Franchement, au final, est-ce qu'on s'en foutrait pas un peu que ce ballon du Japon soit sorti ou non? Que le hors-jeu de la Croatie soit valable ou pas? Dans le fond, ce qui nous a tous fait réagir, bien qu'on ne soit ni Japonais, ni Croate, ni Belge ou Allemand (les deux adversaires des équipes précédemment citées), n'est-ce pas le sentiment que les matchs de football sont en train de se décider sur des critères qui nous échappent?
Le football a toujours été un jeu très simple. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il est aussi populaire et pratiqué dans le monde. Il a toujours suffi d'un ballon, de deux buts (ou d'un équipement qui y ressemble) et d'au moins deux joueurs pour lancer une partie.
Or, on est en train de le rendre compliqué. A force de technologie, de caméras autour du terrain, de capteurs sur les lignes, de puces dans le ballon, on transforme chaque match du jeu le plus simple de la planète en colloque pour doctorants de l'EPFL. Jusqu'à il n'y a pas si longtemps, on disait pour plaisanter que le plus fatiguant, quand on regardait une rencontre avec un novice, c'était de lui expliquer la règle du hors-jeu. Aujourd'hui, on serait incapable de lui dire pourquoi l'arbitre a estimé que le ballon était sorti (ou non) du terrain.
Le plus embêtant, dans tout ça, c'est qu'on explique au public et aux joueurs que le recours aux outils technologiques est au service de la justice. C'est vrai, la main de Maradona aurait été sifflée en 1986 et beaucoup d'équipes italiennes n'auraient pas été battues par Pippo Inzaghi («né hors-jeu», selon la célèbre formule de Sir Alex Ferguson), mais les Allemands, boutés hors du Mondial après que les Japonais ont marqué un but sur une action jugée au compas, ont-ils ce matin le sentiment que justice a été rendue? Évidemment, non.
Dans l'opinion populaire ce matin, il est finalement moins question de quelques millimètres de plus ou de moins derrière ou devant une ligne blanche tracée au laser que de «justice sportive». Car c'est de cela qu'il s'agit et que tout le monde semble avoir un peu oublié depuis qu'il suffit d'appuyer sur un bouton pour connaître «la vérité».
L'introduction de l'assistance vidéo en 2016, il est bon de le rappeler, visait à juger les erreurs manifestes. C'est en tout cas ce qu'on nous a fait croire. Six ans plus tard, la technologie dans le football est devenue un monstre qui a pris le pouvoir et auquel les arbitres, qui devaient être les principaux bénéficiaires de la nouveauté, sont obligés d'obéir.
Le deuxième but du Japon face à l’Espagne a été validé grâce à la puce électronique située au cœur du ballon.
— Actu Foot (@ActuFoot_) December 2, 2022
Ce capteur envoie 500 données par seconde à la VAR et permet de situer précisément le ballon dans l’espace.
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La prochaine révolution ne doit pas concerner le temps de jeu effectif, le nombre de changements autorisés ou l'ouverture des compétitions à davantage d'équipes. Mais la façon dont les humains doivent se servir de la technologie (et non l'inverse) pour que les joueurs puissent encore décider de l'issue d'un match, et qu'ils aient toujours plus d'influence sur le résultat que les ordinateurs.