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Comment la Suisse a rendu ses trains sexy

Comment les transports publics font-ils pour avoir autant la cote?
Les transports publics suisses ne cessent de gagner en popularité.Image: KEYSTONE

Comment la Suisse a rendu ses trains sexy

Alors que l'utilisation de la voiture stagne et que celle du vélo baisse, celle des transports en commun ne cesse de progresser. En cause: les embouteillages, l'étendue de l'offre et la société post-Covid.
04.11.2025, 05:3604.11.2025, 05:36
Stefan Ehrbar / ch media

Le Tessin sera bientôt desservi à un rythme de RER. A partir du changement d’horaire du 14 décembre, les week-ends, 30 trains directs par jour quitteront la gare centrale de Zurich en direction du sud. Le trafic augmentera également en direction des Grisons ainsi qu’entre Bâle et Bienne.

Cette extension est nécessaire, car les transports publics sont plus utilisés que jamais. Depuis la pandémie, ils regagnent des parts de marché de manière étonnamment rapide. Selon les chiffres de la Confédération, en 2023, 22,5% des kilomètres parcourus dans le pays l’ont été en transports publics. La marche et le vélo ne sont toutefois pas inclus dans ces statistiques.

Nos calculs montrent qu’en 2024, la part des transports publics a encore augmenté pour atteindre 22,9%, et pourrait grimper à 23,3% cette année. Cette croissance s’est récemment accélérée. Selon le service d'information pour les transports publics Litra, le nombre de kilomètres parcourus en train au troisième trimestre a augmenté de 4,5% par rapport à la même période de l’année précédente.

Le trafic routier motorisé privé n’a, en revanche, augmenté que faiblement ces derniers temps. En 2024, les voitures particulières ont parcouru 1% de kilomètres de plus que l’année précédente. L’usage du vélo, lui, est resté stable.

Le monde de l'après-Covid

La situation avait pourtant longtemps été défavorable aux transports publics. En 2007, leur part avait atteint 20,6%, notamment grâce au programme d’expansion ferroviaire Rail 2000. Mais les années suivantes ont été marquées par une stagnation, voire un léger recul.

Durant la crise du coronavirus, la part de marché des transports publics était tombée à 17,6% en 2020. Celle-ci est ensuite rapidement repartie à la hausse. Depuis 2020, la progression atteint environ 5,3% et, par rapport à 2019, affiche un gain de 2,2%.

Les critiques à l’égard du secteur des transports publics — les soupçons de l'abandon du demi-tarif, des problèmes rencontrés avec les trains duplex de Bombardier FV-Dosto, ou encore des tarifs jugés trop élevés — n'auront pas eu raison de l'attrait des transports publics pour les Suisses.

Plus d'offres et d'attractivité

La popularité croissante des transports publics s’explique par plusieurs facteurs.

  • De nouveaux billets. L’organisation faîtière de la branche, Alliance Swisspass, a lancé de nouveaux abonnements et de nouveaux titres de transport. Le demi-tarif Plus, une sorte de crédit prépayé offrant une réduction, a largement dépassé les attentes du milieu. En 2024, plus de 200 000 demi-tarifs plus ont été vendus, soit quatre fois plus que prévu. Autre nouveauté, l'AG Night permet aux jeunes jusqu’à 25 ans de voyager librement à partir de 19h jusqu’à la fin du service, et le week-end jusqu’à 7h du matin. A la fin de 2024, plus de 100 000 exemplaires avaient été écoulés. Très appréciée également, la nouvelle carte journalière Friends permet aux jeunes de voyager ensemble à prix avantageux dans les transports publics.
  • Une attractivité renforcée par rapport à la route. Sur les routes, les embouteillages et le temps perdu à cause d'incidents augmentent fortement. L’an dernier, la Confédération a recensé plus de 55 000 heures de bouchons sur le réseau autoroutier, soit une hausse de 13,9% par rapport à l’année précédente. Dans les régions particulièrement touchées, comme la grande région zurichoise ou le Gothard, cela incite sans doute de nombreux automobilistes à se tourner vers les transports publics.
  • L’extension de l’offre. Ces dernières années, de nombreuses lignes ont vu leur fréquence augmenter, que cela soit pour les trains, les bus ou les trams. L’accent a souvent été mis sur les liaisons de loisirs, où les transports publics détiennent une part de marché plus faible que dans les trajets pendulaires. Un potentiel encore largement inexploité. Parmi les nouvelles offres figurent par exemple les «trains de randonnée» du BLS reliant Bienne à l’Oberland bernois et à Brigue les week-ends, ou encore les trains directs des CFF entre Zurich et Einsiedeln pendant la saison de ski de fond. Cette expansion se poursuit, et à partir du changement d’horaire du 14 décembre, les trains de la ligne 15 du RER zurichois seront prolongés les week-ends jusqu’à Coire, afin de transporter directement les amateurs de sports d’hiver de l'Oberland zurichois vers les Grisons.

