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«Les jeunes Suisses ont perdu 30% de leurs capacités cardiovasculaires»

Junge Athleten trainieren Unihockey, am Talent Treff Tenero von Swiss Olympic, einer Versammlung aller vielversprechenden Athleten der Schweiz, im Nationalen Jugendsportzentrum von Tenero, am Montag,  ...
Image: TI-PRESS
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«Les jeunes ont perdu 30% de leurs capacités cardiovasculaires»

Les adolescents (12-18 ans) bougent moins que par le passé. Un expert de la santé tire la sonnette d'alarme: «On a très peur du désastre sanitaire qui s'annonce».
20.02.2023, 06:0920.02.2023, 11:24
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Rémi Stangret sensibilise depuis 15 ans la population aux méfaits de la sédentarité et ce qu'il découvre sur le terrain lui fait de plus en plus peur. Actif au sein de l'Institut des rencontres de la forme (Irfo), ce Français de 43 ans craint un problème de santé publique majeure si rien n'est fait. Interview.

Rémi Stangret, les chiffres que révèlent vos études auprès des jeunes sont très inquiétants.
Oui ils le sont. Je le dis et le répète: «Les jeunes ont perdu 30% de leurs capacités cardiovasculaires en 40 ans», selon un rapport de santé repris par la Société française de cardiologie. On a très peur du désastre sanitaire qui s'annonce, car si nos jeunes ne retrouvent pas la forme, c'est l'ensemble du métabolisme humain qui va s'affaiblir. Les problèmes d'hypertension, de cholestérol et diabète de type 2 vont se multiplier.

Quand vous dites «les jeunes», vous faites référence à quelle tranche d'âge?
Aux 12-18 ans.

30% de capacités perdues, concrètement, ça veut dire quoi?
Cela veut dire que nos ados mettent une minute de plus qu'il y a 40 ans pour courir un 800m (réd: une distance qui équivaut à deux tours de piste d'athlétisme). C'est une moyenne, bien sûr, mais elle est terrible.

Surtout que les écrans prennent davantage de place chaque année...
Oui. Les portables et tablettes sont toujours plus performants et arrivent toujours plus tôt dans les mains de jeunes enfants. Or quand ils sont devant leur écran, ils ne sont pas en train de bouger, ce qui affaiblit leurs capacités physiques générales.

4,5 heures par jour
Une étude menée par Addiction Suisse en 2020 estime que les jeunes Suisses de 11-15 ans passeraient en moyenne 4,5 heures par jour (8 le samedi et 8 le dimanche) devant un écran.

On voit pourtant de plus en plus souvent des émissions intitulées «La folie du running», ou encore: «Le trail fait un carton». Est-ce qu'on nous ment?
Non, c'est vrai qu'il y a plus de pratiquants dans ces disciplines, mais on parle de quantité. La densité de performance, elle, est plus basse qu'il y a 20 ans. Si vous prenez les 50 premiers d'une course aujourd'hui, vous constaterez que la moyenne des temps sera inférieure à celle d'il y a 20 ans.

C'est vrai: la preuve sur la course Morat-Fribourg (17,17 km)

En comparant les temps des 50 premiers, on s'aperçoit qu'ils étaient globalement meilleurs en 2002 qu'en 2022.

Le nombre d'heures de sport dans les écoles, que ce soit en France ou en Suisse, n'a pas beaucoup changé.
Non, en effet.

C'est donc en dehors des heures de classe qu'il faut sensibiliser la jeunesse.
Exactement, c'est le mode de vie qui est en jeu. Au risque d'être caricatural, on peut affirmer qu'une fois sortis de l'école, les ados sont plus nombreux à faire de la console qu'à jouer dehors avec leurs copains.

Peut-on craindre les effets du Covid sur le long terme? Des chercheurs de l'Université de Saint-Gall ont affirmé que les Suisses avaient pris 3,3 kg en moyenne durant la pandémie.
À ce sujet, on constate un double phénomène assez intéressant. C'est vrai que les 14-18 ans, ceux qui ont une certaine autonomie, se sont massivement désengagés des clubs de sport qui, tous, souffrent d'une diminution de licenciés. Mais à l'inverse, chez les plus jeunes, donc ceux entre 3 et 12 ou 14 ans, ceux que les parents amènent au sport, on a eu une explosion de demandes. Les parents, en restant à la maison en famille, se sont rendu compte que leurs enfants avaient besoin de bouger. Or plus tôt ils sont mis en mouvement et plus vite ils adopteront de bonnes habitudes. C'est encourageant.

Rémi Stangret.
Rémi Stangret.Image: DR

Observez-vous un comportement différent entre les jeunes issus des milieux urbains et ruraux?
Non. On constate en revanche que les inégalités sociales sont proportionnelles aux inégalités de santé: on a plus de chances de grandir en bonne santé et avec un mode de vie sain dans une catégorie socio-professionnelle supérieure. De même, le tissu associatif de proximité a un impact important: la présence de clubs de sport près du domicile favorise l'activité.

Quels sont les premiers signes physiques que vous observez chez les adolescents sédentaires?
On constate généralement un léger surpoids, voire de l'obésité. Puis viendront des facteurs de comorbidité associés à des pathologies à l'âge adulte telles que le diabète de type 2, l'hypertension et le cholestérol.

Un maître de sport nous disait récemment que le niveau en Suisse était catastrophique, certains élèves n'arrivant même pas à passer la corde à sauter au-dessus de leur tête.
Je ne suis pas étonné. Ce qui est très important dans ce cas, c'est de donner du sens à l'activité, d'expliquer aux jeunes pourquoi ils devraient faire de la corde à sauter. Ensuite, il s'agit de progresser sans brûler les étapes, selon la stratégie des petits pas. En France, nous avons encore des programmes d'enseignement où l'on demande à des enfants de courir (réd: c'est aussi le cas en Suisse). Or certains élèves en obésité en sont incapables. Ce n'est pas qu'ils ne veulent pas, mais ils ne peuvent pas. Ils sont en souffrance. Or si on les fait souffrir, ils vont rejeter la pratique.

On a aussi l'impression qu'en bougeant moins, il devient plus difficile pour les jeunes d'acquérir une compréhension de ce qu'est un mouvement physique, un geste.
Et même de l'intensité que cela requiert. Dans certains de nos programmes, il arrive que des ados se mettent en tête qu'ils ne sont pas capables de faire l'activité physique qu'on leur demande. Or quand on les fait bouger sur des choses simples, avec des petits challenges positifs et bienveillants, ils se rendent compte par eux-mêmes qu'ils ne sont pas si mauvais que ça. Donc vous avez entièrement raison, l'absence d'activité vient paralyser le cerveau. Ils se disent «je ne suis pas capable», ou «ça va être trop difficile» et du coup, ils ne le font pas.

Finalement, qu'est-ce qui a rendu nos enfants aussi sédentaires? À qui la faute?
(Il réfléchit longuement) Ah ça, c'est compliqué. Notre but n'est jamais de stigmatiser, ni de culpabiliser, car ce seront autant de freins à une évolution positive du comportement. On préfère chercher des solutions. L'une d'elles pourrait être l'introduction de cours de cuisine à l'école. Le changement passera de toute façon par de la prévention faite en classe pour réapprendre comment vivre en forme et en bonne santé.

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