Une course à la présidentielle est jonchée d'embûches, d'adversaires, parfois de succès, mais aussi de déceptions. Francis Suarez est mal placé pour dire le contraire. Ce mardi, le maire de Miami est le tout premier candidat républicain à jeter l'éponge.
Sa course a été vaine. Et surtout très courte: il est l'un des derniers à avoir rejoint les autres candidats en lice, en juin dernier. Un marathon qui déborde alors déjà de candidats.
Peu importe. Francis Suarez affiche la confiance des débutants. Et pour justifier son retard dans les sondages, il a une excuse toute trouvée: «Mes adversaires sont des personnalités nationales depuis de nombreuses années. Je suis une figure nationale depuis 60 jours. Donc, vous savez, je concoure par derrière».
Ce qui n'empêche pas l'unique candidat d'origine hispanique de se montrer très sûr de lui. Parfois à l'excès. Rien ne le décourage. Pas même un flop monumental lors d'une interview accordée à une radio conservatrice, peu après le lancement de sa campagne. Quand le présentateur, Hugh Hewitt, lui demande s'il entend aborder la question des Ouïghours durant sa campagne, Francis Suarez répond:
«Les quoi?
«Les Ouïghours.»
«Qu'est-ce qu'un Ouïghour?»
De la confiance et, surtout, beaucoup de mauvaise foi. Interrogé un peu plus tard par CNN, le candidat nie en bloc cette gaffe en direct: «Bien sûr que je suis bien conscient des souffrances des Ouïghours en Chine. Ils sont réduits en esclavage à cause de leur foi. Je n'ai juste pas reconnu la prononciation utilisée par mon ami Hugh Hewitt».
Reste que les semaines avancent et que Francis Suarez peine à remplir les conditions nécessaires pour se qualifier pour le premier débat républicain à Milwaukee, le 23 août. Pas de quoi le faire paniquer. Quelques jours avant la date fatidique, il jure sur NBC News:
C'est qu'il y a plutôt intérêt, Francis Suarez. Le républicain a promis-juré-craché devant le monde enter de se retirer complètement s'il n'atteint pas les seuils de dons et de sondages requis indispensables pour cette symbolique victoire d'étape.
Dans la foulée, Francis Suarez parvient même à atteindre le nombre nécessaire de 40 000 donateurs individuels. Même si, pour ce faire, il doit avoir recours à des méthodes, pour le moins... peu conventionnelles. En échange d'un don d'un dollar, sa campagne propose pêle-mêle bons-cadeaux, billets pour assister aux débuts de Lionel Messi à l'Inter de Miami, ou encore un tirage au sort pour remporter une année universitaire gratuite.
Hélas, tous ces efforts n'ont pas suffi.
Aux portes du débat, la semaine passée, Francis Suarez échoue à percer dans les sondages nationaux. Il ne fera pas partie des neuf candidats qualifiés pour débattre en direct à la télévision.
Après quelques jours de silence, honteux mais fidèle à sa promesse, le maire de Miami a finalement annoncé son retrait de la course, ce mardi, par le biais d'un communiqué sur X (feu Twitter).
Avec cet abandon, restent désormais 12 candidats républicains pour se disputer sur le terrain. Sans compter une poignée d'anonymes, dont nous n'avons et n'entendrons jamais parler (après tout, se déclarer candidat à la présidentielle est à la portée de la plupart des Américains, les conditions de participation étant peu nombreuses).
Le peloton est encore lourdement chargé. Trop, pour les quelques conservateurs désireux de trouver une alternative à Donald Trump. S'ils veulent trouver un élu capable de trancher la tête de l'ex-président, le panel doit se réduire davantage. C'est loin d'être gagné. Seuls deux candidats, Donald Trump et Ron DeSantis, sont parvenus à atteindre un niveau de soutien à deux chiffres dans des sondages nationaux. Tous les autres barbotent sous la barre des 10%.
La purge s'annonce lente. Les candidats en lice sont encore pétris de l'espoir de percer, et peu enclins à se sacrifier pour la bonne cause. Pour l'instant, six des huit participants du 23 août se sont déjà qualifiés pour le prochain débat, le 27 septembre.
Et même si les critères de participation se sont durcis (notamment avec un seuil de 50 000 donateurs uniques), peu de chance que cela suffise à réduire le champ de bataille. Sans compter que même les candidats exclus ont la possibilité de faire recours auprès d'un juge pour obtenir l'accès au plateau télévisé.
Mais au fond, pourquoi tant de prétendants dans ce combat quasiment perdu d'avance? Le New York magazine esquisse quelques pistes. A commencer par l'échec de Ron DeSantis, qui a laissé une place vacante pour le rôle de «grand rival de Trump». Ensuite, l'accumulation de troubles judiciaires sans précédent qui tombent sur la tête du milliardaire. Certains espèrent que le grand favori pourrait «s'autodétruire» de lui-même d'ici 2024, empêtré dans les affaires.
Alors, pourquoi se priver du plaisir de concourir, d'autant plus quand on en a les moyens financiers? A défaut de quelques martyrs consentants, nous risquons d'assister encore à quelques débats très encombrés. Avant d'espérer trouver, peut-être, l'élu capable de térrasser le dragon.