Sa promotion au cours de l'année écoulée devait être une affaire discrète. Hélas pour le Palais de Buckingham et son obsession du secret, c'est raté. Depuis les révélations du Sunday Times la semaine dernière, le candidat peu orthodoxe de Charles à la tête de la Maison médicale royale fait la Une. Son choix? Un certain Dr Michael Dixon, «champion de la guérison par la foi et de l'herboristerie au CV douteux», dixit le Times.
Ce n'est pas tant le penchant assumé du Dr Dixon pour les noeuds papillon qui lui vaut cette polémique. C'est surtout que ce médecin généraliste, qui compte tout de même près de 50 ans de carrière au sein du respecté National Health Service (NHS), est un ardent défenseur des médecines complémentaires. Un intérêt qui lui vaut désormais le surnom de médecin «homéopathe».
Il est vrai que les méthodes du nouveau patron de la Maison médicale royale sont pour le moins... originales. Selon le Sunday Times, le Dr Dixon a notamment convié dans son cabinet un «guérisseur chrétien» pour soigner des patients atteints de maladies chroniques. Adepte de «thérapie des champs de pensée», d'aromathérapie ou de réflexologie, il a aussi pu prescrire de la «griffe du diable», un arbuste africain, pour apaiser les douleurs à l'épaule, ou encore de l'herbe de chèvre cornée contre l'impuissance. Mais c'est surtout sa position en faveur de l'homéopathie qui lui vaut les foudres des autorités médicales britanniques.
Pour rappel, au Royaume-Uni, les remèdes homéopathiques ne sont plus disponibles sur ordonnance depuis 2017, après que le NHS n'ait trouvé «aucune preuve claire ou solide pour étayer [leur utilisation]».
Sa rencontre avec le roi Charles, qui n'a jamais fait mystère de son intérêt pour les médecines alternatives, dans les années 1990, a marqué le début d'un long partenariat entre les deux hommes. Conférences, discussions, promotions à la tête de plusieurs instituts de l'ancien prince de Galles ou encore invitations dans ses résidences... Autant d'échanges qui ont valu au médecin d'être honoré de l'Ordre royal de Victoria, en 2015, pour services personnels rendus à la monarchie.
Les premières critiques contre le roi d'Angleterre et son médecin préféré pour leur soutien ouvert à l'homéopathie ne datent pas d'hier. En 2018 déjà, Edzard Ernst, professeur à l'université d'Exeter et spécialiste de médecine complémentaire, s'insurgeait: «Vous ne pouvez pas avoir recours à une médecine alternative, juste parce que le prince Charles aime ça. Ce n'est pas dans le meilleur intérêt des patients».
L'annonce de la nomination du Dr Michael Dixon a fait froncer d'autres sourcils, cette semaine. C'est le cas notamment au sein de la Good Thinking Society, une société qui promeut le scepticisme scientifique, au Guardian.
«Avant de devenir roi, Charles était le patron d'organisations homéopathiques, il défendait ouvertement l'homéopathie et repoussait les limites de la science vers les pseudo-sciences», rappelle son directeur de projet. La promotion du Dr Dixon suggère que le monarque, loin de s'astreindre à son devoir de réserve, soutiendrait toujours la médecine complémentaire en coulisses.
«Je pense que le rôle de la monarchie, si elle en a un dans la société actuelle, n'est pas de défendre ses propres projets et ses convictions personnelles ni d'utiliser le pouvoir et l'influence dont elle dispose pour faire avancer des causes qui vont directement à l'encontre des preuves que nous avons», s'agace Michael Marshall.
Les réactions virulentes à la nouvelle du nouveau patron de la maison royale sont telles que le palais de Buckingham a bien été obligé de remettre les points sur les virgules. Un porte-parole a précisé cette semaine au Daily Telegraph que, même si le Dr Dixon a bien été nommé au poste de chef de la Maison médicale royale, il n'en devient pas pour autant le médecin du roi.
Le médecin du roi, qui, on le rappelle, a la lourde responsabilité historique, depuis les années 1540, de la santé du souverain et de la famille royale. Sans oublier d'assister aux naissances, aux décès et de gérer une équipe de médecins au palais de Buckingham, ainsi que de représenter la Couronne dans certaines négociations avec le gouvernement. Ce fut encore le cas pendant la pandémie de Covid-19.
Telles ne seront donc pas les missions du Dr Nixon, que Charles consulte et rétribue à titre privé. «Le Dr Dixon reçoit des honoraires pour couvrir ses déplacements et ses dépenses. Cette somme est payée sur les revenus privés du roi, et non sur l'argent public», précise le communicant.
Et, non, malgré son intérêt pour la question, le médecin controversé n'en est pas pour autant un «homéopathe». «Le Dr Dixon est un médecin généraliste en exercice (...). Il ne croit pas que l’homéopathie puisse guérir le cancer. Sa position est que les thérapies complémentaires peuvent accompagner les traitements conventionnels, à condition qu’elles soient sûres, appropriées et fondées sur des preuves», précise le Palais.
Quant à la position de Charles sur l'homéopathie, Buckingham ajoute qu'elle est «bien documentée» depuis des années. On en veut pour preuve un article rédigé par le roi en personne, dans lequel il indique qu'il ne s'agit pas de «rejeter les médecines conventionnelles en faveur d'autres traitements». «Le terme médecine "complémentaire" signifie précisément ce qu'il dit.»
Nous voilà rassurés.