Lorsqu'un entraîneur est démis de ses fonctions, il se tait d'abord pendant quelques jours et il lui faut du temps pour retrouver confiance en lui, bonne humeur, optimisme et charisme. Toutes des qualités essentielles pour diriger un groupe de jeunes hommes qui sont payés pour jouer. Et pas pour travailler.
Ou comme l'a si bien raconté un jour le grand Franz Beckenbauer – lorsqu'il était entraîneur de la sélection allemande de football – après une Coupe du monde: il avait vécu pendant des semaines avec des personnes difficiles à éduquer et ressentait désormais le besoin d'être un peu seul.
La particularité du licenciement de Christian Wohlwend?
Ses deux prédécesseurs depuis le retour d'Ajoie dans l'élite en 2021 – Gary Sheehan, héros de la promotion et du sacre en Coupe, et l'ancien sélectionneur tchèque Filip Pesan – avaient connu le même sort.
C'est aussi pour cette raison que Christian Wohlwend n'a pas perdu son optimisme:
Le Grison fait savoir qu'il a toujours été traité de manière juste et que la défaite de samedi contre Genève (3-6) était simplement celle de trop. Il gardera un excellent souvenir de son passage à Ajoie. Après tout, il est le premier entraîneur depuis la promotion à avoir tenu plus d'une saison sur le banc ajoulot.
Dans son cas, «échec» n'est pas le terme approprié. En fait, le coach d'une lanterne rouge finit généralement toujours par devoir faire ses valises. Peu importe qu'il soit célèbre ou non, qu'il soit coupable ou non de la situation, qu'il soit compétent ou non.
Ces questions sont légitimes: la National League est-elle sportivement trop forte pour Ajoie? N'a-t-on pas réussi à renforcer l'équipe l'été dernier? Et les étrangers sont-ils suffisamment bons?
Oui, si nous considérons les possibilités économiques du HC Ajoie, la National League est trop forte pour lui. Le club jurassien ne peut pas se permettre des «transferts royaux» de joueurs suisses, qui renforcent véritablement une équipe et ne se contentent pas de juste compléter l'effectif.
Mais si nous prenons comme critères la passion des fans et la culture du hockey dans le Jura, le HC Ajoie a sa place dans l'élite. Il fait d'ailleurs du bien à la National League.
Quant aux transferts, le directeur sportif Julien Vauclair a bien bossé cet été, avec des moyens restreints. Mais les nouvelles recrues ne sont «que» de bons joueurs utiles à élargir le contingent. Ils ne sont pas des leaders.
Et oui, les nouveaux étrangers finlandais ont beaucoup de talent.
Julius Nättinen (2 buts) et Oula Palve (1 but) sont des papillons de nuit qui déploient leurs ailes quand les conditions sont bonnes. Mais dès qu'il fait plus froid, ils les replient. Ils n'ont jamais été et ne seront jamais des leaders. Et ils ne sont pas à l'aise défensivement. Statistiquement, les deux ont des bilans nettement négatifs.
S'agit-il pour autant d'erreurs de casting? Non. Il y avait des chances qu'ils se sentent à l'aise dans le climat très particulier du hockey romantique jurassien.
Lors de sa première saison, Christian Wohlwend a fait progresser Ajoie. Lors du dernier exercice, et ce pour la première fois depuis leur promotion, les Ajoulots n'étaient plus derniers dans deux statistiques significatives: les buts encaissés et ceux marqués. Dans ces deux cas, c'était Kloten le cancre.
Un constat qui nous avait poussés à faire le pronostic audacieux pour cette saison: Ajoie 13e du classement, Kloten 14e.
Autrement dit: Kloten a réussi à mettre de l'ordre dans le chaos et à concrétiser son potentiel. Le HC Ajoie, lui, n'avait rien à ranger, mais il a coulé.
C'est aussi le fait que le championnat soit très équilibré qui a été fatal à Christian Wohlwend. Dans cette National League, chaque point compte. En perdre contre Ajoie peut coûter cher à une équipe de pointe, qui risquerait de manquer sa qualification directe pour les play-offs, par exemple.
Les «points gratuits» face à des cadors en dilettante, c'est fini! Les Ajoulots, bien que notoirement à la dernière place, sont pris au sérieux par les adversaires et ne sont ainsi plus sous-estimés.
Christian Wohlwend n'est ni frustré ni épuisé, comme le sont habituellement les entraîneurs après un licenciement. Il avoue même:
Le Grison a prouvé à Davos puis à Ajoie qu'il est capable de diriger une équipe dans l'élite. En fait, un échec à Ajoie est tout à l'honneur d'un coach: celui qui accepte ce poste fait preuve de courage et n'a pas peur d'un immense défi. Et celui qui, ensuite, tient plus d'une saison sur le banc jurassien démontre des qualités de manangement même dans les conditions les plus difficiles.
C'est désormais le directeur sportif Julien Vauclair qui assurera l'intérim, jusqu'à ce qu'il déniche un nouveau technicien. Il était déjà venu derrière la bande après les licenciements de Gary Sheehan et Filip Pesan. C'est logique et ça ne coûte rien.
Ajoie n'échappera pas aux play-outs, qui opposent le 13e au 14e de National League.
Et, en cas de défaite dans ceux-ci, il faudra ensuite tenir bon contre le champion de Swiss League (le barrage aura lieu si ce derier s'appelle Viège, Olten ou La Chaux-de-Fonds).
Pour rappel: il y a deux ans, les hockeyeurs de Porrentruy avaient assuré leur maintien contre La Chaux-de-Fonds. La saison passée, tous les prétendants à la promotion (les équipes autorisées à monter) avaient échoué en demi-finales des play-offs de Swiss League. Conséquence: le barrage face au cancre de National League avait été annulé.
P.S.: Christian Wohlwend pourra sans doute garder la veste d'hiver sur mesure d'un sponsor du HC Ajoie, qui a finalement été livrée il y a quelques jours: elle est trop petite pour Julien Vauclair.
Traduction et adaptation en français: Yoann Graber