Ce lundi 5 février, lorsque s'ouvre le journal du soir de 18 heures sur la BBC, il ne faut que quelques secondes aux téléspectateurs pour comprendre que quelque chose ne va pas. Les yeux rivés sur la caméra, l'air grave, la présentatrice porte un haut bleu foncé, presque noir, orné de dentelle. Une telle entrée en matière, au Royaume-Uni, est généralement synonyme de mauvaises nouvelles. Quelques secondes plus tard, le pressentiment s'est confirmé.
BBC News 0502024 - King Charles has been diagnosed with cancer (UK) / Bij koning Charles is kanker vastgesteld (VK) pic.twitter.com/LjUm4NKbtH
— john l (@Maeestro) February 5, 2024
Sur un ton laconique matiné d'accent britannique, la présentatrice poursuit la lecture du communiqué transmis par Buckingham Palace. «Lors de la récente hospitalisation du roi pour une hypertrophie bénigne de la prostate, un autre problème a été détecté. Des tests diagnostiques ultérieurs ont permis d'identifier un type de cancer. Sa Majesté a commencé, aujourd'hui, un plan de traitement régulier, dans le cadre duquel les médecins lui ont conseillé de reporter les obligations publiques».
«Le roi Charles III continuera à gérer les affaires de l'Etat et poursuivra ses formalités officielles écrites», poursuit-elle.
«Sa Majesté a décidé de partager son diagnostic avec le public afin d'éviter toute spéculation et dans l'espoir que cela puisse contribuer à la compréhension du public pour toutes les personnes touchées par le cancer dans le monde entier».
Malgré cette démonstration de transparence inattendue, le palais de Buckingham n'a pas précisé de quel type de cancer il s'agit. Ni la gravité de la maladie dont souffre le monarque.
La nouvelle du diagnostic a pris les Britanniques par surprise. Dimanche encore, le roi Charles et sa femme Camilla assistaient à un service religieux près de la propriété privée du roi à Sandringham, à environ deux heures et demie de route au nord-est de Londres. Il s'agissait de la première apparition publique du monarque depuis son traitement contre la prostate, une semaine plus tôt. Les images du couple souriant, saluant à la foule, ne laissaient alors rien deviner d'inhabituel.
Au cours de la soirée de lundi, ce sont d'innombrables messages de rétablissement qui ont afflué du monde entier. Du premier ministre Rishi Sunak au chef de l'opposition Keir Starmer, au président Joe Biden, aux Etats-Unis, qui s'est dit «inquiet», mais espérait pouvoir s'entretenir bientôt avec le roi.
Si la plupart des chaînes de télévision britanniques ont préféré s'en tenir à leur programme comme prévu, la BBC, elle, s'est concentrée sur la nouvelle du diagnostic jusque tard dans la soirée. La chaîne publique s'efforce visiblement de trouver un équilibre approprié dans sa couverture des questions relatives à la famille royale.
Et pour cause. Lorsqu'en avril 2021, le prince Philip, mari de la reine Elizabeth II, est décédé, la BBC a arrêté pendant plusieurs jours l'ensemble de ses programmes réguliers sur BBC News pour les remplacer par un suivi en direct de 24 heures sur la mort de ce royal de haut rang - et cela ne l'a pas empêché de diffuser, en parallèle, de nombreuses émissions spéciales sur ses autres canaux. Cette diffusion permanente n'a pas été appréciée de tous les Britanniques. Malgré le taux d'approbation généralement élevé de la monarchie britannique jusqu'à aujourd'hui, plus de 110 000 téléspectateurs de la BBC se sont plaints de l'orientation unilatérale du programme. L'une des réactions les plus négatives jamais enregistrées à l'égard des reportages de la BBC.
Les réactions ont été très différentes après le décès de la reine Elizabeth II, en septembre 2022. A l'époque, les chaînes de télévision du pays ont immédiatement modifié leurs programmes et se sont presque entièrement concentrées, pendant les dix jours de deuil, sur les cérémonies et les actes d'Etat qui ont suivi la mort de la monarque bien-aimée. Ce fut évidemment le cas de la BBC. La forte concentration sur la mort de la reine n'a alors pas déclenché de réaction négative. Seule une petite centaine de téléspectateurs se sont plaints.
La différence dans les réactions aux deux événements illustre à quel point les monarchies constitutionnelles dépendent de la perception du public. Et à quel point ce soutien public peut aussi rapidement basculer.
Le diagnostic surprenant du cancer de Charles devrait bientôt soulever une autre question. Capitale.
Charles a attendu toute sa vie pour monter sur le trône. Depuis, il a délicatement imprimé sa marque sur la couronne britannique. Jusqu'à présent, il a été bien accueilli par les Britanniques. Dans un sondage récent, plus de 50% des personnes interrogées ont estimé que Charles faisait du bon travail – contre seulement 9% qui pensent le contraire. Cependant, le plus grand défi de sa vie est encore à venir pour le roi. Après des années de chaos politique et économique, son pays se retrouve à nouveau confronté à une nouvelle incertitude.
(Traduit et adapté par Marine Brunner)