son statut de prince héritier. D'autant que son petit-fils, Christian, vient de fêter ses 18 ans, et à même de reprendre la place de son père. On comprend mieux la décision de Margrethe d'anticiper sa retraite.
Mais, car il y a un mais, un ultime facteur aurait pesé dans sa décision. Et non des moindres. «Il est difficile pour les gens de ne pas associer son abdication aux récents troubles», précise le contact aristocratique du Daily Beast. Par «troubles», l'initié fait allusion à la période périlleuse dans laquelle est plongée depuis peu la très populaire et très stable famille royale du Danemark.
En effet, vous êtes peut-être passé à côté du scandale qui a échaudé le pays plus tôt cet hiver. Lorsque le prince héritier Frederik, qui avait depuis longtemps délaissé sa réputation de jeune playboy pour celle de super-mari et super-papa mâtiné de progressisme, a été surpris en plein «rendez-vous» avec la mondaine mexicaine Genoveva Casanova (non, ça ne s'invente pas), lors d'une soirée en Espagne. En skandale! comme on dirait en danois.
C'est en novembre que le magazine Lecturas s'est fait un plaisir de publier les photos de la virée nocturne du prince et de son amie à Madrid, entre visite d'une exposition sur Picasso et dîner intime sur fond de flamenco. Ce n'est pas tout: certaines images attesteraient que le prince héritier a quitté l'appartement de Genoveva Casanova, tôt le lendemain matin.
Les démentis ne se sont fait pas attendre. Pendant que l'intéressée niait catégoriquement à la télévision espagnole avoir entretenu une quelconque relation amoureuse avec Frederik, la Couronne, fidèle à la tradition royale éternelle, se refusait à tout commentaire. En off, les proches du prince affirment qu'il nie farouchement ces accusations.
Hélas! Le mal est fait, et le petit peuple très remonté devant cet affront à leur princesse héritière Mary. Car la belle roturière aux airs sombres, pendant norvégien de Kate au Royaume-Uni ou de Letizia en Espagne, est une véritable star dans son pays d'adoption, à force de travail et de dévouement pour sa noble tâche.
C'est dans un pub que la jeune femme née en Tasmanie, alors jeune publicitaire dans une agence, fait la rencontre de son futur mari, à l'occasion des Jeux Olympiques de Sydney, en 2000. Quatre ans d'idylle et un déménagement au Danemark plus tard, le couple se marie lors d'une cérémonie en grande pompe à la cathédrale de Copenhague. Ensemble, ils auront quatre enfants, dont l'aîné et futur héritier du trône, Christian, est né en 2005.
C'est dire que les photographies des aventures espagnoles de Frederik tombent mal, à quelques mois de leur vingtième anniversaire de mariage. Au milieu du brouhaha médiatique, en public, le couple royal fait un front commun. On a pu notamment les apercevoir main dans la main à l'occasion du service du réveillon de Noël, à la cathédrale d'Aarhus, le mois dernier.
En coulisses, cependant, on soupçonne que la période des Fêtes a été moins facile. Lorsqu'elle s'est rendue dans sa famille en Australie et en Nouvelle-Zélande courant décembre, la future reine du Danemark a été photographiée «en larmes» sur le tarmac de l'aéroport.
Plus troublant encore, une poignée de messages personnels et ambigus sur son compte Instagram.
De là à imaginer que ces rumeurs d'infélidité «malveillantes» aient raison du couple royal, il n'y a qu'un pas. Un pas que plusieurs tabloïds n'ont pas hésité à franchir.
Pour ce qui est de la reine Margrethe II, qui s'échine à préserver l'institution depuis près d'un demi-siècle, pas question de perdre sa précieuse belle-fille et héritière. Son atout numéro un. «Les sondages d'opinion montrent que Mary est aussi populaire que la reine Margrethe. Dans l’ensemble, les sondages montrent qu’environ 80% des Danois soutiennent la monarchie», rappelle Lars Hovbakke Sorensen, historien et expert de la famille royale danoise, au Daily Mail.
Certains experts voient dans l'abdication inattendue de Sa Majesté ce week-end une tactique délibérée pour propulser plus vite son fils dans le rôle de roi - et de donner ainsi à son couple une nouvelle base.
Il faut reconnaître que le timing entre l'annonce inattendue du retrait de Margarethe et les rumeurs qui écornent la réputation de son fiston est assez fabuleux. Et puis, c'est bien connu. Quand il s'agit de pérenniser la Firme, ces influentes et malicieuses matriarches ont plus d'un tour dans leur sac.