La relève suisse en géant inquiète
Invincible, Marco Odermatt, le sourire du champion plaqué sur le visage. Il n'a pas manqué ce premier rendez-vous de la saison 2025/2026 et de rappeler qu'il est à l'heure actuelle le meilleur géantiste de la planète, sans conteste.
Du côté de Lara Gut-Behrami, du haut de ses 34 printemps, le temps semble ne pas avoir d'emprise sur elle. Pour sa dernière année au plus haut niveau, elle reste une cheffe de file qui répond présente.
Nos deux leaders ont montré la voie, avec une victoire pour «Odi» et une troisième place pour «LGB». C'est du solide et la bannière helvétique a pu flotter dans les bourrasques qui ont balayé le glacier du Rettenbach.
Sauf que derrière, il y a comme un hic. Il n'est pas question de critiquer les cadres de l'équipe de géant hommes (Loïc Meillard, Thomas Tumler ou de Luca Aerni), ni chez les femmes, les Camille Rast, Wendy Holdener ou dans une moindre mesure Vanessa Kasper (et encore), mais plutôt de souligner une carence.
Derrière ces valeurs sûres, il y a un trou qui s'est formé. Un fossé qui interroge. Hans Flatscher, le directeur du ski alpin suisse, l'a repéré. Il l'a fait savoir, se disant «déçu» du niveau présenté par la deuxième équipe - entendez par-là les jeunes qui doivent performer derrière les cadors de notre équipe nationale.
Flatscher épargne le «Odermatt 2.0», Lenz Hächler, attendu au tournant - et qui aurait pu se qualifier sans problème, dimanche. Si le skieur de 22 ans est à ranger dans la catégorie des futurs grands, derrière, ça patauge dans le camps des Fadri Janutin, Sandro Zurbrügg, Livio Simonet et Semyel Bissig. Ces athlètes n'ont pas répondu aux attentes.
Pourquoi s'énerver, ce n'est qu'une course et Sölden n'est pas la station fétiche de Swiss-Ski? Allez, inutile de tirer des conclusions hâtives. Trêve de palabres. Peut-être. Mais il y a une forme d'inquiétude qui commence à poindre. Parce que la Suisse a pu frimer avec son fantastique hiver passé et qu'une dégringolade peut vite arriver; parce que les cadres répondent toujours à l'appel. Mais à l'instar d'une équipe de foot, si votre profondeur de banc est inexistante, votre onze de départ va rapidement se frotter à ses limites.
Pour s'en convaincre, gardons à l'esprit une situation qui a frappé nos chers ennemis autrichiens. Alors que notre terrible voisin nous laminait hiver après hiver, grâce à la maestria du chef d'orchestre Marcel Hirscher, la Wunderteam a vécu le «syndrome Marcel Hirscher» chez les hommes. Alors que le maître de la technique régnait, derrière, l'équipe vieillissait et les jeunes Autrichiens peinaient à se faire une place dans le sillage prodigieux du Mozart d'Annaberg. La fédération autrichienne a souffert et Swiss-Ski a préparé la riposte pour désormais tout rafler.
La question se pose: Swiss-Ski va-t-il connaître un «syndrome Odermatt» ou un «syndrome Lara Gut-Behrami» dans la discipline du géant? Un petit exemple, plutôt parlant, est le triplé suisse à Hafjell, la saison dernière. Derrière le triplé historique, aucun Suisse ne figure dans le reste du classement.
Si on se réfère à cette «deuxième équipe», pour reprendre les mots d'Hans Flatscher, les plus pessimistes pourraient y voir des similitudes à l'Autriche de Marcel Hirscher, malgré l'éclosion imminente d'Hächler chez les hommes et la venue (timide encore) d'une Sue Piller chez les dames. D'autres, balaieraient d'un revers les théories d'un aréopage d'experts de la spatule - et nous avec.
Les Odermatt, Meillard et Tumler ne sont pas éternels dans la discipline, tout comme Gut-Behrami ou Rast. Il ne faut pas traîner, le cursus pour s'installer durablement en Coupe du monde est long, éreintant. Durant l'apprentissage, il faudra peut-être accepter des années moins fastes pour retrouver des cadres à la hauteur d'Odermatt, Meillard et Gut-Behrami.


