«Le club va changer de dimension et viser de nouveaux succès». Ce sont les mots du communiqué du Paris FC, jeudi dernier, annonçant l'officialisation de son rachat. Et on veut bien les croire: le nouveau propriétaire s'appelle Bernard Arnault (75 ans), cinquième fortune mondiale (179 milliards de dollars) et PDG du groupe LVMH.
Sans compter que l'actionnaire minoritaire sera Red Bull, multinationale des boissons et au bénéfice d'une grande expérience dans le football.
Si ce rachat permet à l'actuel deuxième de Ligue 2 de rêver grand, il devrait aussi, tout bientôt, corriger une anomalie. Paris et ses onze millions d'habitants (soit la deuxième métropole d'Europe, derrière Moscou) ne compte en effet qu'un club en première division: le Paris Saint-Germain. Et ce depuis 34 ans.
A titre de comparaison, il y a sept équipes londoniennes en Premier League. Madrid dispose de quatre représentants en Liga et Rome de deux en Serie A. Six clubs stambouliotes jouent cette saison en première division turque. Et, à Berlin, Union et Hertha ont récemment disputé plusieurs saisons ensemble en Bundesliga.
Tout semble pourtant réuni pour que le PSG ne soit pas le seul ambassadeur parisien en Ligue 1. La région est un immense vivier de footballeurs talentueux (8 des 23 Bleus champions du monde en 2018 en provenaient) et elle compte plusieurs clubs de tradition. En 1932, quatre d'entre eux participaient à la première édition du championnat de France. Mais depuis, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts de la Seine.
Les années 1960 marquent un tournant, qui explique cette spécificité de la capitale française. Et même de tout l'Hexagone, où la règle est: une ville, un club. A cette époque, de nombreuses équipes font face à des soucis financiers, consécutifs à la Seconde guerre mondiale. Résultat?
«Les mairies multiplient les fusions entre clubs d’une même ville, afin de regrouper leurs subventions», explique dans Ouest-France le chercheur Loïc Ravanel.
Paris n'échappe pas à la règle. Certains de ses représentants disparaissent. Au point qu'à la fin de cette décennie, la ville se retrouve sans aucun club en première division. C'est pour combler ce vide que le PSG est créé au début des années 1970, sous l'impulsion de la fédération française.
Et puis, Paris n'est pas qu'une ville de football. Loin de là. Chacun de ses visiteurs peut s'en rendre compte. La Ville Lumière brille avant tout pour ses théâtres, cabarets, musées ou restaurants. Autant de divertissements qui concurrencent le sport-roi, que ce soit au niveau du public ou du mécénat.
D'ailleurs, le naufrage dans les années 80 du Matra Racing, l'une des tentatives de faire grimper un deuxième club parisien dans l'élite, a eu de quoi décourager les futurs potentiels investisseurs.
Mais il n'est pas uniquement question d'investissements financiers pour faire tenir une équipe en haut de l'échelle. Il faut aussi que les supporters s'investissent. Au sens premier. Emotionnellement. Or, c'est plus dur de le faire sur les bords de la Seine, où le football n'est pas identitaire, que sur ceux du Bosphore, par exemple.
A Istanbul, Galatasaray représente l'aristocratie, Fenerbahçe le peuple et Basaksehir un quartier très conservateur. «Paris est une ville de provinciaux, dont le sentiment identitaire est davantage porté vers la ville d’origine», résume l'historien du sport Paul Dietschy, toujours dans Ouest-France. De quoi donc, pour ses «immigrés», soutenir plutôt Nantes, Lyon ou Toulouse, par exemple.
La capitale française fait également face à un problème très concret: le manque d'infrastructures. On parle à la fois des stades et des centres d'entraînement. La faute à une bétonnisation extrême et des loyers très chers, qui empêchent l'aménagement d'espaces dévolus au football. L'Equipe dénombre seulement cinq enceintes de plus de 5'000 places à Paris, contre 22 à Londres. Difficile de faire émerger un cador du foot national dans ces conditions...
Le Paris FC, lui, continuera d'évoluer au Stade Charléty la saison prochaine, qu'il soit en Ligue 1 ou en Ligue 2. Cette arène de 19'000 places devrait faire l'affaire pour tenter de s'établir durablement en première division, même si les puristes lui reprocheront sa piste d'athlétisme.
Désormais, avec le rachat du club, c'est aussi sur le rectangle vert que les pensionnaires de Charléty rêvent d'Olympe.