Noah Dettwiler – une victime du système?
Lors du tour de reconnaissance avant le départ de la course Moto3 à Sepang, dimanche, Noah Dettwiler roulait à vitesse réduite sur la trajectoire idéale – la plus rapide du circuit. C’est alors que l’Espagnol Jose Antonio Rueda, 19 ans, ne l’a pas vu et a percuté violemment l’arrière de la moto du jeune Suisse. Propulsé hors de sa selle, Dettwiler s’est écrasé lourdement sur le bitume. Une question essentielle se pose: pourquoi le champion du monde espagnol est-il arrivé presque sans freiner sur un adversaire qui roulait lentement? Noah Dettwiler a-t-il eu un problème technique?
Cet accident soulève des questions de sécurité fondamentales. Aujourd’hui, tout ce qui est humainement possible est fait pour la sécurité des pilotes lors de la construction des circuits, sans que l’on recule devant aucune dépense. Les zones de dégagement sont désormais si bien aménagées que les coureurs ne s’écrasent plus contre des bottes de paille, des piles de pneus ou des glissières de sécurité. Et là où un impact reste possible, des coussins d’air amortissent le choc.
L'accident en vidéo:
Mais malgré toutes ces précautions, la mort continue de rôder sur les circuits. Aucune technologie ni aucun règlement ne peut empêcher les collisions en course – comme celle qui a touché Noah Dettwiler – ni ces tragédies où des pilotes, déjà à terre, sont percutés par leurs concurrents. C’est ainsi qu’en mai 2021, à l’entraînement du Grand Prix d’Italie à Mugello, le jeune espoir suisse Jason Dupasquier avait perdu la vie dans un terrible accident.
Il est tombé, et les pilotes qui le suivaient, Ayumu Sasaki et Jeremy Alcoba, n’ont pas pu l’éviter. Ils ont percuté le jeune Suisse de 19 ans, alors au tout début d’une prometteuse carrière. Le même destin tragique a frappé Marco Simoncelli, 24 ans, lors de la course MotoGP en Malaisie en 2011, ainsi que Shoya Tomizawa, coéquipier de Dominique Aegerter, décédé en 2010 lors de l’épreuve Moto2 à Misano.
Le débat s’élargit désormais à un véritable changement de système. Le monde lucratif de la moto vit aujourd’hui essentiellement grâce à la catégorie MotoGP. Autrefois, les différentes classes étaient traitées sur un pied d’égalité par le règlement: toutes disposaient du même temps d’entraînement, du même échauffement le jour de la course et d’une épreuve à part entière. Mais les temps ont changé: des six catégories d’origine (50/80 cm³, 125 cm³, 250 cm³, 350 cm³, 500 cm³ et side-car), il n’en reste plus que trois – Moto3, Moto2 et MotoGP. Et plus encore, le programme du dimanche est désormais entièrement centré sur la «catégorie reine», la MotoGP. Les classes Moto3 et Moto2 ne sont plus que de simples courses d’accompagnement.
Au départ, les trois catégories bénéficiaient chacune d’une séance de warm-up de vingt minutes le matin de la course. Ce créneau avait une raison bien précise: il permettait aux pilotes et à leurs techniciens de vérifier le bon fonctionnement de leurs machines. Après les essais qualificatifs, les mécaniciens travaillaient en effet encore intensément sur les motos.
Un sacrifice au profit du commerce
Aujourd’hui, les catégories Moto3 et Moto2 n’ont plus de warm-up du tout, et celui des pilotes MotoGP a été réduit à dix minutes. La raison? Le temps gagné sert désormais à organiser une parade des stars de la MotoGP autour du circuit. Ce qui servait autrefois la sécurité technique – et donc celle des pilotes – a été sacrifié au profit du commerce.
En conséquence, certains pilotes profitent désormais du tour de reconnaissance pour effectuer un dernier contrôle technique de leurs bolides. Certains prennent alors de gros risques pour tester la vitesse et les réglages, tandis que d’autres, à un rythme plus lent, s’assurent simplement que tout fonctionne correctement — par exemple après qu’une moto a été lourdement endommagée lors d’un accident la veille. Ces écarts de vitesse considérables augmentent d’autant les risques d’accident.
Des questions demeurent, auxquelles il n’y aura sans doute jamais de réponse définitive — mais qu’il faut poser au nom de la sécurité. Noah Dettwiler roulait-il si lentement parce que sa moto connaissait un problème technique qui aurait pu être détecté lors d’une séance de warm-up? Jose Antonio Rueda allait-il déjà si vite pour s’assurer que tout fonctionnait correctement? Dans un sport où la mort fait partie du risque, aucune question ne doit rester taboue lorsqu’il s’agit de sécurité.
