Lorsque la Coupe du monde débutera le 20 novembre au Qatar, les écrans de certains bars resteront noirs. Du moins en Allemagne. Plusieurs bars de Cologne ont ainsi décidé de boycotter l'événement, comme le rapporte le Stadt-Anzeiger de la ville. Sous le slogan «Pas de Qatar dans mon bar», le propriétaire d'un établissement de Düsseldorf a également lancé un mouvement, selon la chaîne de télévision WDR.
Les critiques à l'égard du Mondial 2022 sont tenaces. Elles concernent notamment le recours à la climatisation dans les stades, l'interdiction de l'homosexualité dans le pays et les conditions dans lesquelles les travailleurs immigrés ont bâti les infrastructures du tournoi (6500 ont perdu la vie sur les chantiers, selon The Guardian l'an dernier). Pourtant, l'évènement sera, cette année encore, suivi par plusieurs centaines de millions de spectateurs à travers le monde et les bars savent tout l'intérêt de le diffuser.
«On va doubler notre chiffre d'affaires durant le Mondial», annonce déjà Laurent Jaccard, le gérant du Bulldog Bar à Lausanne. On ne s'est jamais posé la question d'un boycott. Ce n'est pas à nous de juger les décisions des dirigeants du foot mondial.»
L'employé à ses côtés est un peu plus dubitatif: «Ethiquement, je suis d'accord que...». Que quoi?: «Le Mondial au Qatar, c'est un peu indécent quand on sait ce qu'il s'y passe en termes de droits de l'Homme et d'environnement. J'ai vécu au Népal pendant six mois, j'ai rencontré des gens dont certains membres de la famille sont partis au Qatar pour construire les stades et ils les ont jamais revus.»
Sensible à la situation sur place, le gérant du bar Didi Offensiv à Bâle va organiser «une conférence avec Rita Schiavi, qui a travaillé pour Unia et est active dans les syndicats internationaux. Elle s'est rendue plusieurs fois au Qatar et a visité des chantiers». Pas question pour autant de renoncer au Mondial. «Nous allons montrer les matchs, assure Beni Pfister. Nous sommes un bistrot de football et nous souffrons encore des effets du Covid. Nous ne pouvons pas renoncer à ces recettes.»
Le boycott organisé par certains de ses confrères en Allemagne le laisse perplexe. «Si ce sont des bars qui n'ont pas grand-chose à voir avec le sport et qui se prévalent de considérations éthiques et morales, j'ai du mal.»
Comme Laurent Jaccard à Lausanne, lui aussi se montre fataliste:
Les gérants que nous avons contactés reconnaissent un certain malaise, mais estiment que les enjeux du tournoi dépassent de loin leur activité de tenancier. Le Mr Pickwick à Genève diffusera toutes les parties car «à la fin, c'est du business». Le Sportbar Bärn aussi, même si Luc Estermann a hésité. «Nous avons dû peser le pour et le contre entre notre position critique et un service rendu à toute la communauté des fans de football en Suisse, explique le gérant. Comme nous sommes un prestataire de services qui veut offrir quelque chose à ses fans et non pas les énerver, nous avons décidé de diffuser les matches de la Nati et certainement toutes les parties dès les quarts de finale.»
Le tournoi s'étend du 20 novembre au 18 décembre. A cette période, il sera difficile pour les bars de proposer des matchs en terrasse, si bien que leur chiffre d'affaires en sera affecté. Diffuser les rencontres en salle leur apparaît comme une moindre mesure.
Collaboration: Stefan Ehrbar