L'Espagne a retrouvé son jeu et sa joie. Elle rappelle quelqu'un
Il y a des similitudes troublantes entre la Suisse et l'Espagne, que le destin réunit vendredi en quart de finale de l'Euro (18 h).
- Toutes deux ont laissé une impression assez sinistre en phase de poules (avant que cette basse-cour ne perde son coq), à l'exception d'un dernier match fougueux contre des adversaires en crise; la Turquie pour la Suisse (3-1), la Slovaquie pour l'Espagne (5-0).
- Toutes deux ont échappé à une élimination embarrassante en exhumant des valeurs anciennes, profondément humaines, de générosité et de cohésion.
Le onze espagnol contre la Croatie
- Toutes deux ont surmonté des doutes sur leur implication, des critiques sur leur coach, des débats identitaires sur leurs origines, et ont activé les ressorts classiques du «seul contre tous», quand des unités fragiles se regroupent autour d'un ennemi commun - jusqu'à s'abêtir de divagations paranoïaques.
- Toutes deux, en huitième de finale, se sont qualifiées dans des circonstances rocambolesques, un petit miracle dont ils tirent une foi immense, certes, mais aussi des leçons de vie, «toujours aller de l'avant, avec nos points forts», pour Luis Enrique, «ne jamais renier nos principes» pour Vladimir Petkovic.
- Toutes deux ont retrouvé leur jeu et leur joie, l'allant de ceux qui sont partis de rien, bientôt revenus de tout.
Le résumé d'Espagne - Croatie (5-3 ap)
Dans le jeu, c'est différent
Seul le style diffère, pour des raisons éminemment philosophiques et culturelles. «L'Espagne a retrouvé sa force collective», admire Gérard Castella, ancien chef de la formation à YB et entraîneur de la Suisse M19 et M17 (notamment).
Luis Enrique a également relancé Sergio Busquets, effacé à Barcelone et à nouveau au coeur des actions espagnoles, qualités complètes, influence discrète, un joueur d'une autre planète.
Busquets homme du match pour la deuxième fois 😎 pic.twitter.com/LTVw3ZXWvY
— FR Barça (@FRBarca_) June 28, 2021
La zone couverte par Busquets lundi
Comme dit un vieil adage catalan, «si vous regardez le match, vous ne voyez pas Busquets; mais si vous regardez Busquets, vous voyez tout le match».
Des failles en défense
Quand elle n'a pas le ballon, soit un tiers du temps, l'Espagne devient vulnérable, observe Gérard Castella:
Sergio Ramos et Gerard Piqué sont absents, remplacés par un naturalisé de dernière minute, l'ex-Français Aymeric Laporte, et par un éternel néophyte, Eric Garcia, douze bouts de match cette saison avec Manchester City (qui en a disputé soixante).
Le destin a joué en la faveur d'Aymeric Laporte, qui file en quarts de finale de l'#EURO2020 en ayant choisi l'#ESP après avoir senti qu'il ne serait pas dans les plans de Didier Deschamps avec la #FRA cet été. pic.twitter.com/N6iJe188PN
— Instant Foot ⚽️ (@lnstantFoot) June 28, 2021
Gérard Castella insiste sur ce point:
🇨🇭Les clés du match🇪🇸
«Si la Suisse affiche la même envie et la même concentration que face à la France, elle aura sa chance», soutient Gérard Castella, qui donne quelques règles à suivre:
- «Il faudra presser l'Espagne, avoir le courage d'aller la chercher haut pour l'empêcher de développer ses actions»
- «Il faudra gagner les duels, notamment les uns contre uns. Ce n'est pas sexy mais on y revient toujours...»
- «Il faudra choisir ses moments. Tant que l'Espagne se passe la balle, il n'y a pas de problème. Mais parfois, la Suisse devra s'interposer, arracher le ballon des pieds de l'adversaire, pour porter le danger.»
Gueules de bois ou gueules de vainqueur?
Se pose la question fondamentale du besoin viscéral, si l'exploit contre la France, pour la génération Xhaka, est l'aboutissement d'une longue attente, ou le commencement d'une marche historique.
Pour les avoir entraînés à l'adolescence, Gérard Castella ne pense pas que ces joueurs-là portent l'héritage de leurs aïeux, plus modestes et respectueux des hiérarchies:
Gérard Castella voit plutôt la victoire contre la France comme un acte fondateur, une première pierre à l'édifice - au moins une que l'on ne jettera pas à la face de Petkovic.