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Interview

Le traité sur les pandémies de l'OMS inquiète en Suisse

Interview avec Martin Leschhorn de Medicus Mundi Suisse, un réseau d'organisations de santé et d'aide.
Interview avec Martin Leschhorn de Medicus Mundi Suisse, un réseau d'organisations de santé et d'aide.
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«Pendant la pandémie, certains Etats se sont montrés égoïstes»

Afin de mieux se prémunir contre les crises sanitaires mondiales, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) développe un traité mondial sur les pandémies. Les opposants aux mesures de l'époque du Covid-19 craignent que la Suisse perde son indépendance. Interview avec un expert.
01.04.2024, 06:59
Bruno Knellwolf / ch media
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Si un nouvel agent pathogène venait à apparaître, une nouvelle pandémie pourrait secouer la planète. Pour s'y préparer, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a commencé à élaborer un traité mondial sur les pandémies. Après sept cycles de négociations, l'organisation internationale a développé un projet de texte qui sera voté en mai 2024 lors de la 77e Assemblée mondiale de la santé de l'OMS à Genève.

Parallèlement à cela, le règlement sanitaire international de l'OMS, qui existe depuis les années 1970, est en cours de révision. Il est prévu que ces changements soient adoptés en même temps que le traité sur les pandémies.

Le futur pacte comprend une multitude de mesures:

  1. La gestion des agents pathogènes
  2. Le développement de médicaments et de vaccins
  3. L'acquisition et la distribution des moyens médicaux
  4. La sensibilisation de la population

Certaines voix critiques à l'égard de ces mesures estiment que la Suisse risque de perdre sa souveraineté si elle signe le traité sur les pandémies. Martin Leschhorn de Medicus Mundi Suisse, un réseau d'organisations de santé et d'aide, nous livre son analyse.

Selon vous, un traité sur les pandémies est-il nécessaire?Martin Leschhorn: Oui, il nous faut un instrument pour mieux nous préparer aux futures crises sanitaires mondiales. Le règlement international existe depuis longtemps et sera peut-être encore amélioré.

«C'est une bonne base, mais il ne suffit pas, comme nous l'avons vu lors de la dernière pandémie»

De notre point de vue, un tel règlement est surtout destiné aux populations des pays à faible revenu qui font déjà face des problèmes de santé permanents comme la tuberculose, la malaria et le VIH.

A quoi sert une telle réglementation internationale?
Lors de la pandémie de Covid-19, on a pu constater que les échanges internationaux ne fonctionnaient pas suffisamment bien dans différents domaines, notamment en ce qui concernait l'échange d'informations et de données sanitaires, mais aussi l'accès aux vaccins et au matériel. Par exemple, l'Inde, un important fournisseur de vaccins, a fermé ses frontières pendant la pandémie et n'a plus livré de vaccins.

«L'équité de la distribution de produits médicaux doit également être améliorée dans le cas d'une nouvelle pandémie»

Comment le traité sur les pandémies est-il né?
Forte de l'expérience de la pandémie, l'OMS a voulu créer des règles contraignantes. C'est pourquoi les Etats membres de l'OMS se sont engagés dans un processus de négociation fortement politisé. Le texte du traité sur la pandémie est comme un arbre de Noël: tous les pays y ont ajouté ce qu'ils souhaitaient à un moment donné. Cela a compliqué les négociations dès le début, et elles en souffrent encore aujourd'hui.

Quelles choses seront améliorées par les recommandations du traité sur les pandémies?
Tout d'abord, le traité veut améliorer l'échange de données, afin que les informations sur les virus, les bactéries et les thérapies circulent mieux entre les Etats. Ensuite, il sera question de données sur la santé des patients, d'analyses biomédicales du génome, et plus généralement d'échanges de connaissances afin que les instituts de recherche puissent collaborer et réagir lorsqu'une pandémie se profile à l'horizon.

Les voix critiques à l'encontre des mesures Covid-19 disent qu'un tel contrat détruirait la souveraineté de la Suisse. Ont-elles raison?
Non, l'OMS n'est pas une sorte de super-gouvernement qui peut décider et imposer quelque chose indépendamment de la volonté des pays membres. Sa force et sa faiblesse dépendent de la coopération entre les pays.

«Mais l'OMS peut déclarer des crises sanitaires, comme dans le cas de la pandémie de Covid-19, et déclencher ainsi un mécanisme pour les combattre. Cela crée une certaine pression pour que, par exemple, un pays fournisse des données sur l'apparition d'une épidémie.»

C'est logique et dans l'intérêt de tous, car sinon les différents gouvernements ne peuvent pas prendre de mesures pour lutter contre la pandémie.

Les voix critiques disent aussi que les recommandations du traité sont en réalité des ordres. Qu'en pensez-vous?
Ce ne sont certainement pas des ordres: l'article 24.3 les exclut même explicitement.

«L'OMS n'aurait pas non plus d'instruments de contrainte pour imposer quoi que ce soit»

Au final, ce sont toujours des recommandations. On peut prendre l'exemple de la convention sur le tabac, qui a un statut juridique comparable à celui du traité sur les pandémies. Bien qu'il s'agisse de l'instrument le plus puissant de l'OMS, sa mise en œuvre en Suisse montre à quel point un tel accord est faible. Le Conseil fédéral a signé la convention sur le tabac, mais le Parlement ne l'a toujours pas ratifiée.

En Suisse, les mesures Covid ont été plus modérées que dans les pays voisins. Cela reste-t-il possible avec le traité sur les pandémies?
Le traité sur les pandémies ne change rien à cela. Au final, ce sont les gouvernements qui décident des mesures, comme le montre l'exemple de la convention sur le tabac. En Suisse, les cantons ont également leur mot à dire dans de telles décisions. Les mesures continuent d'être définies au niveau national. Pendant la pandémie de Covid-19, on a même vu que les Etats ont parfois réagi de manière beaucoup trop égoïste.

Y a-t-il des points délicats?
Oui, par exemple l'échange de données relatives à la santé. Ces données ont une grande valeur – on les qualifie parfois «d'or du 21e siècle». De nombreux intérêts sont en jeu, et garantir la sécurité des données est important mais difficile. Les données de santé, qui sont centrales pour la recherche, ne peuvent circuler que de manière anonyme.

Quels désavantages le traité sur les pandémies pourrait-il avoir?
Le traité a été construit sur le modèle de la pandémie de Covid-19 parce qu'on ne veut plus faire les mêmes erreurs. Mais un tel traité doit être réaliste par rapport aux scénarios futurs. Peut-être s'agira-t-il à nouveau d'un virus, mais il se peut aussi qu'il y ait d'autres pathogènes contre lesquels on ne peut pas développer de vaccin. Le deuxième problème est que la situation géopolitique a beaucoup d'influence sur les négociations. Or, pour l'instant, le multilatéralisme fonctionne peu.

«De plus, il y a un conflit Nord-Sud latent. Les pays africains sont courtisés par la Russie, la Chine et le Brésil»

Ceux-ci ont de forts intérêts économiques propres qui ne correspondent pas en soi aux intérêts des pays d'Afrique australe. Cela rend la conclusion d'un traité sur les pandémies difficile. Je pense plutôt qu'il s'agira d'un miracle s'il voit vraiment le jour.

La ratification est-elle vraiment si incertaine?
Les négociations devraient être terminées en mai, et il est peu probable qu'elles se poursuivent ensuite. On craint en effet que les choses ne deviennent encore plus difficiles si Trump accédait à la présidence des Etats-Unis. Peut-être que la pression du temps conduira finalement à une solution pragmatique – ce serait à souhaiter.

Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci

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