Moins de trafic pendulaire, plus de loisirs

L’accent mis sur le trafic de loisirs s’explique largement par les transformations survenues depuis la crise du coronavirus. Depuis, le télétravail s’est imposé dans de nombreuses entreprises. Cette évolution a nui aux lignes dédiées au trafic pendulaire. Dans des villes comme Zurich, Berne ou Bâle, qui comptent de nombreux emplois de bureau, la fréquentation des transports publics restait l’an dernier inférieure à celle de 2019.

Ce changement de l’utilisation des transports publics vers les loisirs se confirme dans les données. A Zurich par exemple, les transports publics de la ville (VBZ) montrent qu'entre 2019 et 2024, sur leur ligne urbaine 11 — une des plus fréquentées de Suisse, qui relie un quartier du centre-ville à la gare —, la fréquentation et la répartition horaire des passagers n’ont pratiquement pas changé. Ceci à comparer avec la population de la ville, qui a augmenté de 3,4% et le nombre d’emplois en hausse de 9,9% sur la même période.

Seuls les trams de fin de soirée et de week-end affichent une occupation nettement plus élevée qu’en 2019, signe clair d’une utilisation accrue des transports publics pour les activités de loisirs. Les témoignages de représentants d’autres entreprises de transport indiquent qu’un schéma similaire se dessine un peu partout.

Le futur dépendra des mesures d'économie

Quant à savoir si l'utilisation des bus, des trams et des trains continuera de progresser aussi fortement que ces dernières années, cela dépendra en partie des facteurs qui font habituellement leur succès, à savoir la ponctualité, la propreté ou la sécurité.

Les représentants du secteur craignent toutefois que la reprise des transports publics ne soit freinée par les efforts d’économie de la Confédération. Celle-ci souhaite notamment augmenter le taux de couverture des coûts dans le transport régional de voyageurs, ce qui pourrait entraîner des hausses des tarifs ou une réduction de l’offre. L’expérience des années 2010 l’a pourtant montré, sans amélioration constante des prestations, les transports publics ne gagnent pas de part de marché.

Quid du vélo?

Selon les chiffres de la Confédération, près de trois millions de personnes utilisent au moins occasionnellement le vélo. Mais un problème se pose chez les plus jeunes. Entre 2000 et 2021, l’usage du vélo chez les enfants et les adolescents de 6 à 17 ans a diminué de moitié.

Le constat de l'abandon du vélo par les jeunes est expliqué par plusieurs causes. Une étude menée en 2018 par la Ville de Zurich montre que la sécurité et les infrastructures jouent aussi un rôle, car ce sont les parents qui décident souvent du moyen de transport. Une autre étude, publiée en 2023 par l’Université de Lausanne, constate que de plus en plus de parents préfèrent conduire leurs enfants à l’école. De nouvelles offres comme les trottinettes électriques pourraient également nuire à l’usage du vélo.

D’autres recherches suggèrent que le développement des transports publics contribue aussi à cette évolution. Les jeunes les préfèrent souvent parce qu’ils peuvent y passer du temps en groupe. La possibilité d’utiliser les réseaux sociaux pendant le trajet est également mentionnée.

Traduit de l'allemand par Joel Espi

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