Le Lucernois Pirmin Lang était proche de signer son grand retour dans le milieu du cyclisme professionnel. Un milieu que l'ancien coureur de l'équipe IAM et ancien directeur sportif de la Swiss Racing Academy avait quitté en 2020, après avoir avoué s'être dopé auprès du docteur allemand Mark Schmidt, principal accusé dans la triste «Opération Aderlass».
Sa suspension expirée depuis un long moment, Lang a monté l'an dernier un team VTT censé être actif au niveau international dès 2025. Le vice-champion de Suisse sur route en 2016 a ainsi recruté quatre Suisses (Thomas Litscher, Fabio Püntener, Maxime L'Homme, Ramona Forchini) et un Sud-Africain, et est allé jusqu'à proposer des contrats de deux saisons, soit jusqu'en 2026, à certains pilotes.
Malgré le passé sulfureux de l'athlète, Swiss Cycling voyait d'un bon œil le projet mené par Pirmin Lang. Après tout, le Lucernois a non seulement purgé sa peine, mais en plus, il a confessé ses fautes. En prime, il apportait avec lui un important sponsor, hors milieu: l'enseigne de grande distribution Spar, uniquement partenaire de la Swiss Epic, de la Säntis Classic et de la Cycling Team Ost, et historiquement impliqué dans l'athlétisme. Or il semblerait que Spar n'ait jamais véritablement eu l'intention de financer en grande partie l'équipe en construction.
Un porte-parole de l'entreprise l'a confirmé dans les colonnes de la Neue Zürcher Zeitung. Il affirme que les discutions ont tourné court après une demande de renseignements en septembre 2024. Une réunion a néanmoins suivi en octobre suite à une relance des futurs dirigeants du team. Mais Spar aurait maintenu sa position, y compris lors des échanges qui ont suivi.
Uniquement responsable du sportif, Lang ne s'occupait pas des négociations. C'est son associé Saki Tzikas, en charge de la partie commerciale, qui a piloté le dossier. Et selon la NZZ, il n'aurait pas perçu les signaux négatifs envoyés par l'enseigne, voire peut-être ses hésitations, un terme que le porte-parole des magasins Spar réfute néanmoins. L'homme d'affaires aurait longtemps pensé pouvoir signer ce contrat illusoire, et s'est semble-t-il réveillé beaucoup trop tard. Ce n'est qu'après avoir cherché en vain une porte de secours que Tzikas s'est résigné à avertir Lang, pour lui faire comprendre que 80% du budget manquait encore.
Cette histoire rappelle inévitablement celle de l'équipe sur route française B&B Hotels-KTM, qui a cessé de fonctionner en 2022 après avoir pourtant annoncé un projet d'envergure avec la ville de Paris, et l'arrivée d'un sponsor XXL. A l'époque, plusieurs coureurs s'étaient retrouvés sans employeur, notamment Alexis Gougeard contraint de retrouver le niveau amateur.
Les Suisses, qui ont quitté leur ancien team cet hiver, dans le but de rejoindre une équipe qu'ils jugeaient sérieuse et ambitieuse, se retrouvent désormais confrontés à une situation similaire. Si Ramona Forchini, championne du monde du relais mixte en 2022, semble avoir trouvé une solution de repli (elle prévoit une annonce importante fin février), la conjoncture reste morose pour Fabio Püntener, Maxime L'Homme et Thomas Litscher.
Certes de retour dans son ancienne formation Bike Team Solothurn, le premier cité est contraint de financer une partie de sa saison, car aucun budget n'a été prévu pour un vététiste supplémentaire au sein de l'équipe. L'Uranais pourra néanmoins compter sur le soutien du staff mécanique du team en 2025. L'incertitude est également de mise pour le Fribourgeois Maxime L'Homme. «Les budgets sont serrés et toutes les places ont déjà été attribuées», a-t-il détaillé auprès de La Liberté, en regrettant d'avoir été averti après le 15 janvier, date à laquelle les effectifs sont entérinés.
S'il espère toujours s'engager avec une nouvelle équipe, grâce notamment à une dérogation de l'Union cycliste internationale (UCI), L’Homme réfléchit aussi à se lancer seul sur le circuit. Or s'il souhaite performer au niveau international, sa saison lui coutera «entre 60'000 et 80'000 francs». Thomas Litscher, bientôt 36 ans, craint de son côté de devoir mettre un terme à sa carrière, alors qu'il reste sur une huitième place au classement général de la Coupe du monde de short track.
Swiss Cycling ainsi que Pirmin Lang et Saki Tzikas tentent désormais de venir en aide aux cyclistes lésés, en dénichant comme ils le peuvent des partenariats ici et là. Mais les difficultés financières et logistiques ne sont pas les seuls problèmes rencontrés par les athlètes. La situation est aussi pesante moralement. Les vététistes impactés ont été abasourdis par une annonce qu'ils n'ont pas vu venir. «Je ne m'attendais pas à un tel incident dans le cyclisme suisse. J'ai été choqué qu'une chose pareille puisse arriver dans le petit monde du VTT», a ainsi déclaré Thomas Litscher.
Tous auraient sans doute préféré un hiver moins agité. Surtout que la saison à venir s'annonce importante. Les Championnats du monde seront en effet organisés à domicile, du 30 août au 14 septembre en Valais.