Les dirigeants de Manchester United craignaient un grand mouvement de protestation. Une réaction collective et spectaculaire autour du stade, peut-être même sur la pelouse, comme en mai 2021, lorsque les fans avaient sauté sur les planches du théâtre des rêves, provoquant le report du même Manchester-Liverpool.
Le match a finalement bien eu lieu, mais le cortège de mécontents devant le stade aussi.
Ce que les supporters de United reprochent aux propriétaires, c'est la double crise structurelle et sportive qui secoue le club, et que la victoire contre Liverpool lundi soir (2-1) n'a pas suffi à éteindre.
«La prise de contrôle du club par les Glazer est le casse du siècle, un braquage absolu, résume le journaliste Romain Molina dans l'une de ses dernières vidéos. L'exaspération des fans est compréhensible: ils sont pris pour des imbéciles depuis l'arrivée des Américains en 2005.» Selon lui, la famille Glazer considère l'un des clubs mythiques du football comme une immense vache à lait, qu'elle ne cesse de traire. «Les propriétaires vivent très bien sur le dos de la bête», assure-t-il. Une situation que les supporters attachés aux Red Devils ne peuvent plus supporter.
Il suffit de considérer les chiffres pour se rendre compte que la richissime famille de Floride vit mieux que le club (dernier de Premier League): aucun autre propriétaire du championnat anglais n'a pris autant de dividendes que les Glazer depuis leur arrivée dans le foot british.
Si on remonte encore un peu le cours du temps, on s'aperçoit que depuis 2005, les propriétaires se sont versés 600 millions de francs suisses de dividendes. Une somme énorme quand on sait que Man Utd est actuellement endetté à hauteur de 700 millions de francs.
«Plus d'un milliard a été sorti du club par les Glazer, dont 743 millions de taux d'intérêts, poursuit Molina. Aucun club en Premier League, même Tottenham qui possède un nouveau stade, a des chiffres pareils.»
Le résident d'Old Trafford se porte pourtant bien, puisque ses revenus commerciaux ont augmenté de 500% de 2005 à 2020, mais sur le terrain, c'est beaucoup plus compliqué. L'Equipe rappelle que lors de trois des quatre dernières saisons, Man Utd a fini à 32 points ou plus du champion d'Angleterre. Il ne s'est même pas qualifié pour la Ligue des champions en fin de saison dernière.
Ces résultats sanctionnent une absence de vision à long terme. Car si United a de l'argent, s'il est même le club qui a le plus dépensé sur le marché des transferts (1,8 milliard de francs) depuis 10 ans, il ne parvient pas pour autant à avoir une équipe compétitive et, plus grave encore pour les supporters mancuniens, un projet d'avenir.
Fin connaisseur du foot anglais, le journaliste Vincent Duluc estime que «passer de Frenkie de Jong à Adrien Rabiot puis à Casemiro montre un club qui ne sait pas de quel joueur il a besoin». Il rappelle aussi les montants fous que le club a posés sur la table cet été: 80 millions pour un joueur de 30 ans (Casemiro), 100 millions pour la venue de l'attaquant brésilien Antony (8 buts en 23 matchs la saison dernière) et 60 millions pour Lisandro Martinez.
Si Manchester achète autant de joueurs, c'est aussi parce qu'il ne sait plus très bien quoi faire de ceux qu'il a déjà. Lundi soir, la superstar Cristiano Ronaldo et le capitaine Harry Maguire ont tous les deux débuté sur le banc. Ils étaient pourtant des cadres de l'équipe la saison dernière: le premier avait disputé 38 matchs, le second 37.