Jonas Vingegaard retrouve les routes du Tour de France. Dès samedi, et durant trois semaines, il croisera le fer avec son meilleur ennemi, Tadej Pogacar, dans le but de revenir à sa hauteur, en décrochant un troisième succès de prestige sur la Grande Boucle.
Cependant, l’espoir de voir le Danois l’emporter est mince, de l'avis général. Les carottes seraient déjà cuites. Cela tient à la seule présence du Slovène Tadej Pogacar. Le coureur de la formation UAE Team Emirates est en effet présenté comme le grandissime favori de l’édition 2025, car il est le meilleur cycliste au monde. Intouchable sur tous les fronts depuis de longs mois, il a réalisé, en prime, une démonstration début juin sur le Dauphiné, course préparatoire au Tour.
Il convient toutefois de ne pas enterrer Jonas Vingegaard trop vite. D'abord parce que le Tour de France est une épreuve incertaine. Une course de longue haleine, comme a tenu à le rappeler l'ancien professionnel Pierre Rolland, désormais consultant pour La chaîne L'Equipe.
«Le Tour de France, ce n’est pas un test VO2 Max. C’est une guerre de trois semaines. Et malgré le fait que Pogacar soit le meilleur coureur de sa génération, qu’il grimpe, qu’il roule, qu’il soit capable d’attaquer à 80 kilomètres de l’arrivée, il n’est pas sûr de le remporter. Parfois, c’est le plus malin, le mieux entouré, le plus chanceux (réd: qui s'impose)», a-t-il déclaré, citant en exemple Vincenzo Nibali, vainqueur de la Grande Boucle en 2014, alors que Chris Froome et Alberto Contador avaient la faveur des pronostics.
Mais d'autres indicateurs plaident en faveur de Jonas Vingegaard, qui a le Tour de France dans le sang et ne vit que pour cette course.
Premier signal positif: le Danois a rassuré sur le Dauphiné, malgré la minute concédée à Pogacar. Il a attaqué dès le premier jour et ne s’est jamais véritablement effondré en montagne, s’attachant à tenir les écarts. Le leader de l’équipe Visma-Lease a Bike a aussi devancé le Slovène lors du contre-la-montre de Saint-Péray. Le chrono de Caen, au profil similaire, pourrait donc permettre à Vingegaard de limiter les dégâts, voire de prendre du temps, dans une première semaine du Tour de France taillée pour les puncheurs, et donc largement à l'avantage de Pogacar.
Il est également important de rappeler que le Dauphiné, aussi révélateur soit-il, n’est pas le Tour de France. Les coureurs évolueront à des altitudes encore plus élevées, sur des cols encore plus longs, soit un terrain davantage favorable à Jonas Vingegaard, que Pogacar a qualifié de «meilleur grimpeur du monde» en conférence de presse, ce jeudi à l’Opéra de Lille. Il fera par ailleurs plus chaud en cet été caniculaire. Et même si «Pogi» a travaillé cet aspect, «Fisherman» supporte indéniablement mieux les fortes chaleurs.
En outre, «Vingo» semble mieux armé qu’en 2024, la seule année depuis 2022 où il n’a pas remporté le Tour de France. Pour rappel, une violente chute sur le Tour du Pays basque au printemps l’avait contraint à passer douze jours à l’hôpital. Sa préparation en avait été largement perturbée. Malgré cela, il avait réussi à tenir tête au Slovène, le devançant au sprint au Lioran après un somptueux mano a mano dans le Massif central. Ce n’est qu’en troisième semaine qu’il avait fini par céder sous les coups de boutoir de Pogacar, qui doublait avec le Giro.
Si le coureur de la formation Visma-Lease a Bike a de nouveau chuté cette saison, à Paris-Nice, où il a été victime d’une commotion cérébrale, ce qui l'a contraint à renoncer au Tour de Catalogne et au Tour du Pays-Basque, la situation n’a rien à voir avec celle de l’an passé. «Les longues ascensions de Catalogne lui ont manqué, mais depuis, nous avons fait tout ce que nous voulions. Je ne pense pas que nous aurions pu mieux nous préparer», a confié en ce sens Mathieu Heijboer, responsable de la performance au sein de l'équipe néerlandaise, auprès de Domestique en marge du Tour.
Durant les trois prochaines semaines, le Danois retrouvera également des lieux qui lui ont réussi par le passé, comme cette arrivée au col de la Loze, où «Pogi» avait connu en 2023 une terrible défaillance, trois ans après avoir concédé du temps à Roglic au même endroit. Mais il y a aussi les pourcentages difficiles d'Hautacam, où l’impressionnant travail de Wout van Aert avait permis au Danois de lâcher le Slovène. Ces images sont encore dans toutes les mémoires.
Jonas Vingegaard pourra de nouveau s’appuyer sur le Belge cette année, ainsi que sur Matteo Jorgenson, Simon Yates, Sepp Kuss, Wout van Aert, Victor Campenaerts, Tiesj Benoot et Edoardo Affini. Il s'agit là d'une équipe redoutable. Bien sûr, Tadej Pogacar ne sera pas en reste, entouré notamment de João Almeida, Adam Yates, Pavel Sivakov et Marc Soler. Mais la formation Visma-Lease a Bike a montré par le passé qu'elle était capable de grandes choses, lorsque van Aert a abattu un travail considérable donc, ou encore sur l'étape du Granon.
Athlète discret, Vingegaard n'a peut-être pas l'aura d'un Tadej Pogacar. Il a cependant su s'imposer dans son collectif et devenir un leader respecté. Un coureur pour qui ses coéquipiers sont prêts à tous les sacrifices, quand UAE Team Emirates doit parfois composer avec une guerre d’ego en interne. Finalement, ce n’est peut-être pas sur les jambes de Pogacar ou Vingegaard que se jouera ce Tour de France plus reserré qu'il n'y paraît. Mais bien sur celles de leurs coéquipiers.